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[Exclu BL] ACV, Agribalyse, Ecoscore : un défi pour la bio !

[Exclu BioLinéaires] Dans une série de 8 articles, Claude Aubert fait le point pour Bio Linéaires – avec le soutien du groupement Les Comptoirs de la Bio – sur ce sujet complexe qui influencera certainement, dans l’avenir, l’agriculture biologique.

1. Analyse de Cycle de Vie (ACV) : de quoi s’agit-il ?

Estimer l’impact d’un produit sur l’environnement, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, tel est l’objectif des Analyses de Cycle de Vie (ACV). Une méthode qui vise à comparer les produits entre eux, selon un certain nombre de critères environnementaux comme les émissions de gaz à effet de serre…

…ou la consommation d’énergie, ou encore l’émission de substances polluantes. Une note est donnée pour chaque critère, et selon son importance on lui attribue un poids plus ou moins notable. Les émissions de gaz à effet de serre, dont la diminution est une priorité absolue, ont un poids plus important que, par exemple, les émissions d’ozone. Compte tenu de cette pondération on donne une « note » finale au produit étudié. Ces ACV (rien à voir avec les AVC !) ont été conçus au départ pour comparer entre eux des produits ou des procédés industriels. Par exemple, on pourra comparer l’impact environnemental pendant toute la durée de sa vie, y compris la fabrication de ses constituants et celui de l’éventuel recyclage d’une voiture diesel et d’une voiture électrique de dimensions et de puissance équivalentes. Ce qui permet, entre deux produits ou deux technologies rendant les mêmes services, de choisir lequel a le plus faible impact sur la planète. Ensuite, on a voulu comparer entre eux les produits agricoles et les aliments. Par exemple, est-ce que, à poids égal, une tomate a un impact sur l’environnement plus ou moins important qu’une courgette. Mais c’est là que ça se complique…

2. Agribalyse : les ACV (Analyses de cycle de vie) appliquées aux aliments

Il faut comparer des choses comparables, du point de vue des services rendus. Une voiture, qu’elle soit en acier ou en fibre de carbone et qu’elle soit propulsée avec du gasoil ou de l’électricité, est conçue pour nous rendre le même service : nous transporter d’un endroit à un autre. Les aliments ont eux aussi un objectif commun : nous nourrir, mais là, c’est plus compliqué….

… avec l’apparition d’Agribalyse, un outil établi par l’ Ademe selon la méthodologie des ACV, pour comparer l’impact environnemental des divers aliments. Une initiative intéressante puisqu’elle permet de déterminer, de manière relativement précise et chiffrée, comment nos choix alimentaires impactent l’environnement. Une information déjà disponible pour certains produits agricoles bruts mais pas, jusqu’à Agribalyse, pour les produits transformés. Avec ce nouvel outil, nous pouvons découvrir par exemple si, pour la planète, il vaut mieux manger une pizza ou un plat de pâtes, du jambon ou du poulet, un yaourt ou du comté, etc.

Les critères choisis sont majoritairement les mêmes que pour les produits industriels : impact sur le réchauffement climatique, consommation d’énergie, pollutions diverses. Mais jusqu’à présent, ces estimations ne tenaient pas compte du mode de production : intensif ou extensif, conventionnel ou bio. L’Ademe a donc voulu combler cette lacune. Avec quelques surprises…

3. Le volet bio d’Agribalyse et ses incohérences

En appliquant la méthodologie Agribalyse aux produits agricoles en tenant compte de la manière dont ils sont produits, on s’attend logiquement à ce que les produits bio soient bien mieux notés que les conventionnels. Eh bien – surprise – c’est souvent le contraire comme le montrent plusieurs exemples cités par l’ITAB* (Institut Technique de l’Agriculture Biologique).

Impact sur l’environnement, d’après Agribalyse, de pommes et d’œufs bio et conventionnels
(plus le chiffre est élevé et plus l’impact est important).

1 cas bio, 8 cas conventionnels : la pomme bio a un impact environnemental ACV Agribalyse deux fois plus mauvais que les pommes conventionnelles. Source : Itab*.
3 cas d’œufs bio et 6 cas conventionnels. Résultats : les œufs conventionnels obtiennent un meilleur score environnemental que les œufs bio… et les œufs produits par des poules élevées en cages (flèches rouges) obtiennent le meilleur impact environnemental ACV! Source : Itab*.

Donc, selon ces savants calculs, une pomme conventionnelle ayant subi 35 traitements chimiques (moyenne française) protège mieux l’environnement qu’une pomme bio ! Et des œufs d’élevage industriel, avec des poules en batterie, ont un impact sur l’environnement trois fois plus faible que des œufs d’élevage bio en plein air ! On croit à des erreurs de calcul, mais non, c’est bien le résultat.
Le simple bon sens nous dit évidemment que c’est absurde, alors pourquoi Agribalyse arrive-t-il à ces résultats ? Pour deux raisons principales : d’abord les critères utilisés pour calculer les ACV sont bien adaptés à l’estimation de l’impact environnemental d’une voiture ou d’une machine à laver, mais très mal à celui d’un produit agricole. Par exemple, des critères essentiels comme la biodiversité, la fertilité du sol ou l’utilisation de pesticides n’y figurent pas. Ensuite, les résultats sont donnés par kilo de l’aliment alors qu’on pourrait aussi le faire par surface, en comparant l’impact non pas d’un kilo de pommes mais d’un hectare de pommiers. Or la quasi-totalité des comparaisons par hectare concluent à un impact environnemental plus faible pour les produits bio alors que la plupart de celles par kilo produit concluent le contraire. Alors pourquoi avoir choisi le calcul par kilo ?

4. Du bon usage de la terre : land sharing ou land sparing

Plusieurs articles récents dans de prestigieuses revues scientifiques, dont Nature, ont conclu, comme Agribalyse, que les produits bio sont moins favorables à l’environnement que les conventionnels. En se basant sur un calcul simple et à priori logique : pour produire des aliments, vous avez le choix entre deux méthodes : le conventionnel, qui produira disons 40 tonnes à l’hectare de pommes, ou le bio qui n’en produira disons que 20 tonnes.
Donc il faut deux fois plus de surface pour produire une quantité donnée de pommes en bio qu’en conventionnel. Sur les deux hectares nécessaires en bio pour produire 40 tonnes de pommes, vous n’aurez besoin que de la moitié en conventionnel. Vous libérez donc un hectare, qui pourra être utilisé pour planter des arbres, et donc séquestrer du carbone, ce qui diminuera le bilan des émissions de gaz à effet de serre, ou en faire un espace naturel, ou encore produire de l’énergie renouvelable. Raisonnement logique et imparable. Sauf que ça ne se passe pas comme ça.

Prenons l’exemple des céréales. En France, grâce à l’augmentation spectaculaire des rendements (variétés à haut rendement + azote chimique), leur production sur une surface donnée, a été multipliée par quatre en 50 ans (1950-2000). Or, la consommation humaine a diminué pendant cette période. On aurait donc pu diviser par quatre la surface en céréales et consacrer le reste à des productions bénéfiques pour l’environnement. Mais on a préféré garder, voire augmenter, le nombre d’hectares cultivé en céréales, pour nourrir des millions de vaches, de porcs et de volailles, au détriment de l’environnement et de notre santé. Résultat : 80 % des céréales produites en France, hors exportations, servent à l’alimentation du bétail !

5. Pourquoi demander le retrait du volet bio de l’Agribalyse ?

Comme nous l’avons vu, la méthodologie Agribalyse, dans son état actuel, défavorise systématiquement les produits bio, ce que les utilisateurs de ces données ne sont pas censés savoir. Une modification des critères, la prise en compte de ceux qui ne le sont pas, et une meilleure pondération des différents impacts, permettrait d’établir une classification plus cohérente des produits agricoles en fonction de leur impact sur l’environnement. Mais ce travail demandera du temps, d’autant que dans certains cas on manque de références. Par exemple, l’impact des modes de production sur la teneur du sol en matière organique et sur la capacité des sols à séquestrer du carbone est encore imparfaitement documenté. Pour cette raison, les organisations bio, et en particulier l’Itab, demandent aux pouvoirs publics de retirer purement et simplement, en attendant de disposer de toutes les données, le volet bio d’Agribalyse. Et on peut s’étonner que ce volet ait été mis à la disposition des opérateurs sans que ses imperfections – considérables – soient corrigées. D’ores et déjà, le volet bio d’Agribalyse est utilisé par plusieurs organisations pour déterminer pour chaque aliment un score écologique, l’Eco-Score.

6. D’Agribalyse à l’Eco-Score

Une dizaine d’organisations privées (Yuka, Marmiton, Open Food Facts, La Fourche, FoodChéri et Seazon, ECO2 Initiative et Etiquettable, ScanUp, Frigo Magic.) ont lancé sur leurs sites respectifs un Eco-Score visant à compléter le Nutri-Score par une estimation de l’impact de chaque aliment sur l’environnement. Il s’agit donc, pour le moment, d’une initiative privée et non pas d’un logo officiel…

… Comment est établi l’Eco-Score ? Son point de départ est l’estimation faite par Agribalyse, dont nous avons montré l’incohérence lorsqu’elle s’applique aux produits bio ou de culture extensive. Conscients de cette incohérence, les auteurs de l’Eco-Score ont tenté d’y remédier en le corrigeant par un système de bonus-malus, en fonction de critères non ou mal pris en compte par Agribalyse. Par exemple, les produits bio bénéficient d’un bonus de 15 points, et même de 20 points s’ils sont certifiés Nature et Progrès, Bio Cohérence ou Demeter. C’est incontestablement un progrès, et on trouve en effet un certain nombre de produits bio classés A, c’est-à-dire la meilleure.

Ce qui est plus gênant, c’est trouver également classés A des produits dont on peut difficilement dire qu’ils ont un impact très faible sur l’environnement, ce qui correspond à la catégorie A. Deux exemples : de la compote de pommes venant de vergers conventionnels, ayant pu être traitées plus de 30 fois avec des pesticides chimiques, est classée A. De même pour des yaourts faits avec du lait provenant d’élevages de type industriel. Le yaourt à boire « Yop fraise », également classé A, est fait avec de la poudre de lait conventionnel et, en fait de fraises, un arôme dit « naturel » mais peut-être fait sans fraises.

7. Quel est l’impact de l’agriculture biologique sur l’environnement

De nombreuses comparaisons entre bio et conventionnel utilisant l’outil « ACV » concluent à un impact plus important des produits bio. Nous avons vu que c’est lorsqu’ils mesurent l’impact par kg produit et non par hectare. Ce qui ne veut pas dire que l’AB soit à l’abri de toute critique…

… On reproche, par exemple, à l’AB de ne pas se soucier de la biodiversité, qui est en effet absente, en tant que telle, du cahier des charges européen. Et aussi d’avoir parfois cas des excédents d’azote proches de ceux de l’agriculture conventionnelle. En fait il faut faire la différence entre le cahier des charges et la manière dont il est appliqué. Dans une ferme en polyculture – élevage, ce qui est le modèle dominant en bio, la biodiversité est présente sans qu’on s’en préoccupe, car elle découle des rotations longues, de l’interdiction des pesticides, de la présence de prairies ayant une flore variée parce qu’exploitées de manière extensive. L’excédent d’azote est presque toujours faible car cet élément est rare et coûteux lorsqu’une partie doit être achetée sous forme d’engrais organique. En maraîchage, par contre, certains producteurs sont tentés, pour augmenter les rendements, d’exagérer les apports d’azote. Enfin, on a vu apparaître depuis quelque temps des fermes bio de céréaliculture sans bétail, qui certes polluent peu mais négligent l’entretien de la fertilité du sol. Il reste que, même dans ces cas, l’AB n’utilise ni engrais ni pesticides de synthèse, ce dont les ACV tiennent peu, voire pas du tout, compte.

Quelques pistes de réflexion
Les organisations qui ont mis sur pieds l’Eco-Score ont certes tenu compte des avantages de l’AB en faisant bénéficier ses produits d’un bonus qui corrige, partiellement, les lacunes d’Agribalyse. Mais c’est loin d’être suffisant. Nous leur demandons donc de tenir compte des propositions que, nous l’espérons, les organisations bio leur feront…
… Détailler ces propositions n’est pas notre objectif, mais nous en donnons quelques pistes. Il nous semble impossible de donner la note A à des produits qui auront subi de nombreux traitement pesticides ou reçu des quantités massives d’engrais chimiques, sachant qu’on ne pourra évidemment que partir de moyennes.
Il faut revoir complètement le système bonus-malus qui n’est, sans doute, pas mauvais en soi mais ne tient pas suffisamment compte de certains aspects de l’impact des produits sur l’environnement. Par exemple, pour les bonus : l’alimentation à l’herbe pour les ruminants, la biodiversité, le choix de races rustiques en élevage (qui est imposé pour certaines AOC) ; pour les malus : les besoins en eau (exemple du maïs, très exigeant), une origine lointaine, des pratiques environnementales insuffisantes dans le pays d’origine, un emballage non recyclable, etc. On pourrait envisager, comme pour les réfrigérateurs, des notes A+ ou A++ pour les produits bio ou autres bénéficiant de modes de production protégeant l’environnement.

8. Modifier l’Eco-Score pour mieux prendre en compte les effets bénéfiques de la bio

Les organisations qui ont mis sur pieds l’Eco-Score ont certes tenu compte des avantages de l’AB en faisant bénéficier ses produits d’un bonus qui corrige, partiellement, les lacunes d’Agribalyse. Mais c’est loin d’être suffisant. Nous leur demandons donc de tenir compte des propositions que, nous l’espérons, les organisations bio leur feront…

… Détailler ces propositions n’est pas notre objectif, mais nous en donnons quelques pistes. Il nous semble impossible de donner la note A à des produits qui auront subi de nombreux traitement pesticides ou reçu des quantités massives d’engrais chimiques, sachant qu’on ne pourra évidemment que partir de moyennes.

Il faut revoir complètement le système bonus-malus qui n’est, sans doute, pas mauvais en soi mais ne tient pas suffisamment compte de certains aspects de l’impact des produits sur l’environnement. Par exemple, pour les bonus : l’alimentation à l’herbe pour les ruminants, la biodiversité, le choix de races rustiques en élevage (qui est imposé pour certaines AOC) ; pour les malus : les besoins en eau (exemple du maïs, très exigeant), une origine lointaine, des pratiques environnementales insuffisantes dans le pays d’origine, un emballage non recyclable, etc. On pourrait envisager, comme pour les réfrigérateurs, des notes A+ ou A++ pour les produits bio ou autres bénéficiant de modes de production protégeant l’environnement.

* Itab : Questions sur la pertinence des données Agribalyse 3.0 pour l’évaluation environnementale des produits agricoles et l’affichage environnemental des produits alimentaires de l’Itab.

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