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La cosmétique « fait maison » Concurrence ou tremplin pour les marques bio ?

La cosmétique « fait maison » séduit un grand nombre d’utilisatrices par ses promesses de pureté et de simplicité.

Impossible de l’ignorer : elle fait parler les chroniqueurs des émissions télé, s’affiche au sommaire des magazines féminins ou bio, dans les librairies, sur des blogs spécialisés, s’apprend dans des ateliers et fait le bonheur des vendeurs d’ingrédients. « Elle » ? C’est la cosmétique « fait maison ». Concurrente des produits des fabricants élaborés à coup de milliers d’euros ? Peut-être. Ou peut-être pas.

Un « coming-out » qui remonte à 10 ans

« Cosmétique » + « fait(e) maison », taper ces termes dans un moteur de recherche sur Internet donne environ 180 000 réponses, affiner par la date montrant que le sujet apparaît vraiment sur la toile à partir du milieu des années 2000. Du côté de l’édition, si on entre « cosmétique » et « maison » sur le site de la plus grande librairie en ligne du monde, on obtient en ce début 2016 des dizaines de titres qui sont consacrés à ce sujet, le plus ancien (disponible d’occasion) datant de 2006 et la plupart ayant été publiés après 2010. Il se confirme donc que l’explosion de la pratique consistant à réaliser soi-même ses produits de beauté date du mitan des années 2000.

Un fabricant d’huiles essentielles, qui avait ouvert son site Internet en 2000 pour vendre celles-ci en ligne, se spécialisa à cette époque dans le commerce des ingrédients (et du matériel) nécessaire à la fabrication de cosmétique à la maison. De 1,3 M€ en 2004, son CA passa à 10 M€ en 2010, 15,7 M€ en 2012, 30 M€ en 2014 et finalement 42 M€ en 2015 (+ 40 %, dont maintenant aussi des produits finis à sa marque propre). Un CA à faire pâlir la majorité des fabricants et distributeurs de cosmétique certifiée en France, et qui s’appuie aussi sur une boutique avec atelier et spa à Paris, qui sera suivi par une deuxième fin 2016.

À côté de ce leader, des dizaines d’autres sites de vente d’ingrédients en ligne tentent de se faire une place, il y a des magasins concurrents à Paris, mais aussi à Lyon, Bordeaux, Rennes et ailleurs, la plupart proposant aussi des ateliers, sans parler d’autres structures organisant également des ateliers partout en France. Et pour ceux qui pensent que les possibilités offertes ne sont pas encore assez grandes, il reste les centaines (milliers ?) de webzines, blogs, pages Facebook et autres forums qui offrent conseils et recettes…. certains étant d’ailleurs des émanations directes des vendeurs d’ingrédients et/ou organisateurs d’ateliers. Avec un effet boule de neige certain.

En parallèle, un fabricant de petit électroménager internationalement connu a mis sur le marché, en 2012, une sorte de « yaourtière cosmétique », permettant de préparer, avec des programmes chauds ou froids, des produits aux textures différentes (crèmes, laits, masques…). Mais vendu à 199 €, certes avec quelques pots à remplir et un livret de 20 recettes (ce qui est peu), il n’est pas certain que cet appareil ait rencontré le succès escompté par ses concepteurs. Ce qui n’a pas empêché une startup française de présenter fin 2015 une autre machine, inspirée des cafetières à dosettes. Présenté comme étant aussi simple d’utilisation qu’une machine à café justement, l’appareil est « capable de délivrer à la demande, à domicile, un sérum ou une crème 100 % conçu sur mesure pour les besoins de votre peau », étant lié à une application « qui analyse en temps réel les évènements de la vie [météo, température, pollution de l’air] et détermine à tout instant [ces] besoins ». Cette application décide alors quelle base utiliser et quelles capsules d’actifs il faut lui ajouter, délivrant au final une dose unitaire. À 490 € la machine, et avec des formulations loin de la cosmétique certifiée, il est peu probable que celle-ci réponde aux attentes de toutes celles qui se sont mises à la « cosmétique maison » parce qu’elles recherchent des produits certes personnalisés, mais surtout plus sûrs et plus simples.

« Des listes d’ingrédients trop longues auxquelles on ne comprend rien » : une des motivations des adeptes de la cosmétique « fait maison ».

Des causes et motivations multiples

Cela étant, il est incontestable que de plus en plus de femmes concoctent leurs produits cosmétiques dans leur cuisine. Quelle en est la cause ? Ou plutôt les causes, car aucun phénomène, qu’il soit grand ou petit, n’est la conséquence d’une seule cause : tous les scientifiques et tous les historiens vous le diront.

En l’occurrence, il est clair que c’est la convergence de plusieurs tendances et besoins, relatifs à la santé, à l’économie et aux modifications sociétales. Concernant ce dernier point, certains aspects ont émergé dès le début des années 2000. Déjà en 2003, dans son numéro du 1er décembre, la revue professionnelle Métro écrivait que « le virus du ‘faire soi-même’ se propage en France » et que « 19 millions de Français de plus de 15 ans déclarent pratiquer un loisir créatif et la moitié y consacrent plus de six heures par mois ». La beauté (cosmétique mais aussi bijoux), n’a donc pas échappé à cette tendance, avec un côté « C’est moi qui l’ai fait », valorisant pour l’estime personnelle, de même que le fait de se distinguer en ayant quelque chose d’unique, ou presque. « Faire ses cosmétiques, c’est chic », titrait le quotidien Le Monde en septembre 2009. D’où est venu ce boom du loisir ? Il suffit de rappeler l’arrivée des 35 heures… et des RTT le 1er janvier 2001.

Là-dessus est venue se greffer la crise économique mondiale de 2008. Dans un monde de plus en plus soumis aux inquiétudes sur notre avenir, à des scandales récurrents portant sur les productions industrielles, revenir à une forme plus artisanale et moins standardisée des produits de consommation courante – en gros une sorte de « retour aux sources » – est aussi rassurant. Sortir des « diktat » des grands groupes industriels est un acte de résistance, qui s’exprime pleinement par l’économie collaborative (Airbnb, Uber, Blablacar, les fablabs, le mouvement des « Makers », les échanges de service…) – même si elle finit par avoir aussi ses dérives – ou le crowdfunding. À l’éclosion des RTT puis l’apparition de la crise est venue s’ajouter, en janvier 2009, la création du statut d’auto-entrepreneur. Sans oublier cet outil fabuleux : l’Internet né lui aussi au tournant des années 2000, extraordinaire plate-forme de recherche et de partage d’informations. Tout ceci combiné ensemble a dopé une nouvelle façon de penser, de travailler et d’occuper ses loisirs.

En parallèle de ces grands mouvements sociétaux, mais étroitement imbriqués à ce qui vient d’être évoqué, s’est développé une inquiétude majeure, celle relative à la santé et à l’environnement. Lutter contre le gaspillage, contre la surconsommation, contre l’obsolescence programmée, pratiquer le recyclage, avec un certain éloge de la lenteur (prendre le temps pour faire bien les choses), tout cela fait sens.

Dès lors, on ne s’étonnera dès lors pas de lire, en parcourant les blogs et webzines des « cosméteuses » (comme se sont baptisées les adeptes de la cosmétique fait maison) qu’elles recherchent « une nouvelle façon de consommer ».

Ceci passe alors par le souhait d’éviter une « liste trop longue de dizaines d’ingrédients » et les « mauvais ingrédients cosmétiques » : parabènes et autres conservateurs, silicones, ingrédients éthoxylés, parfums et colorants synthétiques, substances irritantes, perturbateurs endocriniens, etc., issus de la « chimie lourde », sans parler de l’excès « d’excipients inertes ». Face aux étiquettes auxquelles « on ne comprend rien », il est « important de savoir ce que contiennent les produits », de « contrôler la composition », de « lutter contre la pollution en utilisant des produits le moins possible transformés », avec « des ingrédients de la nature, en choisissant ceux qui sont biodégradables, ce qui est mieux pour notre peau et pour la planète ». La cosmétique fait maison offre aussi une « simplicité rassurante » et de pouvoir « connaître tous les effets du produit », étant « plus efficace » car contenant « jusqu’à 90 à 100% de principes actifs ». Certains soulignent même que les formules sont « 100% actives», l’eau étant remplacée par un hydrolat et l’huile synthétique par une huile végétale . Autant d’arguments qui, notons-le d’ores et déjà, s’appliquent aussi, pour la plupart, à la cosmétique certifiée.

Faire ses cosmétiques soi-même, cela permet de « personnaliser les recettes », « développe la créativité » et est « ludique ». Enfin, mais nous y reviendrons, cela « permet de faire des économies », « jusqu’à 5, 10 ou 20 fois moins cher », et n’est « finalement pas si difficile que ça ». Des motivations que l’on retrouve aussi, et qui l’expliquent, dans l’engouement parallèle pour la cuisine traditionnelle, avec l’explosion des ateliers de cuisine et l’apparition du label… « fait maison » dans la restauration.

Remarquons ici un point qui séduit les cosméteuses, surtout les plus jeunes, à l’instar de ce que l’on constate justement en cuisine, nombre de recettes proposées sont alléchantes dès leur appellation, quand on lit que ces laits, crèmes ou gommages sont à base de « passion et cassis », « amande et pomme », « abricot et muguet ». Comment, avec raison, ne pas céder à la tentation ?

Faire ses propres cosmétiques n’est ni simple, ni une panacée

Mais derrière cet enthousiasme, la réalité est parfois plus dure. Ce sont les cosméteuses elles-mêmes qui le disent, en particulier celles qui ont été déçues par l’expérience.

Stérilisation obligatoire du matériel (même si on utilise des conservateurs naturels), la contamination bactérienne étant le premier des risques ; nécessité de tenir un inventaire précis de chaque ingrédient (date d’achat, date d’ouverture, durée de conservation) ; mode de stockage adapté (température, lumière… gare à l’oxydation et/ou au rancissement) ; huiles essentielles (largement mises en avant dans des recettes qui circulent sur Internet) qui ne sont pas des ingrédients innocents comme on le sait (une erreur de dosage peut être lourde de conséquence) : au final fabriquer ses cosmétiques nécessite une méthode, une maîtrise et une hygiène parfaites. Innombrables sont les essais partis à la poubelle, sans oublier les produits réussis mais qui n’ont tenu que quelques jours. Quant au fait que l’on peut « faire des recettes réellement personnalisées », cela demande un savoir-faire que tout le monde n’a pas. Mal employés, mal dosés, mal associés, certains ingrédients peuvent avoir des conséquences graves. L’allergie potentielle de chaque ingrédient doit, en particulier, être testée. Le matériel doit aussi être impeccablement désinfecté/stérilisé, les mains parfaitement propres, et il faut idéalement porter des gants, une blouse et des lunettes de protection… comme cela est fait en usine !

Faire soi-même sérieusement ses propres cosmétiques oblige à avoir rapidement un stock d’ingrédients variés, à la gestion pas toujours évidente.

Sur le plan de l’économie, beaucoup de personnes qui ont fait ou font eux-mêmes leurs cosmétiques l’avouent : si rapporté au pot ou au flacon fini, le volume d’ingrédients ne coûte pas cher, il faut tenir compte du fait que la quantité requise correspond rarement à celle que l’on est obligé d’acheter. La plupart du temps, on a en de trop. On peut la réutiliser plus tard, mais parfois elle sera périmée avant. Et, beaucoup le soulignent, fabriquer ses produits, et surtout une large palette, devient vite « addictif», avec une liste des ingrédients à stocker qui s’allonge, et un coût à l’avenant. Finalement, ce n’est donc pas toujours aussi économique qu’on le pensait, surtout si on ajoute le matériel de préparation ou le consommable. Quant à envisager d’en fabriquer plus pour le revendre ou l’offrir (ce qui visiblement se pratique), c’est totalement à exclure : même pour un produit offert gracieusement, on se retrouve dans la position d’un fabricant, avec toutes les obligations, et les risques, que cela entraîne.

Fait maison et cosmétique bio, « même combat »

Si nombre de cosméteuses font des produits de qualité, avec une application quasi professionnelle, cela nécessite néanmoins du temps, temps que la majorité des femmes actives, qui cumulent obligations familiales et occupations professionnelles n’ont pas à leur disposition. Faire des cosmétiques soi-même est par contre une bonne façon de comprendre la cosmétique, et notamment la cosmétique naturelle. En ce sens, le fait maison est clairement une excellente porte d’entrée vers la cosmétique certifiée.

Si on rejette un coup d’œil sur la chronologie des évènements, la date d’apparition de la cosmétique maison est celle où la cosmétique bio a fait elle-même son coming-out, sortant des rayons des magasins spécialisés qui en étaient les avocats depuis des années. C’est en effet justement en mars 2005 que passa, très médiatisée, l’émission de télévision qui mit sous les feux de l’actualité les ingrédients douteux type parabènes. On connaît la suite… Les adeptes de la cosmétique fait maison et celles/ceux de la cosmétique bio ont en fait le même désir d’une alternative beauté naturelle, plus saine.

Néanmoins, il appartient aux marques d’expliquer en quoi le temps passé à mettre au point des formulations actives est le garant d’une efficacité scientifiquement validée (et pas seulement ressentie). Elles doivent aussi rappeler qu’elles n’ont pas attendu pour faire des formules où chaque composant a un rôle actif, et qu’en bio ceux-ci sont limités au strict nécessaire pour atteindre cette efficacité, tout en assurant un confort optimal et une conservation sans souci.. Et également que leurs formules sont plus simples, comparées à la cosmétique conventionnelle. Une simplicité qui tend même vers l’optimum pour celles qui se font les avocates de la « Slow cosmétique »® qu’affectionnent certains consommateurs. Enfin, il faut que ces marques n’oublient pas non plus, elles aussi, de concevoir des « recettes gourmandes » qui font envie, voire des produits plus ludiques.

Quant à la conclusion, a priori de bon sens, elle est due à une de ces dames qui à un moment ont goûté au plaisir, réel, du fait maison  : « À chacun son métier. J’ai confiance dans le fait que certaines marques savent encore réaliser de bons produits, avec de bonnes compositions dans le respect de la nature et des animaux ».

Michel Knittel
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