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Réenchanter le consom’acteur. Les nouveaux codes du design émotionnel

Si la mission fondamentale du magasin bio a longtemps été de proposer des produits sains respectueux de l’environnement, les temps changent. Plusieurs facteurs conjoncturels (commerce en ligne, concurrence  accrue…), expliquent la nécessité de créer des lieux expérientiels qui aillent bien au-delà du seul achat de produits. Cette 1ère partie explore les nouvelles manières d’agencer son point de vente avec le design émotionnel.

Les 6 familles du design émotionnel adaptées aux magasins bio – Crédit visuel : Freepik – Shutterstock

Le déclin d’un modèle unique d’agencement copié sur la grande distribution

Si les magasins bio on su se démarquer avec des produits sains porteurs d’une agriculture propre et respectueuse des sols, force est de constater que leur agencement général est quant à lui toujours copié en majorité sur celui de la grande distribution alimentaire, avec une architecture pragmatique (rayonnages), insérée dans des blocs souvent impersonnels. Cependant, deux tendances fortes accélèrent la nécessité de transmettre à terme sa personnalité avec un design de magasin plus émotionel qui aille au-delà des techniques classiques de merchandising :

1 – L’ère montante des achats alimentaires en ligne et de la livraison à domicile : la venue à Paris du service Amazon Prime Now en juin 2016 propose désormais aux abonnés « Premium » la livraison dans l’heure de produits alimentaires. Le succès de l’opération de la part d’un leader influent du e-commerce démontre que, très bientôt, le client ne se sentira plus obligé de faire ses courses dans un commerce alimentaire physique, même bio (Cf. « commerce digital », Bio Linéaires n°64).

2 – Le nombre croissant de magasins bio : l’augmentation rapide des points de vente fait qu’il est aujourd’hui plutôt courant, notamment en zone urbaine de trouver plusieurs enseignes bio se cotoyant dans la même rue ou à un jet de voiture. Sachant que les produits vendus sont en majorité les mêmes pour tous, comment alors se démarquer autrement que par une bataille sur les prix ?

– Offrir une âme à son point de vente : la voie du design émotionnel est une des réponses pour sortir du syndrome de la « boîte à achat » en stimulant le besoin d’imaginaire et d’émotion du consom’acteur avec des expériences de consommation qui enrichissent la venue en magasin pour une ambiance vivante, chaleureuse, sophistiquée, vintage ou volontairement austère, et inspirée de six tendances cohérentes avec les valeurs du bio.

Les 6 nouvelles familles d’agencement

1 – Tendance GMS SPIRIT : c’est l’aménagement conventionnel hérité des codes du commerce moderne établis depuis un siècle et amélioré depuis les années 1960 par la grande distribution. L’agencement y est rationnel (linéaires), pourvoyeur de marchandises préemballées, le tout en libre service. Cette manière de commercer ne va pas bien sur disparaître du jour au lendemain mais la GMS est en train de la faire évoluer car, née avec la société de consommation elle est fondée sur le principe de l’achat de marchandises de masse, ce que contestent de plus en plus les millenials (Cf. « générations Y et Z », Bio Linéaires n°60-62).

« Au-delà de la promesse de produits sain, les magasins bio doivent aussi  rendre désirables leur agencement en travaillant sur l’émotion »

Les évolutions et tests en cours incluent : les rayonnages courbes disposés autour d’une place centrale qui remplace les grandes allées, la montée des rayons trad frais animés par des artisans, les rayons spécifiques transformés en boutiques (cosmétiques,…), et la création de nouveaux univers ou services (stand de vêtements sur mesure, services de personnalisation d’objets…).

2 – Tendance NÉO-RÉTRO : la facade et l’aménagement intérieur s’inspirent de l’épicerie d’antan des époques 1900 ou 1950 afin de satisfaire un fort besoin de retrouver « en bas de chez soi » l’ambiance et le contact relationnel humain des petites boutiques d’avant : mobilier en bois massif, vieux objets ou meubles authentiques, utilisation de linéaires-étagères trés hauts, vrac fixé au mur, étagères derrière les caisses pour une vente partielle au comptoir, oeufs frais vendus près des caisses, balances en métal, paniers au plafond, imperfection maitrisée avec un désordre apparent, vrac en contenants traditionnels, vendeurs avec tablier, etc. Beaucoup d’épiceries fines indépendantes s’inspirent de cette famille, exploitée à grande échelle (1000 m²) à New York avec le magasin Garden of Eden. Les marques alimentaires s’y mettent aussi, comme la boutique Maille à Paris (moutarde, vinaigre, condiments, etc.) : sa dévanture est la reproduction idéalisée d’un magasin du XIX° siècle.

3 – Tendance MON MARCHÉ : il s’agit de la reprise des codes du marché couvert traditionnel qui supprime ou amoindrit l’urilisation des linéaires, comme l’organisation du rayon frais en ilots pour simuler des petits commerces avec de véritables professionnels en lieu et place de simples vendeurs (concept anglo-saxon de « one stop shop »), les rayonnages bas, etc. Citons l’enseigne conventionnelle pionnière Grand Frais, qui propose depuis 2007 l’ambiance et la configuration des halles et des marchés couverts traditionnels, ou encore les magasins circuits courts Cru du distributeur belge Colruyt ouverts à partir de 2014.

Du côté des produits bio et naturels la Maison Plisson à Paris, née en 2015 s’inspire librement des marchés couverts parisiens : ici, pas de linéaires façon magasin bio, mais des Univers Trad (cave à vin, boucherie, charcuterie, fromagerie, grand rayon de fruits et légumes, etc.,), avec de véritables artisans derrière les étals.

Du côté du vrac, la tendance est au mixage de mobiliers vrac fonctionnels qui optimisent la place disponible au détriment d’une émotion de vente, avec une vente en vrac évoquant plus les  commerces d’autrefois comme l’utilisation de jarre, de bocaux en verre au formes anciens, de boites métalliques, etc.).
Quant à la grande distribution elle scénarise là aussi de plus en plus les rayons fruits et légumes de ses hypers avec des mises en scène dignes d’un marché.

4 – Tendance ÉPICERIES NEWGEN : adopté par une nouvelle  génération de commerces qui se veulent à la fois beaux à voir et à vivre sans être élitiste, voici un mélange décomplexé de références vintage et de design moderne à la fois minimaliste et élégant, ou la couleur blanche, les teintes claires et les espaces aérés prédominent. L’offre de rayon frais y est souvent conséquente ainsi qu’un espace de de restauration traiteur « fait maison »pour accentuer la convivialité. Citons Causses, l’Epicerie générale, Papa Sapiens… L’ouverture fin 2015 de Bioccop Dada mise par exemple sur un désign novateur épuré affranchit des codes classiques de l’alimentaire bio : verrière rétro, meubles sur mesure arrondis, vastes espaces de circulation…

La distribution conventionnelle, commence elle aussi à suivre le mouvement, comme le nouvel hyper Auchan de Meaux, ouvert en fin 2015, qui systématise les linéaires bas de 1,45 m de hauteur pour 40 % de la surface totale du magasin : la faible densité de produits référencés accentue le sentiment de convivialité et de choix sélectif.

5 – Tendances POPULAIRE / NO DESIGN : la sophistication du décor est ici volontairement délaissée au profit de deux voies :

A – Populaire, avec une atmosphère sans prétention à la fois simple et bon enfant comme la chaîne américaine Trader’s Joe (avec une offre bio), qui apprécie les décors colorés, composés de palmiers, de fresques peintes et de décors humorisitiques (énor­me vache au-dessus des produits lai­tiers). Les salariés arborent quand à eux des chemises à fleurs !

B – No design : voici une austérité « décroissante » assumée sans recherche particulière d’esthétisme, et sans souci de coller aux modes ou dernières tendances. Cette approche est souvent adoptée par les magasins bio les plus militants ou radicaux, comme la chaîne Francilienne coopérative les Nouveaux Robinson, et certaines nouvelles épiceries de quartier indépendantes : la Maison POS à Paris, en partie bio, possède des murs à nus et un sol en béton brut. Les fruits et légumes livrés en direct des fermes sont déposés en cageot sans manières à même le sol.

6 – Tendance MIXED UP :

Les familles vues plus haut sont ici délibérement mélangées, ou utilisées conjointement selon les parties du magasin. Le petit fils d’Emma en Allemagne combine épicerie traditionnelle de quartier et commerce digital : l’agencement néo-rétro cohabite avec une partie plus design qui n’oublie pas les innovations omnicanales  : mur virtuel extérieur numérisé de shopping avec QR codes, commandes en ligne de 17000 références non exposées en boutique, point retrait Click and Collect, livraison à domicile, etc. Une partie de l’assortiment est en bio.

Pour quelle famille d’agencement opter ? Il faut choisir la tendance qui correspond le mieux aux convictions du magasin sans sacrifier à des effets de modes. L’enseigne qui laisse libre ses adhérents ou franchisés de choisir leur concept de prédilection se dote d’un atout fort qui ne peut que renforcer son image globale.

Du design émotionnel au magasin Tiers Lieu

Évoquer une ambiance générale propice à stimuler l’imaginaire du consom’acteur est une étape importante pour un commerce  vivant mais ne peut suffire. Le secteur bio doit aussi veiller au retour d’un commerce de proximité créateur de lien social et d’échanges humains enrichis juste « en bas de chez soi » sur le modèle des anciens petits commerces de quartier dont c’était aussi la vocation.

Voici venu le temps des magasins lieux de vie appelés aussi tiers-lieux : suite au prochain numéro !

Sauveur Fernandez
Tél. : 06 11 40 19 91
fsauveur@econovateur.com
www.econovateur.com
twitter.com/econovateur

La référence pour les professionnels de la distribution bio spécialisée et alternative

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