Biocoop annonce une stabilisation de son chiffre d’affaires en octobre, en prenant en compte l’effet calendaire, après une baisse de -7,5 % sur les neuf premiers mois de l’année (vs 2021) et un rebond positif en septembre. Politique d’ouvertures, augmentation des coûts, négociations, regards sur le réseau spécialisé et la GMS… Bio Linéaires fait le point avec Sylvain Ferry, directeur général de Biocoop.
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Bio Linéaires : Quel est votre ressenti sur le marché général du bio et plus particulièrement en réseau spécialisé ?
Sylvain Ferry : Ce dont on s’aperçoit, c’est que la bio est plus résiliente parce que : 1. on n’a pas le sujet des intrants chimiques, 2. on est déconnecté des cours mondiaux et 3, pour Biocoop, on a une offre très française avec aussi la typologie des entreprises avec lesquelles on travaille, des TPE, PME et quelques ETI.
BL : Dans ce contexte, comment s’en sort Biocoop : fréquentation, panier moyen, fermetures, ouvertures… ?
S. F. : On est sur une baisse du panier moyen de 1€. La fréquentation est en train de se redresser. En septembre – octobre, on stabilise la chute en CAM, on n’est plus à -7, -8% comme on a eu. On sent un frémissement de reprise de fréquentation. Pour 2022, on est sur une prévision de 40 fermetures et de 40 ouvertures.
Ouvertures: «on a adapté nos schémas financiers»
BL : Dans un marché qui se tend, avez-vous revu votre politique d’ouverture ?
S. F. : Depuis début 2022, on a adapté nos schémas financiers, changé les abaques, revu tous les CA et tous les coûts outils. Notre objectif, c’est de ne pas avoir de gens en difficulté. On aura pas 70 ouvertures par an comme on a eu dans le passé… Personnellement, je ne vois pas l’année prochaine d’amélioration du marché.
BL : Comment Biocoop fait face aux augmentations des coûts (transport, énergie…) à la fois pour les centrales et le réseau ?
S. F. : On a un accord sur une énergie 100 % verte avec Enercoop pour tous nos entrepôts, on attend une proposition d’Enercoop pour le renouvellement des contrats pour Biocoop SA et une négociation pour le réseau de magasins. On va voir ce que va nous proposer Enercoop, avec qui on a une longue relation, on va voir aussi comment l’État va nous aider et, bien sûr, comment l’inflation et l’augmentation des coûts seront répercutés sur nos prix de vente.
Biocoop en chiffres
- -1€ de baisse du panier moyen
- -7,5% de CA entre janvier et septembre 2022 (vs 2021)
- +5% d’inflation
- 28,4% du CA issu du commerce équitable
- 80% des produits origine France
- 6 à 7 000 références par magasin dont 15% de local
«Biocoop, c’est une entreprise militante avant tout et commerçante après»
BL : Dans le dernier dossier de presse de Biocoop («Nos valeurs sont à l’intérieur» – Novembre 2022), vous indiquez que « la question du prix illustre l’adaptation nécessaire dans ce contexte inflationniste en travaillant autour de la valeur perçue de la bio». Donc pas de promo mais de la pédagogie ?
S. F. : Il ne faut pas opposer les deux. Biocoop, c’est une entreprise militante avant tout et commerçante après : nous sommes commerçants militants. La raison d’être de Biocoop c’est de développer l’agriculture biologique, on ne bougera pas d’un centimètre sur ce point… et ce serait une erreur de le faire car c’est ce qui fait que les consommateurs viennent chez Biocoop. Et on va même aller plus loin. On a inscrit dans notre rapport d’activité trois objectifs : l’accélération de la transition agroécologique, le partage de la valeur avec une entreprise sociale, équitable et solidaire et la lutte contre les intrants chimiques.
Le chiffre de la promo chez Biocoop c’est 4%. On ne veut pas faire de la promo pour faire de la promo mais proposer des actions chaque mois qui ont du sens, avec une mise en avant des bonnes pratiques : le vrac en septembre, les produits français en novembre, une opération Noël solidaire en décembre… et je pense que c’est Biocoop qui a raison. D’ailleurs la pression promo a augmenté sur le marché bio et pourtant nous, à Biocoop, on gagne des parts de marché.
«Aujourd’hui, Casino, Carrefour, Intermarché pèsent 22% du réseau spécialiste»
BL : Quel regard portez-vous sur le réseau spécialisé ?
S. F. : On est un réseau de spécialistes, on n’est pas là pour copier la GMS. Mais il y a une réalité, c’est qu’aujourd’hui Casino, Carrefour et Intermarché pèsent 22% du réseau spécialiste…
Biocoop, c’est le militantisme de ses sociétaires. Un commerçant doit apporter des convictions qui viennent dans son assortiment. Biocoop pèse 1 % de l’agroalimentaire en France et pourtant on est le premier vendeur de commerce équitable en France. Pourquoi ? Parce que c’est un choix, c’est la traduction d’un positionnement militant au sein d’une entreprise. Mais il ne faut pas opposer prix et militantisme : on vend 1L de lait bio en commerce équitable à 1,05 € dans nos magasins. On ne va pas casser les prix mais aujourd’hui on a l’un des meilleurs prix bio sur le marché.
«Un commerçant doit apporter des convictions dans son assortiment»
BL : Et quel regard portez-vous sur le bio en GMS ?
S. F. : Le pire ennemi de la bio, c’est le bio industriel et malheureusement on est en plein dedans dans la GMS. Les rayons et les produits ne sont pas beaux et les prix sont élevés… La partie fruits et légumes bio en GMS, par exemple, est très dommageable pour l’image du bio.
BL : Dans le contexte actuel, comment se présentent les négociations ?
S. F. : Cette année, nous avons décidé que nous n’aurions pas le même comportement avec les toutes petites entreprises qu’avec les grosses. Il y aura des efforts à faire chez les industriels – et plus ils sont gros, plus ils peuvent amortir – et il y aura des efforts à faire chez nous.
BL : Le mot de la fin ?
S. F. : Cette situation, c’est peut-être un mal pour un bien, ça va permettre à la filière de s’affermir, d’arrêter de se corriger par la croissance, et de travailler son expertise.