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Années 70 : un environnement hostile à l’agriculture biologique

Depuis plus de dix ans déjà, l’agriculture française payait les excès que l’agrochimie, appuyée par les Services offi ciels, avait imposé à ses paysans. Conséquence d’une utilisation irraisonnée d’engrais chimiques et autres pesticides, c’était l’explosion des maladies dans le cheptel français… Malgré campagnes de vaccinations (obligatoires), abattages, etc., la fi èvre aphteuse, la tuberculose et autres maladies persistaient, ruinant les éleveurs… et enrichissant vendeurs de drogues et équarisseurs.

Pourtant, comme pour les malades de la peste, si beaucoup étaient atteints, tous ne l’étaient pas. C’était le cas des producteurs en méthode Lemaire- Boucher. Dans son numéro de Janvier 1971, Agriculture et Vie publie le témoignage spontané de l’un d’entre eux, producteur en Mayenne, M. Georges Turpin à La Pellerine :

 Nous voilà à la  n de 1970 et je vous adresse cette lettre pour témoigner toute ma reconnaissance et mon respect pour la culture biologique qui est pour moi un sauveur et vous exprimer ma con ance pour l’avenir. C’est en mars 1964 que je commençais à m’intéresser à votre méthode… Tout était mauvais à la maison: la santé des gens comme celle du cheptel, un pain de 6 livres mangé et non payé, des échéances, des emprunts et l’argent, toujours manquant. Le temps aidant, l’espoir est progressivement revenu avec la culture biologique : la santé à la maison et celle du cheptel sont revenues elles aussi…

Aujourd’hui, 31 décembre 1970, je suis heureux. Me voilà propriétaire de 11 hectares, plus 2 en location. Deux juments pleines : 15 et 4 ans. 13 vaches pleines : pas un cas d’avortement, pas de mammites. Tout va pour le mieux. 95 F de vétérinaire pour l’année 70. J’entends mes copains « chimiques » qui commencent à se plaindre : les vaches avortent, les génisses ne veulent pas retenir après 5 ou 6 chaleurs, le lait est de mauvaise qualité. On ne comprend rien ! Que se passe-t-il ? Il ne faut plus de fumier : on préfère la tonne à purin ou à lisier. On se fâche avec le bois, les taillis les talus. Plus de haies : trop de travail. Plus de pommes de terre, plus de blé, mais du maïs. Par contre, beaucoup d’aliments industriels achetés, des granulés, des antibiotiques. Alors, le vétérinaire apparaît, la seringue… avec souvent l’équarrissage comme terminus. Voilà le travail d’aujourd’hui. Certes, j’ai encore des charges, mais je ne suis plus étranglé comme je l’étais. 

Plus d’un millier de producteurs pouvaient alors apporter un tel témoignage et au vu de tels résultats un peu partout en France, on comprend pourquoi la Culture Biologique a suscité un tel intérêt dès que ses promoteurs sont parvenus à la sortir de son

anonymat. Mais, ces promoteurs issus du secteur privé et ne disposant donc d’aucune onction offi cielle, la question de sa crédibilité se posait… Elle le fut, le 28 février 1970, par M. Bizet au Ministre de l’Agriculture pour savoir : " si l’agriculture dite biologique est très répandue en France, si ses bases sont sérieuses, si les produits préconisés par les propagateurs de la méthode sont sérieux, contrôlés en leurs composants et en leurs prix, si les résultats sont contrôlés et si nos centres de recherches agronomiques ont entrepris des études comparatives entre l’agriculture dite chimique et l’agriculture dite biologique "

La réponse fut apportée dans le J.O. du 4 Septembre 1971 par M. Cointat, Ministre de l’Agriculture.

En voici quelques extraits principaux : 

L’agriculture appelée  biologique  par ses propagandistes est une méthode d’exploitation qui vise à retourner aux conditions de production telles qu’elles étaient pratiquées il y a 150 ans…

Les tenants d’une agriculture dite  biologique  proposent de n’utiliser, pour les fumures et les traitements, que des produits  naturels … Cette mystique, soutenue par une propagande habile et le plus souvent intéressée, a permis un récent accroissement des exploitants qui mettent en pratique les recommandations qui leur sont proposées. Ce nombre reste toutefois faible… Les produits dits naturels vendus aux agriculteurs échappent le plus souvent à la réglementation actuelle…il n’est pas douteux qu’ils devraient être mieux contrôlés… et des instructions ont été données en ce sens…les produits issus d’une exploitation convertie à une agriculture dite biologique n’étant, sauf cas spéciaux, pas discernables des autres.

…Une comparaison globale des deux systèmes d’exploitation n’a jamais été envisagée dans notre Pays en raison de son coût et des di cultés qu’elle présente. Mais elle a été réalisée aux Etats-Unis, grâce à l’intervention d’un mécène : il faut environ trois fois plus de surface avec les méthodes dites biologiques pour obtenir la même quantité de produit"

 

Comme on le voit, les vents n’étaient guère favorables au développement de la bio. Souffl és par tous les lobbies des Industries agrochimiques, il ne pouvait guère en être autrement…

Bien sûr, les répliques aux propos écrits par M. Cointat furent nombreuses, exprimées à la fois tant par les représentants de la fi lière biologique des producteurs aux consommateurs que par Pierre- Bernard Lemaire dans l’édito d’Agriculture et Vie de Novembre 1971. Le combat se poursuivait donc, de plus en plus rude…

Jean-François Lemaire

 

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