Il y a une vingtaine d’années, de nombreux scientifiques s’interrogeaient sur l’existence ou non d’un « réchauffement climatique » avéré. Les observations et mesures effectuées ces dernières années ont levé le doute sur cette question : augmentation lente, égale à 0,74°C en un siècle, des températures moyennes enregistrées par les stations météorologiques du monde entier, diminution de l’étendue et de l’épaisseur de la banquise arctique, recul des glaciers, augmentation significative du niveau de la mer, autant d’indices sont venus confirmer la réalité du réchauffement climatique. Dans ce contexte, les Etats prennent conscience de « l’urgence » de changer nos comportements et ainsi limiter les impacts environnementaux des activités humaines sur notre planète. Le protocole de Kyoto, traité international portant sur le réchauffement climatique signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, fixe des objectifs de réduction des gaz à effet de serre par pays, qui sont ensuite répercutés à tous les niveaux de la société. La directive européenne des quotas CO2 a pour objectif de réduire de 20% nos émissions d’ici 2020. Cette directive a entrainé la mise en place d’un marché d’échange des quotas, porté par le Bluenext. En France, les quotas représentent 40% de nos émissions, correspondant aux principaux sites émetteurs, reste à travailler sur les 60% d’émissions diffuses restantes. Malgré ces dispositions, les émissions mondiales de CO2 énergétiques ont bondi de 5% par rapport à 2009. L’augmentation constante des gaz à effet de serre dans l’atmosphère s’explique notamment par le fait que notre modèle économique est basé sur les énergies fossiles. Et il n’y a pas qu’un seul gaz à effet de serre, il y a bien entendu le dioxyde de carbone (CO2) issu de la combustion du pétrole, du gaz et du charbon, mais aussi le méthane (CH4) issu de la décomposition anaérobie des matières organiques, ainsi que le protoxyde d’azote (N2O) issu de la transformation des produits azotés, et enfin, les gaz frigorigènes (HFC, PFC, SF6).
La prochaine période du protocole de Kyoto, prévue pour 2013, entraîne de nouvelles concertations au niveau international : le sommet de Copenhague en 2009, conférence de Cancun en 2010, et prochainement la conférence de Durban en 2011.
Dans ce contexte, nous voyons apparaitre au niveau national une accélération de l’évolution des réglementations sur le reporting carbone au travers du Grenelle de l’environnement, sur deux niveaux :
● Au niveau de l’entreprise en elle-même, via la loi du 12 juillet 2010, visant l’obligation de réalisation d’un Bilan Carbone à toute entreprise de plus de 500 salariés. Nous sommes toujours en attente des décrets d’application.
● Au niveau des produits de grande consommation avec l’article 85 du Grenelle 2. L’objectif est de faire prendre conscience aux consommateurs de l’impact de leur achat sur l’environnement. Contrairement à d’autres pays qui ont mis en place des étiquetages uniquement sur l’indice carbone, la France a décidé de travailler sur une empreinte multicritère. Concernant les biens alimentaires, les indicateurs retenus seraient le CO2, ainsi que deux autres indicateurs, l’un sur l’eau et l’autre sur la biodiversité. Ces indicateurs sont en discussion au travers d’un groupe de travail AFNORANIA- FCD-ADEME. Le format de l’affichage n’est pas imposé, la seule contrainte étant que l’information soit disponible sur le lieu de vente. En dehors des contraintes réglementaires, de nouvelles tendances marketing ou pressions de la part des consommateurs voient le jour. Ainsi, de plus en plus de sites web ou applications smart-phone proposent des évaluations relatives de produits et d’entreprises sur des critères environnementaux, sociaux, et éthiques. On peut notamment citer ShopWise, GoodGuide, mais aussi Proxiproduit mis en place récemment par GS1.
L’affichage environnemental reprend la logique de l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) à savoir l’évaluation des impacts de la fourche à la fourchette. En plus des impacts liés à sa fabrication, on tiendra également compte en amont des impacts de la production agricole, et en aval de ceux liés à sa distribution et à son utilisation chez le consommateur. Ainsi, il s’agira pour le consommateur de comparer une salade en sachet prête à manger à une salade lavée et épluchée à la maison, ou encore de mettre en parallèle une bouteille de boisson aromatisée à une bouteille de sirop : ce qui compte c’est de boire un verre. L’unité fonctionnelle retenue dans le cadre de l’affichage environnemental est le litre ou le kilo pour des raisons de simplification. Vaste sujet dans le cadre de l’alimentation car des notions de nutrition doivent être intégrées. D’autre part, les rendements inférieurs du bio pourraient être affectés par cette unité massique ou encore certains produits conventionnels pourraient être favorisés car présentant une teneur en eau plus importante ramenée au kilo. Enfin, pour la mise en oeuvre pratique de cet affichage, il manque encore un certain nombre de données, techniques et comportementales. L’INRA et l’ADEME doivent mettre en place une base de données agroalimentaire française, publique et gratuite, recensant une centaine de matières premières de référence. Le problème est que les résultats de cette étude de terrain ne seront disponibles que fin 2013. D’autres projets sont en cours sur les méthodes de distribution, sur les habitudes de consommation, les déchets générés et leur mode de tri chez le consommateur. Au départ prévu pour début 2011, l’affichage environnemental est testé à partir du 1er juillet 2011 sur une période de 1 an. L’appel à candidature a eu lieu fin 2010. 230 entreprises ont candidaté et 168 ont été retenues. Parmi elles, 70 industriels de l’agroalimentaire et des enseignes de la distribution, ce qui fait de l’agroalimentaire le premier secteur participant. Même si ce débat est important pour les marchés et la transparence de l’information auprès du consommateur, les tendances actuelles
des entreprises est de dépenser leurs énergies pour bien qualifier les aspects méthodologiques, les périmètres et les enjeux pour chaque filière. Pendant ce temps, elles ne sont pas orientées sur l’amélioration globale de la performance environnementale et passe plus de temps sur la forme que sur le fond. Au delà de ces aspects de communication, les industriels avancent depuis 3-4 ans sur ce reporting, sur la mise en place de projets écoconçus et de déploiement d’organisation dédiée à cette thématique (responsable Bilan Carbone, responsable écoconception et ACV, …). La filière de transformation bio semble un peu en retrait et se doit de monter en compétences sur ces sujets et sur l’ensemble de sa chaine alimentaire. La question n’est pas de dire si le bio est mieux ou pas que le conventionnel sur les différents indicateurs mais bien d’identifier les marges de manoeuvre au sein de la filière afin d’orienter les techniques de production, les process et emballages, et la chaine de distribution. Il faut intégrer ce sujet dans une optique de progrès et d’amélioration continue, afin d’être cohérent par rapport aux valeurs portées par le bio et continuer à développer les compétences de ses acteurs.
Au prochain numéro, les aspects pratiques de la mise en oeuvre de cet affichage vous seront présentés ainsi que les perspectives associées en termes de contraintes, menaces et opportunités.
Olivier Messager O2M-Conseil Bilan Carbone – Analyse de Cycle de Vie – Accompagnement en Développement Durable
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