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La cosmétique bio début 2015 : un état des lieux

En magasin, le rayon cosmétique doit être bien différencié et permettre aux consommateurs de découvrir les produits dans un cadre agréable.

Globalement, où en est aujourd’hui la cosmétique naturelle et bio, face à la cosmétique conventionnelle et en comparaison de la situation d’il y a 10 ou 15 ans ? Sommes-nous encore au milieu d’un gué ou bien celui-ci a-t-il déjà été traversé ?
 

(Klara Ahlers) Cela dépend des pays. En Allemagne, marché le plus grand d’Europe, la cosmétique certifiée a vraiment conquis le consommateur moyen et le gué est bien traversé. Chaque droguerie [circuit leader de la vente de la cosmétique certifiée ainsi que de celle de la cosmétique en général] a au moins 3 à 4 marques de cosmétique certifiée, les supermarchés généralistes commencent aussi à étendre leur offre, et les rayons accueillent indifféremment marques conventionnelles et certifiées. La situation est différente dans d’autres pays, comme au Royaume-Uni où les marques distributeurs bio sont très développées, dans des chaînes comme Boots ou Holland & Barrett. Mais malgré ce fort développement, le marché y est en retard de 5 ou 7 ans comparé à l’Allemagne et le consommateur ne fait pas encore vraiment la différence entre bio, naturel et « inspiré du naturel ». Là, le milieu du gué n’est pas encore atteint. Quant à la France, nous sommes selon moi dans une situation intermédiaire. Les produits ne sont pas encore très présents sur le « mainstream », et le circuit principal reste les magasins bio, ce qui n’est plus le cas depuis des années en Allemagne, où les drogueries et les supermarchés sont les leaders.

(Romain Ruth) Le concept de cosmétique bio s’est énormément popularisé en France, tant sur le plan économique – beaucoup de marques conventionnelles ont investi dans le bio – que sur celui de la notoriété. On le voit aussi par l’influence que la cosmétique bio a eue sur le conventionnel, des ingrédients comme les huiles végétales étant aujourd’hui mis en avant partout. Donc oui, le gué est très nettement traversé. Certes le « vent dans le dos » que nous avons eu en France pendant une longue période est moins puissant, mais il n’est pas éteint, et il commence à souffler aussi à l’export pour la cosmétique bio française. Le mot « bio » a une signification forte sur des marchés importants – Japon ou Amérique du Sud – et même aux Etats-Unis il commence à signifier quelque chose, car l’organique a un sens tellement large que le bio au sens français et européen du terme a un rôle à jouer. Pour COSMEBIO, il ne s’agit pas seulement de la défense d’un type de cosmétique mais aussi d’un modèle de matières premières fondé sur l’agriculture biologique. Nous avons vraiment tout intérêt à nous recentrer sur ce qui fait notre identité dans l’esprit du consommateur, c’est-à-dire notre lien avec la terre, ce qui va dans le sens de la tendance actuelle, qui voit la progression de l’alimentation et des compléments alimentaires bio.

Quels sont les plus grands succès de la cosmétique naturelle/bio de ces dernières années qui vous réjouissent vraiment, et à l’inverse dans quel domaine y a-t-il encore beaucoup à faire ?

(KA) Le plus beau des succès est que la cosmétique naturelle a élargi son champ de distribution, atteignant ainsi le consommateur « non bio », en Allemagne avec les drogueries, en France, dans une certaine mesure, avec la GMS et les parapharmacies, au Royaume-Uni avec les chaînes évoquées. En Allemagne, plusieurs marques certifiées ont commencé à faire de la publicité télévisée, dopant fortement leurs ventes, car cette communication a créé de la confiance. Et du côté de NaTrue, nous sommes très heureux d’avoir certifié en octobre dernier notre 4000e produit, en 6 ans d’existence. C’est pour nous un succès énorme de voir de plus en plus de marques se tourner vers notre cahier des charges, le considérant comme un des plus stricts.

Du côté des progrès à faire, c’est le fait que la consommatrice de base a toujours globalement moins confiance dans l’efficacité de la cosmétique naturelle que dans celle des marques conventionnelles. Nous devons vraiment prouver l’efficacité de la cosmétique certifiée, via des tests en laboratoire et en communiquant sur leurs résultats, pour que les consommateurs ne soient pas seulement convaincus de l’innocuité de la cosmétique naturelle, mais aussi de son efficacité.

(RR) La popularisation de la cosmétique bio dans tous les réseaux, d’un point de vue marchand, c’est-à-dire sa notoriété en France, est un vrai succès : tous les consommateurs bio savent qu’il y a une alternative en cosmétique, et les consommateurs dans leur ensemble aussi. Le second point, c’est que ces consommateurs savent que la cosmétique bio est sincère dans sa démarche : c’est une réussite de COSMEBIO d’avoir offert une alternative au pseudo-naturel et au simple naturel, de proposer un niveau supérieur. Il y a plus d’une dizaine d’années, les pratiques commerciales trompeuses étaient légion. Aujourd’hui, le marché a été vraiment assaini.

Le travail restant à faire, selon moi, concerne ces consommateurs « conventionnels » qui pensent que la cosmétique bio est une cosmétique moins « plaisir » et ont l’image de produits « ascétiques », conséquence d’une communication trop axée sur le « sans… sans… ». Mais la qualité des matières premières est ce qui fait la grande force de la cosmétique bio, et ce lien intense avec la matière première doit permettre d’outrepasser cette difficulté et, aidé par les réels progrès techniques qui ont été faits, de compenser cette image négative dont pâtit parfois la cosmétique bio. Nous devons avoir une communication plus positive que le « sans », qui a été une erreur : il fallait revendiquer plus fort les bénéfices des ingrédients d’origine bio utilisés dans nos produits, alors que l’industrie conventionnelle ne s’en est pas privé.

Existe-t-il une « épée de Damoclès » suspendue au-dessus de la cosmétique bio, qui demain pourrait menacer ses succès actuels ou les ralentir, voire pire ? Par exemple la future norme ISO, qui risque de mener à une définition peu stricte de la cosmétique naturelle.

(KA) Cette future norme est effectivement un risque potentiel. Mais chez NaTrue, nous n’avons pas vraiment de craintes à ce sujet : il y a tellement de marques ayant fait aujourd’hui le choix de notre certification que le risque est faible que demain d’autres se tournent [pour afficher leur « naturalité »] vers la norme ISO, dont les critères sont un nivellement par le bas.

Là où un danger existe, c’est si c’est les grandes marques conventionnelles, aux ressources financières et humaines importantes, considèrent la norme ISO comme une chance pour elles et décident de vraiment investir le marché du « naturel », devenant alors une concurrence qui pour l’instant n’existe pas sous cette forme. Un autre risque concerne l’approvisionnement des matières premières, qui ne sont pas éternelles. Il faut se préoccuper encore plus de l’ensemble de la chaîne de production, des exigences de la culture bio. C’est pour cela que nous avons intensifié notre collaboration avec l’IFOAM [Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique], avec qui nous travaillons aussi sur le projet d’interdiction des OGM.

(RR) Je ne pense pas qu’il y ait vraiment une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes qui pourrait détruire notre activité : les fondamentaux du secteur sont trop forts. La norme ISO va être malgré tout pour moi une façon de rationaliser la cosmétique et certaines allégations ou process. Il faut juste faire attention à ce qu’il n’en sorte pas des choses trompeuses pour le consommateur. Mais ça c’est l’exécution, pas le principe. Néanmoins, chez COSMEBIO, nous ne nous sentons pas menacés, car nos valeurs ne peuvent se retrouver qu’avec nos normes. Pour moi, le risque le plus important concerne la distribution, même si beaucoup de magasins jouent déjà le jeu, ayant compris que la cosmétique ne se vend pas de la même manière que les fruits et légumes et nécessite un conseil différent, un engagement particulier. COSMEBIO s’investit beaucoup avec les distributeurs dans des partenariats qui permettent à ceux-ci ainsi qu’aux fabricants d’exprimer leur potentiel. La cosmétique bio doit affirmer son identité propre et être défendue par la distribution.

L’alimentaire bio se porte globalement bien dans les magasins spécialisés français, alors que la cosmétique stagne plutôt. Quels conseils donner aux magasins qui ont une clientèle alimentaire importante et fidèle, mais qui n’achète que peu ou pas de cosmétique certifiée. Que faire pour lutter dès aujourd’hui contre le conventionnel qui représente toujours le gros du marché et contre le « green washing » ?

(KA) La première chose, la plus difficile, est de détourner le consommateur de ses lieux d’achat habituels pour la cosmétique, GMS ou parapharmacie. Le magasin spécialisé ne doit pas oublier que, comme le vin ou le fromage, la cosmétique a besoin d’un assortiment spécifique. Avec entre autres des produits ne nécessitant pas d’explication, en libre service, à ne pas sous-estimer car sources d’achats fréquents. Et ce avec les marques bio les plus connues même si, comme cela arrive parfois, elles sont aussi vendues dans d’autres circuits. En parallèle il faut aussi des produits permettant au magasin de démontrer sa compétence, pour lesquels il faut être prêt à investir dans du personnel pour le conseil, celui-ci faisant la différence. Le magasin bio doit vraiment proposer un « plus », en s’investissant avec application.

(RR) Un magasin bio, ça ne peut plus être simplement un entrepôt, a fortiori pour vendre de la cosmétique, parce qu’on ne vendra jamais de la cosmétique dans un entrepôt. Les magasins les plus dynamiques sont ceux qui adoptent des logiques de parcours de consommation différenciés en fonction des besoins. La première chose à faire est de créer un espace vraiment dédié à la cosmétique, décoration comprise, comme on le fait avec l’alimentation à la coupe ou la boulangerie. Ensuite, il y faut aussi bien sûr un conseil approprié, car les clients des magasins bio viennent y chercher des réponses précises à des attentes alternatives de santé et de beauté. Comme pour les compléments, il faut offrir un conseil qui ne soit pas que « basique », mais scientifiquement fondé. Et il est difficile que cela soit la même personne que celle qui s’occupe par exemple de la caisse. Et si on n’a pas la possibilité d’avoir en permanence un vendeur dédié, même si rien ne remplace le conseil physique, il faut investir au moins dans la « pédagogie silencieuse » (PLV, présentoirs…).

Quels sont les familles de produits qu’il faut impérativement avoir au minimum pour conserver sa clientèle ? Les magasins ont souvent une place limitée…

(KA) D’abord, il faut proposer, et en quantité importante, ces quelques références dont les clients ont besoin au quotidien, au même titre que le pain ou le lait : crème visage « tous terrains », produits pour peaux sensibles, shampooing, gel-douche, crème mains, dentifrice… L’idéal étant les produits à petit prix (crème mains, dentifrice, stick lèvres, mini-formats…) présentés dans une corbeille bien placée ou un présentoir à la caisse, à prendre au passage, parce que ce n’est pas cher et que c’est l’occasion d’essayer. L’achat d’impulsion par excellence. Il ne faut pas oublier non plus de mettre des testeurs à disposition, pour rassurer les consommateurs sur le parfum ou la texture. Il faut que le client puisse « entrer en contact » avec les produits. Et il n’y a rien de pire que des cosmétiques dans une vitrine fermée à clé ou « perdus » dans un coin du magasin.

(RR) Il faut évidemment proposer, surtout quand l’espace est limité, de « l’hygiène universelle », c’est-à-dire des produits non dédiés, non « sexués » : shampooing, gel-douche, baume à lèvres…

Et pour le visage, outre les nettoyants-démaquillants, des soins hydratants et anti-âge qui sont les deux segments majeurs du marché. C’est d’ailleurs la stratégie des petites ou moyennes surfaces alimentaires conventionnelles, dont l’assortiment cosmétique est justement constitué par ce type de références. Tout en n’oubliant pas, j’insiste, la pédagogie silencieuse et la décoration pour souligner « silencieusement » les spécificités de la cosmétique bio et les besoins concrets auxquels elle répond : hydratation, apaisement, types de peau, etc.

 

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