
Le 24 mars, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a publié un avis déconseillant la consommation d’aliments à base de soja en restauration collective, en raison des risques liés aux isoflavones, en particulier sur le système reproducteur, si elles sont consommées en trop grande quantité. Cette position a immédiatement soulevé une vague d’inquiétudes au sein de la filière du soja français et du secteur bio.
Pour justifier sa position , l’Anses indique qu’il existe un risque de dépassement des valeurs toxicologiques de référence par ingestion (seuils en-dessous desquels il n’y a quasiment aucun risque pour la santé) chez les consommateurs d’aliments à base de soja, qui sont ceux contenant le plus d’isoflavones, des molécules connues pour avoir une activité hormonale œstrogénique (lire l’avis de l’Anses). En conséquence, l’agence conseille de diversifier les aliments d’origine végétale et recommande aux industriels et producteurs de « revoir les techniques de production et de transformation du soja, pour diminuer les teneurs en isoflavones dans les aliments », les teneurs pouvant être très variable d’un produit à base de soja à l’autre.
Une recommandation controversée
Sojaxa, l’association pour la promotion des aliments au soja, et Terres Univia, l’interprofession des huiles et des protéines végétales, ont exprimé dans un communiqué commun leur profond désaccord avec les conclusions de l’Anses. Elles soulignent que cet avis diverge des « recommandations nutritionnelles récentes formulées dans plusieurs pays européens où il n’existe pas de restrictions spécifiques pour les produits à base de soja dans la population générale et pas davantage à destination exclusive de la restauration collective ». Et de citer, en Allemagne, la Deutsche Gesellschaft für Ernährung (DGE, Société Allemande de Nutrition) qui « recommande dans ses lignes directrices nutritionnelles de consommation de produits à base de soja pour leurs apports en protéines. De même, en Autriche, le ministère de la Santé, dans ses recommandations publiées en juillet 2024, considère les produits au soja comme une alternative aux protéines animales, mettant en avant leurs bienfaits nutritionnels ».
Le Synabio, représentant les entreprises bio, partage cette incompréhension. Il met en avant le rôle crucial du soja bio dans l’écosystème des protéines végétales, soulignant l’engagement des PME bio à proposer des produits innovants et de qualité, alternatives à la viande et aux produits laitiers. « La décision de l’Anses pourrait avoir un impact majeur sur les producteurs, les transformateurs et les distributeurs bio », indique le syndicat.
Mobilisation de la filière
La filière soja française regrette que l’Anses ait écarté des études mettant en évidence les bénéfices nutritionnels du soja, se concentrant principalement sur les risques potentiels liés aux isoflavones sans évaluer la balance bénéfices-risques. Le Synabio va dans le même sens : « Difficile de comprendre un positionnement qui va à rebours du consensus « moins et mieux de viande, plus de végétal » et qui remet en question un produit comme le soja – pourtant central parmi les alternatives proposées aux consommateurs » et appelle à une convergence des efforts de tous les acteurs vers un objectif commun : une alimentation saine et durable.
Face à l’impact potentiel de cet avis sur la filière soja française, Sojaxa et Terres Univia ont sollicité une rencontre avec l’Anses pour discuter de ces divergences et plaident pour une approche équilibrée des recommandations afin de préserver le développement du soja bio en France.