Biocoop de Capdenac : un succès basé sur un fort ancrage local

Bertrand Chabbert, de la Biocoop de Capdenac (Lot), nous explique les raisons de la bonne santé de son magasin qui a su résister efficacement aux années de crise, notamment grâce à des liens forts entre consommateurs et producteurs locaux.

 

Bio Linéaires : Quel a été votre parcours avant de devenir responsable d’une Bioccop ?

Bertrand Chabbert : J’ai baigné dans le commerce dès le début de mon activité professionnelle : 10 ans chez Raynal & Roquelaure, où j’ai gravi les échelons jusqu’à devenir directeur d’enseigne, traitant avec les centrales nationales. Puis quatre ans chez La Martiniquaise, deuxième groupe français de spiritueux, où je gérais les comptes Carrefour, Casino et Métro. J’ai mal vécu cette dernière période, réalisant que je n’étais pas fait pour ce genre de commerce. Côté privé, j’avais d’autres valeurs, mon épouse travaillait chez Alter Eco, une démarche équitable que je partageais, et nous consommions 100 % bio. J’ai répondu à une offre du Moulin du Pivert, et ce fut très positif pour moi, passant d’un gros groupe à une PME perdue au milieu de nulle part. Je suis tombé amoureux de l’entreprise et de ses valeurs, pour y rester sept ans, à me régaler dans le montage des filières, travailler et diffuser la marque en France et à l’export. Suite à la vente de l’entreprise en 2018, j’ai décidé à nouveau de partir.

 

BL : Pourquoi cet attachement à la région et le choix de cette enseigne ?

B. C. : Mon épouse avait créé son entreprise ici à Figeac, et je voulais rester dans la bio. J’ai rencontré, en 2020, les fondateurs de la Biocoop de Capdenac qui voulaient céder leur magasin, créé en 2017, et avons conclu un accord. Ce fut un changement radical de métier, dans le retail et chez Biocoop, qui était pour moi la seule enseigne pouvant répondre aux valeurs que je souhaitais porter : un format de coopérative, permettant de garder mon indépendance au sein d’un réseau fort tout en restant acteur et faire du commerce, en nourrissant un projet sociétal inscrit dans son territoire, et dans une économie sociale et solidaire. Notre magasin s’appuie sur son outil de plate-forme pour l’offre globale Biocoop, mais avec un fort marqueur sur le local.

« Si on veut faire vivre un territoire, le magasin doit y participer activement : l’offre locale de légumes bio représente 40 % de nos volumes annuels », Bertrand Chabert

Bertrand Chabbert soutient les viticulteurs locaux, en organisant cette année une dégustation privée auprès des clients du magasin, qui a rencontré un vif succès.

Nos producteurs bio locaux représentent 18 % de notre chiffre d’affaires sur tous les rayons, notamment sur les fruits et légumes. Sans oublier le frais en service arrière, car nous avons dans le Lot la chance d’avoir un nombre élevé de producteurs de fromage, de charcuterie et de viande de volaille, bœuf, agneau et porc que nous proposons sous vide, une différence que nous pouvons amener en tant que magasin bio.

Il nous a fallu, par exemple, mettre autour d’une table des maraîchers, créer et tenir des engagements, permettant de développer des produits comme le chou-fleur ou le brocolis qui n’étaient pas cultivés de manière significative sur notre territoire.

Aujourd’hui, la moitié des volumes que nous proposons sont cultivés en local. Autre exemple, celui des courges cultivées localement : quand elles sont là, on ne vend plus de courges d’autres régions. C’est aussi valable pour les tomates rondes d’été.

« Vendre des produits bio c’est facile, mais travailler le montage des filières c’est une autre histoire ; notre unique concurrent sur la zone n’offre pas un tel schéma de promotion des acteurs locaux. »

BL : Quelle est votre approche sur le vrac ?

B. C. : 15 % du CA est réalisé en vrac alimentaire depuis la création du magasin, avec une baisse du rayon suite à la crise sanitaire, et une légère reprise actuellement, peut-être due aux opérations Biocoop où deux fois par an, on fait 15 % de remise sur tout le rayon vrac. Plus généralement, nous avons la chance de ne pas avoir connu la crise, avec des progressions annuelles à + 4 % depuis 2021. Je m’explique cette relative bonne santé du magasin par sa jeunesse et par notre forte implication auprès de nos fournisseurs locaux et de nos clients, dont nous sommes très proches. C’est cette écoute, ces échanges, cette vision territoriale qui font le succès du magasin aujourd’hui sur une agglomération de 10.000 habitants, avec une enseigne qui défend bien ses valeurs locales.

 

« Dès qu’on propose une offre locale, les ventes s’envolent au rayon fruits et légumes. »
BL : Qui sont vos clients et leurs motivations ?

B. C. : Nous avons un peu de tout ! Du bobo, du bourgeois, du rescapé du Larzac, du CSP+, des retraités,… Comme tout magasin bio, notre clientèle a tendance à vieillir, mais on voit arriver de plus en plus de jeunes familles, et ça fait plaisir car ce sont eux qui, demain, vont porter nos commerces. La principale motivation de nos clients est un achat qui respecte l’environnement, la terre et la biodiversité ; puis vient le local au rayon frais, un marqueur fort pour notre magasin. Et, bien sûr, la qualité des produits en bio.

Nous tournons entre 900 et 1 000/clients par semaine, ce qui est plutôt bien pour un magasin comme le nôtre, sans offre classique de boucherie, mais avec un service arrière dynamique. J’ai mis en place des partenariats avec des associations, de la collecte bio solidaire, de la sensibilisation via des projections de films en milieu scolaire agricole, et vers le grand public via le réseau des Faucheurs Volontaires.

 

BL : Vous organisez des animations avec vos producteurs ?

B. C. : Ce n’est pas facile de les faire venir en magasin, alors nous avons eu l’idée, au mois de mai dernier, d’organiser une dégustation de printemps pour nos vins bio locaux, sous la forme d’une soirée privée sur invitation. Nous avons convié tous les viticulteurs avec qui nous travaillons et, tous ensemble, ils ont proposé une dégustation de leurs vins à nos clients. Nous y avons ajouté un producteur de fromages, un autre pour la charcuterie, et un groupe de musique pour l’ambiance. Une centaine de clients sont venus, ravis de goûter les vins en contact direct avec le vigneron, et ils nous demandent encore quand nous referons une soirée dans le même genre. Ce type d’événement va devenir pour nous un rendez-vous annuel, et on réfléchit à l’axer sur un sujet comme le maraîchage, avec un marché tout autour, afin de faire venir tous nos producteurs partenaires.

 

BL : Parlez-nous de vos actions au niveau des maisons locales ?

B. C. : Chez Biocoop, on se doit d’être acteur de notre territoire, d’où l’existence des maisons locales, regroupements de plusieurs magasins sur la même zone. Nous menons des projets en local, soit en tant que magasin, comme nous l’avons décrit plus haut, soit à un niveau élargi. Récemment, avec un producteur de lait – Aveyron Brebis Bio – qui avait une problématique de récolte trop importante sur une période où la demande était plus faible. Avec les maisons locales de Toulouse et du Causse, nous avons mis en place un process de transformation et de conservation pour lancer trois fromages, qui ont rencontré un vrai succès en local, avant d’être référencés sur notre plate-forme du Sud Ouest, et maintenant chez Bioccop au national. C’est ça aussi la force de Bioccop : pouvoir créer un produit national à partir d’un petit projet d’une maison locale. Nous en sommes très fi ers, car sans l’amont, nous ne sommes rien, c’est pourquoi il faut protéger et aider nos filières au maximum.

Propos recueillis par Christophe Beaubaton

 

Article issu du dernier numéro de Bio Linéaires

Numéro disponible à l’achat

Bio Linéaires N°115

Au sommaire

Les deniers repères économiques du marché bio en GMS et réseau spécialisé, un point sur les ouvertures et fermetures, un dossier sur la consigne en réseau bio et sur l’impact des hausses des cours du cacao sur les chocolatiers bio, le succès de Biocoop Capdenac, le renouveau du marché bio allemand, l’ère des univers instants de vie en magasin, les nouveautés produits et des focus sur des catégories spécifiques (légumes secs, confiseries, vitamine C liposomale, plantes qui réchauffent….), des conseils pour valoriser les rayons en période festive, un retour sur Natexpo 2024 et un point sur l’agriculture régénératrice. Sans oublier nos rubriques Écoproduit, règlementation et Bio Reportage (Nutriéee).

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