Quelles solutions les acteurs de l’alimentation biologique tel que Biocoop, peuvent apporter face aux défis posés par le changement climatique sur les productions agricoles ? Henri Godron, président de Biocoop, qui avait abordé l’an dernier en conférence de presse la question de la disponibilité des matières premières à l’avenir, détaille pour Bio Linéaires les actions menées par la coopérative en soutien des producteurs. L’occasion d’aborder aussi la relocalisation des filières agricoles, thème cher à Biocoop.
Bio Linéaires : Quel regard portez-vous sur l’alimentation de demain ?
Henri Godron : On essaie de se projeter mais c’est très difficile parce qu’on a beaucoup d’incertitudes. À cinq ans, je pense que sur la semaine, on ne mangera pas ce qu’on mange actuellement parce qu’il y aura peut-être pénurie de tel produit, surproduction de tel autre. La force de Biocoop, c’est d’accompagner les producteurs pour tenir le choc. Si, par exemple, on a une pénurie de pommes de terre, on les accompagnera, si on a une surproduction de petits pois, on saura les valoriser.
BL : Quelles sont vos principales inquiétudes concernant l’impact du changement climatique sur les rendements agricoles et la disponibilité des produits bio dans les années à venir ?
H. G. : Qui peut prévoir quelle sera la production à venir ? Il y a l’aspect court terme, avec les tempêtes, les sécheresses, des problèmes de récolte, et la question de l’évolution climatique. Il faut qu’on se prépare, qu’on anticipe et qu’on accompagne pour qu’on ait toujours une production bio de qualité dans les années à venir. On accompagne aussi la réflexion de nos consommateurs sur la saisonnalité, ça fait 30 ans que Biocoop est dessus. Derrière, il y a toute une réflexion sur le fait de continuer les produits exotiques.
« Qui peut prévoir quelle sera la production à venir ? Il y a l’aspect court terme, avec les tempêtes, les sécheresses, des problèmes de récolte, et la question de l’évolution climatique. Il faut qu’on se prépare, qu’on anticipe… »
BL : Comment accompagnez-vous vos producteurs face à ces défis ?
H. G. : Cette année (Ndlr : interview réalisée en décembre 2024), on a fait un versement de 1 000 € par ferme bio de nos groupements pour soutenir la trésorerie. On a fait des campagnes de soutien sur les pommes de terre qui étaient en surproduction, sur la viande de porc…
On peut, au niveau de la distribution, être en soutien pour des produits en surproduction, pour les valoriser. Le fait de contractualiser permet aussi d’assurer des débouchés aux producteurs sur trois ans. Après, on peut avoir des discussions avec des producteurs mais nous sommes au bout de la chaîne.
BL : Y a-t-il des filières que Biocoop envisage de relocaliser ou développer ?
H. G. : Les produits à marque Biocoop sont déjà 100 % origine France pour ce qui est productible en France. On accompagne aussi certaines filières comme la clémentine corse, en faisant des opérations en hiver pour pousser les ventes et donner envie aux producteurs de s’engager à nos côtés, voire pour certains de se convertir au bio, sachant qu’ils auront des débouchés. On a une réflexion sur les amandes et les avocats mais, pour le moment, nous n’avons pas de filière car nous avons trop peu de producteurs.
BL : Pourquoi la relocalisation des filières est-elle si importante pour Biocoop ?
H. G. : Question de cohérence d’un point de vue écologique, pour ne pas qu’un produit fasse 3 000 km ! Qui dit filière française, dit aussi emploi français. On travaille main dans la main avec nos producteurs associés, on est coopérateur de nos groupements, ce qui permet une réactivité parce qu’on est quotidiennement en contact avec eux, ce qui nous permet de savoir quelles sont les difficultés qu’ils rencontrent. Nous avons désormais un nouveau groupement associé : les Miels Bio du Limousin.
Propos recueillis par Laura Duponchel
Interview issue du dossier Nourrir demain – Bio Linéaires N°117 (Mars-Avril 2025)
Retrouvez dans cette enquête Bio Linéaires :
- Les impacts régionaux du réchauffement climatique sur l’agriculture
- Les leviers d’action pour renforcer la résilience
- Les atouts de l’agriculture bio
- À quoi ressemblera l’alimentation de demain ?
- Quel sera le rôle des distributeurs ?