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Monnaies locales complémentaires, revenir au vrai but de toute monnaie : « faire société »

Les monnaies sont devenues des instruments d’échange financiers au service d’une économie débridée qui ne peut cependant empêcher le chômage et les inégalités d’augmenter, en ponctionnant l’environnement. Les monnaies locales brisent ce sentiment d’impuissance en remettant la monnaie au service de sa plus belle mission : faire sens et créer du lien. Le point minute sur la question.

La monnaie dévoreuse : nous semblons contrôler l’usage de notre argent lorsque nous faisons nos emplettes, surtout pour des achats de produits bio ou éthiques. Cependant les occasions ne manquent pas pour que nos revenus sortent facilement de cette amorce de cercle vertueux pour des utilisations plus incertaines. Que fait le banquier de notre compte ? Comment puis-je aider encore plus au quotidien ma communauté, ma région, être solidaire de personne dans le besoin, soutenir de jeunes entreprises locales ? La monnaie porte en elle en effet un puissant paradoxe : si elle contribue à la cohésion sociale de nos sociétés, elle est aussi un envoutant objet du désir qui incite à accumuler des richesses matérielles et du prestige social grâce à sa propriété de « réserve de valeur ». Une contradiction qui entraîne nécessairement des dérives. Heureusement, si les gouvernements ont fait pour l’instant de leur monnaie un pur instrument marchand et financier dégagé d’obligation sociétale, les choses évoluent.

Le grand retour de balancier avec les monnaies locales complémentaires (MLC) : ces monnaies d’un nouveau genre remettent en cause la fonction unicitaire « à tout faire » des grandes monnaies, qui doivent remplir des missions contradictoires (exploiter et protéger les ressources naturelles), en limitant leurs défauts

(spéculation, banques imprudentes, investissements douteux…). Bien que diverses, les MLC visent toutes à repenser la notion de richesse et de citoyenneté, où l’économie de liens compte autant que l’économie de bien. Les maîtres-mots sont l’entraide, la solidarité, et la promotion d’une économie locale, propres à souder producteurs, commerçants, artisans et distributeurs indépendants pour soutenir l’emploi et freiner les délocalisations. Il s’agit aussi de faire participer et de responsabiliser chaque acteur de la société civile, dont le consommateur. Le tout dans un espace de citoyenneté et de proximité maillé par le tissu associatif, les collectivités, et limité à une zone géographique dédiée.

  • Les deux grandes familles de monnaies locales :

1/ Les monnaies locales marchandes complémentaires, basées sur une conversion avec l’euro sont émises sous forme de billets (ou cartes depuis peu…) qui peuvent être utilisées légalement dans un réseau marchand. L’émission de billets papier est privilégiée en tant qu’outil pédagogique qui permet à ses utilisateurs de « visualiser » leur engagement. Ces monnaies parallèles issues d’initiatives diverses n’émanent pas d’un gouvernement national et fonctionnent en complément de l’euro ou d’une monnaie d’État, sans les remplacer. Citons parmi les plus connues, Sol-violette (Toulouse), SoNantes, et Eusko (Pays basque) le leader et le plus dynamique en France avec 400 000 euros en circulation.

2 – Les monnaies « banques de temps » (SEL, accorderies…) fondées sur des échanges de services payés en heures passées indépendamment de leur valeur de marché. En clair, une heure de repassage vaut autant qu’une heure de conseil fiscal… Ce système d’échange participe à l’économie circulaire (cf. Bio Linéaires n°68) en incitant à entretenir ou réparer ses biens.

  • Quelques chiffres : 2 500 systèmes de MLC sont recensés dans

le monde. En France, une quarantaine d’initiatives existent depuis 2010, et quasi autant en projet avec près de 10 000 usagers et 2 000 prestataires. Si la première vague d’expériences modernes date de l’entre-deux-guerres, leur véritable émergence débute fin des années 1980 aux États-Unis.

  • Un peu d’histoire : l’histoire est riche de formes locales de crédit mutuel, de monnaies provençales, marquées pour des usages spécifiques, jusqu’au dé- but du XXe siècle, où la monnaie unique commence alors à s’imposer.

Monnaires locales, quel avenir ? Stimulées par la crise actuelle les MLC sont en phase avec les nouvelles valeurs d’époque (relocalisation, proximité, participation). Si leur poids économique est pour l’instant marginal, hormis en Argentine et en Suisse leur rôle actuel de petites monnaies associatives à but d’éducation populaire est destiné, à terme, à en- dosser le statut de véritables monnaies d’investisse

ment pour le soutien d’entreprises engagées en réseau (Wir suisse, Sardex allemand). Elles sont donc très bénéfiques en appui à des propositions de réforme macroéconomique (séparer banques de dépôt et banques d’investissement…). Les collectivités locales s’y intéressent aussi de plus en plus, en offrant par exemple la possibi- lité de régler les services publics en monnaie locale.

  • Les MLC légalisées : la France est pionnière en 2014 avec la loi

Hamon sur l’économie sociale et solidaire (ESS) qui reconnaît les monnaies locales complémentaires comme titre de paiement dès lors que l’initiative vient de structures relevant de l’ESS.

  • Le bio, acteur solidaire des monnaies locales ? Beaucoup de MLC soutiennent directement ou indirectement l’agriculture biologique et le commerce équitable solidaire en favorisant les produits bio et locaux et les circuits Encore peu connues, les MLC mériteraient d’être épaulées en retour par les marques et distributeurs bio. La seule initiative actuelle d’envergure est le Coopek, une nouvelle monnaie complémentaire appuyée par le réseau Biocoop mais ouverte à d’autres enseignes. Cette monnaie se distingue par une vocation nationale et non locale, un paiement électronique exclusif, et des prêts à taux zéro qui fonctionnent sur le principe du crédit mutuel interentreprises.

Sauveur Fernandez – fsauveur@econovateur.com

 

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