Voici un article écrit par l’une des salariée et administratrice de La Carline (magasin bio indépendant en SCIC, associé de GRAP) qui a décidé de baisser sa marge sur des produits locaux.
BAISSE DE MARGE SUR LES PRODUITS DIOIS*
Option « Accessibilité » : Comment permettre à plus de personnes d’accéder aux produits d’épicerie bio « de base » type pâtes, huile, farine, emmental, beurre… Autrement dit, comment démocratiser l’alimentation biologique?
Option « Produits locaux »? : rendre accessible et booster les produits du Diois
Favoriser le local oui mais il y a « local » et « local ».
Sur la question de l’échelle de territoire, La Carline s’est arrêtée en 2014 sur la définition d’un produit local comme venant de 75kms routiers ou moins (pas de définition nationale). Pour certains administrateurs, cette échelle est trop large et devrait se cantonner au bassin d’habitants du Diois, globalement de Valdrôme, Bénevise, Cornillon-sur-l’Oule à Vercheny. Car les producteurs de cette zone ont plus de difficulté à trouver des débouchés que ceux plus bas dans la plaine de la Drôme. Pour d’autres, cette échelle est juste car elle prend en compte les spécificités du sol et du climat diois qui rendent la culture de fruits et certains légumes très complexes voir impossible. Cette échelle de 75kms permet de lier des liens étroits avec des producteurs capables de nous fournir lorsque l’approvisionnement local fait défaut, de créer des solidarités entre territoires aux contraintes environnementales distinctes et plus concrètement, de rendre nos approvisionnements hors Diois transparents et avantageux car sans intermédiaire.
Puis il y a la question des « filières ». Prendre des produits d’artisans du Diois ok. Mais si les matières premières utilisées ne viennent pas du Diois et ne sont pas d’origine paysanne, peut-on vraiment de produit local? Le contre-exemple parfait est le pain à La Carline. Nos trois fournisseurs se sont engagés à prendre de la farine produite sur le Diois, moulue à la ferme sur meule de pierre. Un cercle vertueux donc qui entraîne une logique de « filière territoriale » comme on dit dans notre jargon. Il faut favoriser les « éco-systèmes » économiques de cette même nature!
Option « favoriser les producteurs-sociétaires pour renforcer la coopération »
Débat : La coopération c’est un joli concept, mais elle ne se décrète pas, elle s’apprend et se travaille. En 2020, La Carline n’est plus une exception dans le paysage Diois. Elle est concurrencée par d’autres magasins spécialisés et les grandes enseignes de la distribution qui investissent tous les circuits-courts, le bio et les produits en vrac comme nouveau marché d’avenir. Il devient plus aisé pour les fournisseurs locaux de trouver des débouchés. Et moins impératif de s’investir dans notre coopérative. Cet investissement des producteurs locaux, nous en avons besoin pour poursuivre les projets de La Carline et prendre des décisions qui respectent tous les acteurs de la SCIC. C’est les discussions entre consommateurs-producteurs-salariés qui nous permettent d’aller plus loin dans la recherche d’équilibre et de meilleure répartition des richesses possible dans la chaine alimentaire. Donc pourquoi ne pas restreindre cette baisse de marge aux fournisseurs-sociétaires, voir même aux fournisseurs-sociétaires qui participent à nos temps coopératifs (temps de débats et AGs)?
Au terme de ces débats, nous ne nous sommes pas arrêtés à des prises de décisions claires. Car nous n’avons pas répondu à des question de fond comme l’accessibilité à l’alimentation bio, locale et paysanne pour tous, ni aux questions d’échelle de territoire. Mais nous nous sommes aussi rendu compte que la liste des produits « les plus éthiques » était bien différente selon les angles de vue, devenait très réduite et surtout très compliquée humainement et logistiquement à mettre en œuvre pour l’équipe salariée.
En 2020 : la marge passe de 29% à 25% sur les produits diois
* Le Diois est situé à l’est du département de la Drôme.