L’Italie, championne d’Europe de l’agriculture bio
Si l’Espagne a la surface cultivée en bio la plus étendue en Europe, avec environ 1,6 million d’hectares, en pourcentage de la surface agricole utile (SAU), elle est devancée par l’Italie, dont 8 % de la SAU est cultivée en bio (environ 1,2 million d’hectares).
Avec 1,1 million d’hectares cultivés en bio (5,5 % de la SAU), la France vient quant à elle de prendre la 3e place devant l’Allemagne. En Italie, alors que le nombre d’exploitations agricoles a baissé de moitié de 1990 à 2010, celui des exploitations bio à été multiplié par 10 sur la même période (44.000 en 2013). Le pays est le 1er exportateur de produits bio au monde, avec un CA de plus de 1,1 milliard d’euros. L’agroalimentaire bio emploie en Italie 200.000 personnes, réparties dans 5.600 entreprises de transformation et environ 300 d’importation. Ces chiffres marquent une première différence avec la France, pour laquelle l’Agence Bio recense environ 13.000 préparateurs, distributeurs et importateurs fin 2014. L’autre différence concerne le nombre de magasins bio : presque 2.400 en France contre seulement 1.200 en Italie.
Les magasins bio leaders de la consommation bio
Autre différence entre la France et l’Italie : si en France la GMS est avec 46 % de part de marché le leader pour la distribution bio (35 % environ pour le circuit spécialisé), c’est l’inverse chez nos voisins italiens, comme on peut le voir par le graphique comparatif 2009-2013 ci-dessous.
À noter la part de marché de la bio détenue par la restauration hors foyer en Italie : autour de 13-14 % contre 4 % environ en France.
Une grande distribution conventionnelle très éclatée
Si la GMS ne détient donc que la 2e position de ce marché, toutes les principales chaînes de supermarchés conventionnels offrent des gammes de produits bio, avec environ 350 à 450 références en moyenne. Et les enseignes d’hyper – et supermarchés et/ou de supérettes sont innombrables, bien plus nombreuses qu’en France et en Allemagne.
On y trouve aussi bien des groupes et enseignes internationales, comme Auchan, Carrefour, l’allemand Rewe (avec les magasins Billa), que des chaînes typiquement italiennes, d’implantation nationale ou purement régionale : Bennett, CBA, Conad, Despar, Esselunga, A&O, etc. Parmi celles-ci, il faut noter Coop (rien à voir avec l’enseigne suisse du même nom ou celles qui ont existé dans plusieurs régions françaises), leader en nombre de points de vente, très engagé dans le bien-être animal, le solidaire et l’éthique. Un « concept-store » particulier, baptisé Stai Bene Coop (Coop « Tu vas bien ») a été ouvert à Bologne, proposant exclusivement des produits bio et diététiques, de la parapharmacie, des produits de puériculture, de l’alimentation infantile, des cosmétiques…
Et Coop a aussi créé sa propre marque de produits naturels et bio (aliments, cosmétique, détergents), Viviverde Bio. A la GMS conventionnelle s’ajoutent en outre des enseignes de hard discount, comme Eurospin (le leader), Lidl, Penny Market (groupe Rewe) ou LD Discount.
Le groupe Ecor, seul acteur majeur de la grande distribution bio
Sur les 1.200 magasins bio italiens, on ne compte que 150 supermarchés, avec en moyenne 4.500 produits alimentaires bio. Mais la plupart de ces magasins, supermarchés ou petites boutiques, sont des indépendants. A ce jour en effet, il n’y a en Italie qu’une seule chaîne d’envergure de supermarchés et magasins bio : la société Ecor, à la tête des supermarchés NaturaSi et des boutiques Cuorebio (cœur bio).
La société a été fondée à Vérone en 1992 sous le nom d’I.S.I.R. (Istituto Italiano di Reforming). En 1993, elle y ouvrait son premier magasin, à l’enseigne Naturalia, qui fut le premier supermarché bio d’Italie. L’année d’après, l’enseigne était transformée en NaturaSi, avec le projet de la développer comme franchise. Le réseau est aujourd’hui présent dans les principales villes italiennes, du Piémont au Nord à la Sicile au Sud. D’une présentation moderne, les magasins offrent en général plus de 4.000 références de produits bio et naturels. Deux magasins ont également été ouverts à Madrid, la capitale espagnole, le premier en 2001.
En 2006, la société s’associa avec Ecor SpA, une entreprise leader dans la distribution des produits bio et biodynamiques, née en 1987. En 2007, elle élargit encore plus son activité – « du champ à l’étagère du magasin » – avec la Ferme de Vaira, une exploitation biodynamique. En 2008, elle rachetait enfin la société Baule Volante, une entreprise productrice sous sa marque mais aussi distributrice de produits de diététique et d’hygiène et de compléments alimentaires, avec 3000 clients (herboristes, magasins bio, épiceries traditionnelles). Cette acquisition permit à Ecor d’être présent dans les herboristeries, Baule Volante continuant néanmoins à vendre en parallèle aux concurrents d’Ecor.
En 2002, NaturaSi avait par ailleurs lancé une chaîne de petites boutiques franchisées, sous l’enseigne B’io, devenue Cuorebio en 2010, chaque magasin gardant cependant en parallèle un nom de boutique personnalisé.
Le groupe Ecor-NaturaSi représente ainsi aujourd’hui une palette d’activités très complémentaires : production, fabrication et distribution de produits à ses marques (Ecor, Baule Volante, Alimenti Ritrovarti, Fattori di Vaira…), certains étant fabriqués par des producteurs extérieurs, le tout couvrant toutes les familles de produits alimentaires, distribution de marques tierces, activité de grossiste (y compris auprès de magasins concurrents), supermarchés NaturaSi (140 à ce jour, avec 20 ouvertures prévues en 2015) et boutiques Cuorebio, quelques-unes unes en magasin propre, mais la plus grande partie comme partenaires franchisés (450 au total).
Almaverde : une démarche originale
Créé en 2000, Almaverde Bio est un consortium de 12 entreprises agroalimentaires bio, qui se sont associées pour vendre en commun les produits sous cette marque commune. L’assortiment – 400 produits au total – recouvre une large palette : fruits secs, soupes, viandes, salaisons, poissons frais et surgelés, olives, conserves de légumes, confitures, condiments, huiles, laits végétaux, boissons fruitées, œufs, pâtes, farines et produits de panification, etc. Le chiffre d’affaires total des produits à marque propre tourne autour de 30 millions d’euros, exclusivement en GMS, où l’entreprise est leader. Pour l’Italien moyen, Almaverde Bio est ainsi devenu « la » marque bio de référence en grande distribution.
En 2011, Almaverde endossait néanmoins de nouveaux habits, en ouvrant une Frutteria à ses couleurs au cœur du parc d’attractions Mirabilandia, un des plus grands d’Europe, près de Ravenne au nord-est du pays. Ce bar à fruits y propose des salades de fruits frais, des jus de fruits, des smoothies, des yaourts glacés, le tout bien sûr en bio. Le concept a été ensuite étendu en 2012 avec une seconde Frutteria installée dans un important centre commercial en périphérie de Bologne.
Une étape importante a été ensuite franchie avec la création, fin 2014, d’une enseigne de magasins propres, gérée par Organic Food Retail Srl, société appartenant à la fois à Almaverde Bio et à KI Group SpA, entreprise née en 1974 à Turin et spécialisée dans la fabrication et la distribution de produits bio. Cette enseigne, baptisée Almaverde Bio Market, a vu l’ouverture, entre décembre 2014 et janvier 2015, de 4 premiers magasins filiales, à Milan puis Bologne, Reggio Emilia et Parme, la ville de Ferrare étant prévue prochainement. Ces magasins ont typiquement une surface de 250 m², offrant 5.000 références, dont les 400 produits Almaverde Bio.
Ils possèdent également un « bistrot », à savoir un restaurant bio proposant aussi de la vente à emporter. L’idée est néanmoins de recruter des franchisés, avec un objectif de 30 magasins à fin 2016. La stratégie principale est de rallier les magasins alimentaires de détail conventionnels, qui souffrent beaucoup de la concurrence de la GMS, en leur proposant de se convertir à la bio qui connaît le succès en Italie.
Quelques « francs-tireurs » en approche
Outre NaturaSi ou Almaverde Bio Market, il faut également noter l’apparition d’autres magasins qui commencent à marquer le territoire. C’est le cas notamment du Français Bio C’Bon (une soixantaine de magasins dans l’Hexagone) qui a ouvert 5 magasins depuis janvier 2014, tous dans la ville de Milan. Autre initiative toute récente, celle de Piacere Terra, dont le siège est justement à Milan, et qui a ouvert depuis 2013 en Lombardie 6 superbes magasins, très modernes.
Citons aussi, pour la forme, le cas d’Alce Nero, proche de celui d’Almaverde, même s’il n’est pas du même niveau. Dans le même esprit qu’Almaverde Bio en effet, Alce Nero est une marque commune réunissant un millier d’agriculteurs et apiculteurs bio, avec un catalogue de pâtes, céréales, huile d’olive, jus et compotes de fruits, miel, etc. ainsi que des produits du monde entier issus du commerce équitable. Présente dans les supermarchés et magasins bio (NaturaSì, Cuorebio, indépendants) mais aussi conventionnels, la marque a ouvert en 2013 à Bologne une pizzeria « slow food », sous l’enseigne Alce Nero – Berberè Light Pizza & Food. Une stratégie analogue, bien que plus modeste et différente par le type de boutique, à celle d’Almaverde pour avoir pignon sur rue.
Les herboristeries
Cet aperçu de la distribution bio en Italie ne serait pas complet sans la mention des erboristerie (herboristeries). Le diplôme d’herboriste existe en effet toujours là-bas, délivré à l’université, et il y a autour de 550 herboristeries officiellement déclarées, dont une soixantaine de monomarques.
Si on n’y trouve pas de produits alimentaires, c’est le circuit de choix pour la phytothérapie, les compléments alimentaires et la cosmétique naturelle. Outre les indépendants, on trouve également des chaînes franchisées, la plupart ayant une atmosphère au chic très italien, comme L’Isola Verde, qui annonce 200 franchisés, ou Erboristerie d’Italia (20 magasins).
On trouve par contre aussi beaucoup de magasins monomarques, comme Bottega Verde ou Collezione Natura, certains vendant exclusivement de la cosmétique, comme L’Erbolario (95 boutiques). La frontière entre herboristeries traditionnelles et boutiques de cosmétique naturelle apparaît visiblement assez perméable, et le total des magasins vendant en fait des compléments alimentaires et des cosmétiques naturels dépasse probablement le chiffre officiel des 550 herboristeries.
D’évidence, et cela est lié à une tradition nationale, le marché de l’herboristerie semble à ce jour plus structuré (différencié) que celui des magasins bio alimentaires et généralistes.