Cette tendance née aux États-Unis avait une origine essentiellement médicale. Le Pasteur Graham Sylvester encourage ce régime en 1830 afin d’éradiquer l’épidémie de choléra.
La nutritionniste Ann Wigmore au milieu du XXème siècle aurait « soigné » deux de ses cancers par cette méthode. Plus récemment en Europe, le crudivorisme continue d’attirer de nouveaux adeptes dont les principes initiaux se complètent par ceux du bien-être et du plaisir du goût retrouvé.
Un choix nutritionnel
L’alimentation vivante repose sur des motivations simples : manger le plus frais et le plus cru possible pour préserver les vitamines et minéraux des aliments et en tirer le meilleur bénéfice. Évidemment, le crudivorisme s’inscrit dans une consommation éthique et biologique, et les ambassadeurs du cru ne peuvent le dissocier de la certification AB, de produits de saison et de proximité.
Peuvent s’y ajouter des labels et logo « sans gluten », « sans lactose » ou « vegan ». Ce régime favorise l’élimination des déchets accumulés dans l’organisme, prévient certaines maladies ou allège leurs symptômes (arthrite, diabète, troubles de digestion, etc.), et aiderait donc à vivre plus longtemps en bonne santé.
Les aliments recommandés sont de préférence alcanisants (aliments qui neutralisent d’autres aliments dits acidifiants), et ont subi peu ou pas de transformation. Dans cette pratique, des combinaisons alimentaires sont préconisées comme le fait de ne pas mélanger certains groupes de nutriments : fruits sucrés et fruits acides, protéines et féculents, etc. Les aliments raffinés sont proscrits.
Les process utilisés
La cuisson est certes un point clé de ce régime, qui restreint le thermique à 45°C. Restent d’autres options : la cuisson par le sel, la basse cuisson et déshydratation, le trempage, la germination, le mixage ou l’extraction. Pour vos clients qui « cuisinent cru », vous pourrez remplir votre rayon « équipement et ustensiles » de l’attirail suivant : germoirs, déshydrateurs, et autres blenders, mixeurs et extracteurs de jus (attention à la vitesse du mécanisme qui ne doit pas surchauffer l’aliment).
N’oublions pas la lactofermentation, processus qui transforme le sucre d’un aliment en acide lactique, en alcool ou en acide acétique (vinaigre). Cette transformation se fait grâce à des micro-organismes naturellement présents dans les aliments ou qui peuvent y être ajoutés.
Une offre en évolution
Les marques de produits crus transformés se multiplient de jour en jour : beaucoup de catégories de produits passent (presque) à la casserole… On trouve déjà un large choix de barres vitaminées, de chocolats crus, de crèmes glacées végétales, de crackers, biscuits et galettes variées, de pâtes d’oléagineux et autres poudres et super-aliments (algues, fruits, noix). Mais cette alimentation ne s’apparente en rien aux habitudes du gastronome franchouillard, si bio soit-il. Il va donc falloir réinventer ses menus.
Vous pensez certainement que vos rayons sont déjà remplis de produits adaptés à un régime crudivore : fruits et légumes frais, jus, noix, fruits séchés…
mais sont-ils vraiment « raw » ?
Pas forcément : le processus de fabrication a peut-être compris un séchage ou une transformation à une température supérieure à 45°C, ou la pression des fruits s’est faite dans une machine qui chauffe excessivement le fruit et lui fait ainsi perdre ses vitamines. Tant de contraintes qui amènent à sur-segmenter les catégories pour répondre au principe de cuisine crue.
Des consommateurs occasionnels
Et qui consomme cru ? Les profils sont divers car encore non exclusifs. Cette alimentation, déjà très en vogue aux États-Unis, est en train de percer en Europe mais fait plus figure de tendance que de mode de consommation au quotidien.
Les marques le savent : la clientèle est encore occasionnelle, par exemple très demandeuse de snacks. En magasin, outre les végétariens et végétaliens, la clientèle la plus friande de ce type de produits sont les personnes à la recherche d’une alimentation saine, riche en protéines, fibres et vitamines : on retrouve principalement des femmes, des adeptes du yoga et des sportifs. En France, la consommation rawfoodiste se décline par deux types d’acteurs : les magasins spécialisés et la restauration. Certains chefs jouent également la carte de la formation pour aider les consommateurs à s’approprier cette alimentation.
Malgré un intérêt récent pour la nourriture vivante (entrée sur le marché en 2009 de Gourmie’s, 1ère marque française), ce secteur ne devrait pas voir s’imposer en masse l’industrie agroalimentaire car ce régime revendique une non-transformation par l’industrie.
Affaire à suivre.
Le salon Biofach était le lieu idéal pour accueillir les quelques entreprises spécialisées dans la Raw Food.
Des références pour en savoir plus :
● L’alimentation vivante, Michele Karen-Werner, éd. Vivez soleil
● www.happycrulture.com : site web et chaîne Youtube
● www.veganbio.com ; www.crudivorisme.com
Certains acteurs de la raw food ont exposé cette année au salon Biofach et le feront prochainement au salon itinérant Free From Food (4 et 5 juin à Barcelone) ou au salon UK des produits bio Natural & Organic Products Europe à Londres (19 et 20 avril 2015). Les Anglosaxons, qui ont d’ailleurs une longueur d’avance concernant le végétarisme, présentaient déjà en 2014 un pavillon végétarien aux deux sous-catégories : vegan et… raw food ! Et comme grande animation, The UK’s Juicing Championship, le concours britannique de jus. Biofach 2015 n’en est pas là, mais les exposants du marché cru ont fait parler d’eux.
Quelques interviews réalisées au cœur de l’événement :
Claudie Botté directrice et fondatrice de Gourmie’s : « C’est à Los Angeles que mon mari et moi découvrons la raw food dans les années 1970, nous étions alors à la recherche d’une alimentation plus énergétique et avons adopté ce régime. De retour en France en 2008, nous avons trouvé peu d’aliments adaptés. J’ai donc commencé à élaborer mes propres barres artisanalement puis j’ai créé mon atelier de production. Aujourd’hui, nous fournissons même un sportif professionnel qui a enfin trouvé des barres énergétiques couvrant ses besoins lors d’un triathlon. Quant aux risques liés à la faible cuisson, des analyses sur les barres précisent qu’il n’y a aucun souci au niveau bactériologique s’il y a 7% d’eau dans les barres. »
Tereza Havrlandová, fondatrice de Lifefood, CZ : « Ça fait déjà 7 ans que Lifefood est présent au salon et nous sommes toujours plus nombreux. Le problème : une réelle qualité raw food. Je suis d’ailleurs en discussion avec d’autres fabricants pour instaurer une charte garantissant aux consommateurs du cru du début à la fin de la chaîne. »
John W. Roulac de Nutiva, USA : « Nous sommes présents depuis 20 ans aux États-Unis et précurseur du rawfoodisme. Moi-même crudivore, j’ai vu le marché exploser ; mais dans tous nos super-aliments, la gamme crudivore ne représente que 20% du chiffre d’affaires. La raw, c’est un état d’esprit. »
Difficilement identifiable et quantifiable sur le plan économique, l’alimentation vivante se développe néanmoins de façon prometteuse en Europe, toutefois à une échelle bien différente qu’aux États-Unis où il existe de véritables supermarchés raw (des crupermachés ?). Souhaitons à ce marché de trouver sa place en France, à l’instar du mouvement vegan, en plein boom depuis 5 ans.
Bio Linéaires a missionné des étudiants du Rheu (35) en Licence professionnelle ABCD (Agriculture biologique, Conseil et Développement) pour l’un de leurs projets d’études. Les futurs techniciens, conseillers, chargés de mission et auditeurs en Agriculture Biologique nous livrent leur regard sur le marché de la raw food. Merci donc à Catherine Ferté, Erwan Gicquel, Jean-Christophe Jouan et Jennyfer Paoli.