De plus en plus critiqués, les lobbies de l’agrochimie veillent au grain et ont trouvé, avec le riz doré, un nouvel angle d’attaque.
Le feuilleton du riz doré
Cela fait près de 20 ans qu’on nous parle du riz doré, un riz OGM enrichi en vitamine A. La carence en cette vitamine est un problème de santé majeur dans les populations pauvres d‘Asie et d’Afrique qui ont une alimentation à base de riz. En effet, cette céréale ne contient pas cette vitamine, sauf des quantités minimes dans le riz complet. La FAO estime qu’entre 250 000 et 500 000 enfants dans le monde deviennent aveugles chaque année, en bonne partie par carence en vitamine A. Pourtant, les sources de cette vitamine ne manquent pas. On trouve la vitamine A elle-même (le rétinol) dans de nombreux produits animaux (fromages, œufs, certaines viandes) et le bêta-carotène, précurseur de la vitamine A, dans de nombreux aliments végétaux : carotte mais aussi salade, épinard, patate douce, potiron, nombreux légumes feuilles, certains fruits. Le problème vient donc de ce que les enfants les plus pauvres ne mangent presque pas – voire pas du tout – de ces aliments, végétaux ou animaux. La seule bonne solution serait évidemment d’en introduire dans leur alimentation un ou plusieurs. À défaut, on pourrait enrichir en vitamine A les riz existants sans manipulation génétique. Mais les spécialistes de OGM ont trouvé une autre solution, à leur avis bien meilleure : introduire dans le génotype du riz un gène le rendant capable de produire cette vitamine : c’est le riz doré. Génial, non ? Sauf que :
- Depuis plus de 20 ans que les chercheurs travaillent sur ce riz, il n’est toujours pas commercialisé, parce qu’il n’est pas au point disent les uns, à cause de Greenpeace et autres ONG anti OGM disent les autres. Il est en tous cas peu probable que les responsables soient les ONG, car leur action n’a jamais empêché la mise sur le marché d’aucun OGM,
- L’impact sur la santé de ce riz doré n’a – pas plus que celui des autres OGM – jamais été sérieusement étudié. Certes, une étude a été réalisée sur 68 enfants chinois et a conclu que le bêta-carotène du riz doré pouvait, comme celui des aliments végétaux, se transformer dans l’organisme en vitamine A. Une étude qui n’a duré que 15 jours et ne s’est pas du tout intéressée aux effets à long terme. Effets qu’il faudrait, à défaut de mieux, tester sur des animaux de laboratoire pendant toute leur vie et sur au moins sur deux générations.
107 prix Nobel accusent Greenpeace
Une actualité récente a remis ce sujet d’actualité : en juin de cette année, 107 prix Nobel ont signé et diffusé une déclaration s’insurgeant contre une nouvelle campagne anti OGM et anti riz doré lancée par Greenpeace, accusant cette ONG rien de moins que de « crimes contre l’humanité » car ils empêcheraient la commercialisation de ce fameux riz, et donc seraient responsables de la cécité, et parfois de la mort, de centaines de milliers d’enfants dans le monde. Une initiative qui pose au moins trois questions :
1) Combien parmi les signataires ont une compétence en la matière ? Une petite minorité, de toute évidence,
2) Qui a été payé (et par qui) pour rassembler ces 107 noms et leurs signatures ?
3) Qui, parmi ces prix Nobel, a pris un jour l’initiative d’accuser de crimes contre l’humanité l’industrie agro-alimentaire qui, elle, est bien responsable de la mort prématurée de dizaines de millions de personnes chaque année, suite à des maladies (cancers, maladies cardio-vasculaires, diabète et autres) provoquées ou au moins favorisées par les aliments pollués et déséquilibrés dont elle inonde le marché mondial ? Aucun à notre connaissance.
Pesticides : des décisions bien ambigües
- Néonicotinoïdes : ces insecticides tueurs d’abeilles restent autorisés jusqu’en 2018 et seront interdits, mais avec des dérogations, en 2020. Les abeilles ont encore du souci à se faire,
- Glyphosate (RoundUp) : Bruxelles a prolongé l’autorisation de 18 mois (au lieu des 10 ans prévus initialement), malgré son classement par l’OMS en cancérogène probable. Affaire, sans doute, de laisser le temps aux firmes chimiques de lui trouver un remplaçant,
- Perturbateurs endocriniens : après des années d’atermoiements, la Commission européenne a finalement défini des critères permettant de classer ou non un produit chimique parmi les perturbateurs endocriniens. Mais avec des conditions si difficiles à remplir pour arriver à ce classement que la plupart des pesticides passeront à travers les mailles du filet. Il faudra par exemple prouver la perturbation endocrinienne, non seulement sur des animaux de laboratoire, mais aussi sur l’homme. D’ici qu’on y arrive….
Claude Aubert