
C’est à Villeneuve d’Ascq, près de Lille, que la Coopérative Biocoop a organisé, le 6 février dernier, une journée autour du réemploi, et plus particulièrement de la consigne. Avec 600 magasins points de collecte, l’objectif de cette journée était d’expliquer de A à Z le dispositif mis en place pour la consigne et de présenter toutes les actions que mène Biocoop sur les territoires pour la développer.
600 magasins engagés dans la consigne
Engagée dans la consigne depuis 2020, Biocoop annonce avoir atteint 600 magasins points de collecte pour le dispositif de consigne pour réemploi en 2024. La coopérative représente à elle seule 40 % des points de récupération dans toute la France. L’objectif de la coopérative est d’avoir 100 % du réseau équipé d’ici la fin de l’année 2025. Côté produits éligibles, 130 références du catalogue Biocoop sont vendues dans des emballages réemployables, principalement disponibles sous forme de bouteilles (vin, bière, kéfirs, kombuchas, limonades, sauces, etc.). L’offre tend à se développer vers de nouveaux formats d’emballages et de nouveaux produits à l’image des yaourts, lancés en juillet dernier avec la Maison Gaborit et Bout’ à Bout’ et Haut La Consigne dans près de 200 magasins du réseau Biocoop. Ainsi, 35,7 % de l’offre Biocoop est vendue en vrac ou dans des emballages rechargeables / réemployables. Enfin, en ce qui concerne le référencement, selon Philippe Bernard, directeur de l’offre, « à produit et prix identiques, Biocoop privilégiera le produit proposant la consigne ».
« Recyclez, c’est bien,
réemployer, c’est mieux »,
Franck Poncet, directeur général de Biocoop
Consigne chez Biocoop, mode d’emploi
Pour illustrer son dispositif de consigne, la direction de la coopérative a choisi trois opérateurs de la région Hauts-de-France engagés dans le réemploi. Le magasin Biocoop Saveurs et Saisons, situé à Villeneuve d’Ascq (59), propose une démarche de consigne pour réemploi depuis 2019, ce qui en fait un des pionniers de l’enseigne. Selon le magasin, « les clients adhèrent de plus en plus au mouvement et comprennent les enjeux individuels et collectifs ». Une fois stockés par le magasin, le partenaire local « Haut La Consigne », une structure qui accompagne les entreprises dans la transition vers l’utilisation de contenants réemployables, vient récupérer les emballages vides une fois par semaine. Cette démarche écologique et locale permet de laver et sécher les bouteilles qui seront réinsérées dans le circuit de distribution. Enfin, le fournisseur brasseur « Moulin d’Ascq » rachète les contenants afin de les approvisionner et de les remettre en circuit de vente.
La consigne : un apprentissage pour le magasin
Christelle Dallenne, responsable réemploi du magasin Biocoop Saveurs et Saisons, consacre une demi-heure à une heure par semaine pour trier les bouteilles que les clients ont déposées dans un palox à l’entrée du magasin. En effet, certains contenants ne peuvent être réemployés. Selon Harold Tiberghien, co-gérant du magasin, la consigne a un coût, surtout quand elle n’est pas monétaire. « Pour un gros point de collecte comme nous (plus de 10 000 contenants collectés par an), entre la manutention des caisses de collecte, la logistique et le tri, nous consacrons 3 à 4 heures par semaine ». En pratiquant prochainement une consigne monétaire, cela devrait permettre d’augmenter les volumes et ainsi d’équilibrer cette activité.
Haut La Consigne : 1,3 million de contenants collectés et lavés
Partenaire de Biocoop, l’entreprise Haut La Consigne est spécialisée dans la collecte et le lavage de contenants en verre. Elle a ouvert en juin 2023 son atelier et a investi 1,5 million d’euros. C’est la première entreprise de ce type en France à utiliser un système de triage automatique : l’inspectrice. Cette machine inspecte la bouteille grâce à 12 caméras et détecte les défauts (ébréchures, reste d’étiquette, tâches, etc.) et éjecte sur une table les bouteilles non conformes. Le taux de rebut est d’environ 4 %. En 2024, l’entreprise Haut La Consigne a collecté et lavé 1,3 million de contenants réemployables. Elle espère dépasser les 2 millions en 2025. Sa capacité est de 30 millions !
Comment inciter le consommateur ?
Pour Célia Rennesson, de Réseau vrac & réemploi, trois éléments sont indispensables pour inciter les consommateurs à venir à la consigne. Le premier est le rôle pédagogique que doit avoir le magasin sur le réemploi, le second est la mise en place d’un repère visuel via un logo unique pour tous, et le troisième passera par une sémantique claire, unique et répétée dans le temps.
Moulin d’Ascq : objectif 50 % de contenants réutilisables en 2030
Créée en 1999, la brasserie Moulin d’Ascq, codirigée par Alban Decoster, s’est lancée dans la bouteille réemployable en 2019. Le choix a été fait suite aux résultats d’une étude menée en interne qui mesurait l’impact de la consigne sur le plan écologique et économique. Même si, au départ, l’intérêt économique restait incertain, les dirigeants étaient convaincus de l’intérêt écologique et ont donc lancé le projet. Depuis, malgré certaines contraintes, comme le changement d’étiquettes qui doivent être adaptées au lavage, le format des bouteilles qui demande une réorganisation des lignes d’embouteillage, Alban Decoster constate qu’en raison des différentes crises qui ont eu des répercussions sur le prix de l’énergie et donc du verre, l’utilisation de contenants réemployables permet à son entreprise de conserver une certaine indépendance vis-à-vis de ses fournisseurs de verre. Actuellement, même si la brasserie utilise 1,5 million de bouteilles par an, seule une partie est réemployable. Son objectif est d’atteindre 50 % de contenants réutilisables d’ici 2030 !
« Quand on est engagé dans la transition écologique, limiter les emballages est une évidence. Tout l’enjeu est de passer des ambitions aux actes ! 600 magasins Biocoop, à travers leurs sociétaires, ont relevé ce défi. C’est une performance collective dont nous sommes particulièrement fiers, puisqu’elle fait de Biocoop la 1re enseigne de France sur le réemploi des emballages », Franck Poncet
3 questions à Nicolas Dauvé,
chargé de R&D emballages
Bio Linéaires : Que fait concrètement la coopérative Biocoop pour aider les magasins Biocoop à développer et optimiser la consigne ?
Nicolas Dauvé : La coopérative accompagne les magasins dans le développement du réemploi sur plusieurs axes :
- Développer l’offre de produits en réemploi au catalogue. Avant de sortir un produit, des travaux de R&D sont nécessaires pour définir les conditions techniques au développement de nouveaux emballages ou produits en réemploi.
- Développer et cadrer les prestations des opérateurs de réemploi pour installer et opérer les points de récupération en magasin.
- Obtenir des financements externes pour améliorer la compétitivité du réemploi par rapport à l’usage unique.
Le tout est fait dans un objectif de soutenabilité environnementale et économique pour l’ensemble de la filière (du producteur à l’opérateur de réemploi, en passant par le magasin et le consommateur).
« Un nouveau geste que doit intégrer le consommateur »
BL : Le réemploi concerne plus particulièrement les liquides alimentaires. Y a-t-il des projets en non-alimentaire comme la détergence ou la cosmétique ?
N. D. : Plus que des projets, nous faisons du réemploi d’emballages depuis longtemps sur ce marché. Cependant, nous le faisons différemment de l’alimentaire. Nous commercialisons des produits d’hygiène et d’entretien en flacon rechargeable en vrac en magasin. C’est une forme de réemploi. Plus récemment, nous avons lancé une gamme à diluer à domicile dans des contenants réemployables. Nous avons également participé à l’expérimentation de Cosm’n’pack de Cosmébio l’année passée. L’objectif était d’apprendre sur les conditions de réussite du réemploi industriel sur ce marché.
BL : Quels sont, selon vous, les principaux leviers à activer pour le consommateur pour développer la consigne ?
N. D. : Le principal levier est que ce nouveau geste s’intègre facilement et sans contraintes dans nos vies quotidiennes. Le réemploi doit donc être accessible, généralisé et facile pour toucher le plus grand nombre.
Le réemploi en chiffres
chez Biocoop
80 % des magasins sont points de collecte (100 % à fin 2025)
130 références sont disponibles en contenants réemployables (sans compter les références proposées localement par les fabricants)
40 % concernent le vin et 10 % sont sous la marque Biocoop
480 tonnes de verre collectées en vue de leur réemploi depuis 2020
Reportage de Antoine Lemaire