Le marché bio parvient à se stabiliser en 2024, représentant 12,2 Mds€ pour la consommation à domicile, soit une croissance de 0,8 % (en valeur) par rapport à 2023 (inflation comprise), selon les chiffres 2024 de l’Agence Bio*. À cela s’ajoutent 826 millions d’euros de débouchés en restauration hors-domicile et 1,2 milliards d’euros d’export. Le millésime 2024 présente des signes encourageants de stabilisation du marché, mais révèle également des défis persistants en matière de production et de surfaces.
« La demande redémarre », Jean Verdier, président de l’Agence Bio
Une consommation poussée par les magasins bio
Cette reprise est nuancée par les dynamiques des différents circuits de distribution :
- Circuits dynamiques : le redémarrage de la consommation à domicile est principalement observé dans les magasins bio spécialisés, l’artisanat et la vente directe, chacun enregistrant une croissance robuste d’environ 7 %. Les magasins bio, en particulier, ont dépassé le stade de la reprise (+6,5 % entre 2023 et 2024) et représentent désormais 29 % des ventes de produits bio. La vente directe, qui n’a pas connu d’année noire en 2022, maintient sa croissance à +7,4 % en 2024, atteignant 13,5 % de part de marché.
- Difficultés en grande distribution : la GMS affiche un recul significatif de 5,1 % de ses ventes de produits bio, marquant sa quatrième année consécutive de baisse. Pour la première fois depuis 2017, sa part de marché passe sous la barre des 50 % pour le bio (47,7 %). Ce déclin est accentué par une réduction de 22 % du nombre de références bio entre 2022 et 2024 dans ce circuit.
- Poids dans le panier des Français : le bio représente 6 % des achats alimentaires des Français, un chiffre stable comparé à l’année précédente.
- Consommation Hors Domicile (RHD) : la croissance des achats de bio en restauration collective reste très faible (+3,3 %), atteignant 6 % des achats du secteur en 2023. La restauration commerciale n’est qu’à 1 % d’achat en bio en 2023, avec une croissance de +7,7 % en 2024.
- Dynamiques par filière produit : le vin bio (+8 %) et les légumes bio (+9 %) poursuivent leur progression en valeur. Les fruits, l’épicerie salée et la boulangerie-pâtisserie fraîche retrouvent également une dynamique positive en 2024, principalement commercialisés en magasins bio. À l’inverse, les ventes de viandes (-6 %), de produits traiteur/surgelés/produits de la mer et de boissons sans alcool continuent de diminuer, particulièrement en grande distribution.
La production agricole bio à la peine
Avec des surfaces en recul et une dynamique de conversion faible, le panorama de la production bio est plus préoccupant, avec un recul généralisé des surfaces et des cheptels :
- Baisse des surfaces : en 2024, les surfaces bio françaises ont diminué de 56 197 hectares (-2 %) (plus de 110 000 ha ont été perdus en deux ans) entraînant la France à perdre sa place de leader européen des surfaces bio, derrière l’Espagne. Le total des surfaces bio (certifiées et en conversion) représente 2,7 millions d’hectares, soit 10,1 % de la surface agricole française. Les surfaces en conversion, cruciales pour l’avenir de la production, sont en baisse de 8 %.
- Nouveaux producteurs vs. arrêts : le nombre de producteurs engagés en bio continue de progresser (+1 % en 2024), avec 4 431 nouvelles exploitations. Cependant, ce solde positif est minime et le nombre d’arrêts de certification a fortement augmenté (+20 % vs 2023), confirmant une faible dynamique des conversions qui se réduit chaque année depuis 2020. Les petites exploitations (0-10 ha) sont la seule catégorie à enregistrer une hausse de leur population de producteurs.
- Filières végétales en difficulté :
◦ Grandes cultures : les surfaces en céréales bio ont diminué de 13 % (dont -30 % pour le blé tendre et -26 % pour le blé dur) et les oléo-protéagineux de 12 %. Ces baisses sont en partie attribuées aux mauvaises conditions météorologiques.
◦Viticulture : pour la première fois, les surfaces de vignes bio ont reculé de 4 % (-6 724 ha), avec des baisses notables en Nouvelle-Aquitaine et Occitanie. Le réservoir de croissance est hypothéqué par la chute des conversions en 2023 et 2024.
◦Légumes frais : les surfaces de légumes frais bio ont diminué de 8 %.
◦PPAM : seules les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) ont connu une forte hausse (+58 %), notamment la coriandre (+309 %), en partie grâce à des aides PAC attractives, mais avec des questions sur la commercialisation effective.
- Filières animales en recul : tous les cheptels bio sont en décroissance généralisée, à l’exception des brebis laitières (+2 %). Les éleveurs de porcs (-10 %), truies (-6 %) et poulets de chair (-13 %) sont particulièrement touchés. La filière vache laitière enregistre sa première baisse du cheptel certifié en 10 ans (-2,2 %), avec une part significative de volumes de lait bio déclassés (médiane de 10 % pour une entreprise sur deux). Les crises sanitaires ont également amplifié ces baisses.
« Le réservoir de conversion s’amenuise », Laure Verdeau directrice de l’Agence Bio
Souveraineté alimentaire et échanges commerciaux
- Importations stables : les importations représentent 2,4 milliards d’euros en 2024, soit 29 % des ventes de produits bio en France, un niveau stable par rapport à 2023.
- Exportations en croissance : la valeur des exportations bio est en croissance depuis 2020, atteignant 1,164 Mds€ en 2024, soit une augmentation de +10 % par rapport à 2023.
- Origine France : 71 % du bio consommé en France est d’origine française. Trois quarts des importations sont constitués de produits exotiques.
900 opérateurs de l’aval en moins
Le nombre d’entreprises de l’aval (transformateurs, distributeurs, etc.) a diminué de 4,5 % en 2024 par rapport à 2023 après avoir enregistré une baisse de 3 % chaque année depuis 2022 (seul le nombre de stockeurs augmente : +13 %). Les artisans commerçants baissent de -6 % comme les restaurateurs traiteurs (-6 %), et les entreprises de transformation (-4 %). Les arrêts des entreprises aval sont principalement localisés en Île-de-France (-110 entreprises soit -7 %), Auvergne Rhône-Alpes (-104 soit -4 %) et Occitanie (-81 soit -5 %). Les secteurs d’activité principalement touchés sont les commerces de détail (-24 %), les boissons (-18 %) et les boulangeries-pâtisseries (-14 %).
Perspectives et enjeux pour la filière
Malgré une stabilisation du marché qui est un signal positif, le secteur bio français se trouve à un carrefour face au recul des surfaces et la faible dynamique de conversion. Il est donc nécessaire de relancer la production pour atteindre les ambitions fixées par la Loi d’Orientation Agricole (21 % des surfaces agricoles en bio d’ici 2030) et par la loi EGalim (20 % de bio dans les cantines, censés être appliqués depuis… janvier 2022).
*Chaque année, l’Agence Bio centralise l’ensemble des données relatives aux surfaces, aux cultures et aux cheptels certifiés bio en France et complète ces informations par des études et enquêtes lui permettant de suivre l’évolution des sept débouchés du marché bio. Lors de cette conférence de presse, Jean Verdier en a profité pour remercier les partenaires de l’agence, dont Bio Linéaires, pour leur contribution à la collecte des données sur les différents circuits de distribution du bio.