Sans vouloir donner des réponses qui seraient « parole d’évangile » – loin de là notre façon de penser ! – nous allons vous proposer dans une série d’articles le fruit de nos réflexions et constatations, modestement éclairées par nos plus de 20 ans d’activité dans le secteur des produits naturels en général, et de plus d’une douzaine d’années dans celui de la cosmétique naturelle et bio en particulier.
La cosmétique bio : un nouvel eldorado ?
Avant néanmoins d’évoquer des pistes de réflexion, de partager des idées recueillies sur le terrain, d’évoquer des « outils » possibles, il est essentiel de faire un état des lieux après ces dernières années d’euphorie sur la cosmétique bio, et au moment donc où ladite euphorie fait place, en magasin bio, à quelque inquiétude… Nous avons osé plus haut le mot « mode », un terme il est vrai volontairement provocateur. Mais, dans notre idée d’explorer par la présente série d’articles des chemins de réflexion pratiques, il ne faut pas oublier une chose, essentielle : la cosmétique bio, ce n’est certes pas une mode, mais ce n’est même pas (plus) un acte militant : c’est une (grosse) industrie, même si un grand nombre de TPE (très
La cosmétique : une industrie « lourde » en France
Selon une enquête de l’INSEE effectuée en 2006, chaque Français achète en moyenne pour un peu plus de 200 Euros par an de produits de parfumerie, hygiène et beauté :
● produits de toilette, hygiène : 40 €
● produits de beauté : 75 €
● produits capillaires : 45 €
● parfums, eaux de toilette : 40 €.
Cette consommation est la 4e plus forte au monde, derrière les Etats-Unis, le Japon et le Brésil. Chaque jour sont ainsi vendus chez nous environ 157.000 flacons de parfum, 309.000 produits de soin spécifiques, 525.000 shampoings et 544.000 produits pour le bain et la douche (1). Certes avec la crise, les exportations ont chuté en 2009 de 11 % et les importations de 7 %, et alors que le marché était de 6,9 milliards d’euros en 2007, il est retombé à 6,6 milliards en 2009. La France représente néanmoins à elle seule 18 % du marché mondial (2) et la beauté reste le 4e secteur de l’économie française de par son solde commercial, avec la première place des pays exportateurs (17,9 % de part de marché), devant l’Allemagne (11,7 %) et les Etats-Unis (11 %). Un solde positif dû aussi au fait que la France n’est que le 5e pays importateur au monde (4,3 %), nouvelle preuve du dynamisme des fabricants nationaux.
Une distribution très concurrentielle
Sur notre marché intérieur, les produits de cosmétique au sens strict (c’est-à-dire sans les parfums) sont vendus essentiellement dans trois circuits de distribution qui « pèsent » chacun plus de 20 % du marché (3) : ● la GMS (hypermarchés, supermarchés, etc.) : 27 % de parts de marché ● la distribution dite sélective (parfumeries, grands magasins) : 23 % de parts de marché. Il faut noter par ailleurs que ce canal représente à lui seul 90 % du marché des parfums… ; ● la pharmacie : 20 % de parts de marché. Ces trois canaux représentent donc à eux seuls 70 % du marché ! Viennent ensuite la VAD (vente à distance) et les « marques enseignes » de cosmétique avec 15 % de parts de marché puis les parapharmacies avec 6 %. Instituts, coiffeurs… et magasins bio doivent donc se partager les 9 % du marché restant des produits cosmétiques ! Dès lors, même si la cosmétique bio a connu ces dernières années une croissance allant jusqu’à 40 % par an, et si les 3 ou 4 % du marché global de la cosmétique qu’elle représente vont augmenter de façon certaine, que peuvent réellement peser les 2 250 magasins bio face, par exemple, aux 22 000 pharmacies ou aux près de 3 000 parfumeries sélectives, dont 60 % appartiennent à des chaînes nationales et internationales à la « force de frappe » incomparable ?
Ainsi, si le magasin bio veut garder la dynamique pionnière qu’il a toujours eu en matière de cosmétique naturelle, il faut déjà, avant tout, qu’il n’oublie pas qu’il ne peut de toute façon pas combattre à armes égales sur un secteur économique où il n’est, mathématiquement, qu’un acteur mineur, un nouveau David contre Goliath. Et ce d’autant plus qu’au sein même de cette (ancienne) « niche » de la cosmétique bio, de nouveaux acteurs ont fait leur apparition.
L’évolution du marché de la cosmétique bio
Comme rappelé plus haut, pendant des dizaines d’années, le marché de la cosmétique naturelle et bio, qui n’était pas encore « labellisée » ou « certifiée », s’est cantonné dans le circuit de ces magasins longtemps appelés « diététiques ». Nous n’adhérerons pas à cette affirmation d’un cabinet de consultants qui a écrit récemment que la cosmétique bio était « mal distribuée » et qu’elle était « l’apanage d’écolos et de ‘babas cools’ rétrogrades » (sic !). C’est oublier que tout simplement cette cosmétique n’intéressait pas les autres circuits, et même faire injure aux magasins « bio » et aux consommateurs, qui eux y croyaient, pour des raisons de valeurs (au sens « philosophique » du terme) et d’engagement pour une vie plus saine et une nature préservée. Certes, reconnaissons que les packagings étaient parfois peu attrayants et les textures ou les parfums même quelquefois rédhibitoires, mais là n’est pas la question, la plupart des marques pionnières ayant positivement évolué depuis. Car des marques étaient alors aussi présentes sur le marché, notamment allemandes, nos voisins ayant souvent eu de l’avance sur nous en matière d’écologie. D’ailleurs, le concept même de « magasin diététique » est né Outre-Rhin dès 1887, sous le nom encore usité aujourd’hui de Reformhaus.
Dans les années qui ont suivi, le marché de la cosmétique bio a littéralement explosé en France. Si certains ont parlé d’une croissance de l’ordre de 40 % par an, la société spécialisée en études de marché sur le bio Organic Monitor a publié quant à elle des chiffres de croissance de + 37,6 % entre 2005 et 2006, + 32,7 % entre 2006 et 2007 et + 23 % entre 2007 et 2008. La cosmétique bio doubla alors sa part de marché, pour atteindre environ 2 à 3 % en 2008, selon la Fédération des Entreprises de la Beauté (FEBEA), et 4 % selon d’autres sources. Les analystes d’Organic Monitor prévoyaient que ce secteur représenterait 10% du marché en 2010-2012 et 30 % du marché total des cosmétiques sous 5 ans, une prévision reprise par nombre de supports. La France était alors le pays qui connaissait la plus forte augmentation de la consommation de cosmétiques naturels et bio, mais aussi celui où l’on trouve le plus grand nombre de lancements : 550 nouveaux produits lancés en 2007 et 800 en 2008 (dont 80% de produits de soin) (4). Selon une étude plus récente (5), le marché est depuis passé à 282 millions en 2009 et environ 330 millions en 2010 (6), et à l’horizon 2015, la croissance annuelle du marché est estimée comme devant se situer entre 10 et 12 % en valeur pour un chiffre d’affaires compris entre 500 et 550 millions d’euros, toujours au prix du détail. En 2006, il existait 40 marques de cosmétiques bio en France. A mi- 2010, elles étaient 235 ! Organic Monitor confirmait cette croissance de 12 % pour 2010, une croissance certes ralentie, mais de loin supérieure à celle de la cosmétique « conventionnelle »…
1) Etude Centreco : « Focus sur la production de parfums et cosmétiques en région Centre, La filière parfums et cosmétiques en France », étude menée pour le conseil régional du Centre par Centreco, février 2011 (chiffres d’après la FEBEA, Fédération des Entreprises de la Beauté).
2) Source : Ubifrance.
3) « La distribution de parfums et cosmétiques », étude de la société Precepta (Xerfi), février 2009.
4) « Les Chiffres de la Consommation Responsable Édition 2009 / Évolutions et tendances depuis 2006 » : Rapport 2009 de mescoursespourlaplanete.com, site initié par « Graines de Changement ».
5) Eurostaf : « Le marché français des cosmétiques bio et naturels », décembre 2010.
6) Selon Samuel Gabory, président de Cosmébio et PDG des Laboratoires Alvend, interviewé en mars 2011 pour le site du salon Natexpo, la croissance 2010 a été de 17 %, avec un chiffre d’affaires de de 287 millions d’Euros en 2010 contre 210 millions en 2007.
7) « Produits bio : l’avenir du marché hygiène beauté ? » in Points de vente, 9 mai 2011
8) « Produits bio : l’avenir du marché hygiène beauté ? », Points de vente, 9 mai 2011
Michel Knittel
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