Les arguments habituels contre le bio – valeur nutritive pas meilleure, risques de contamination par les mycotoxines et les bactéries plus élevés – étant contredits par une littérature scientifique de plus en plus abondante, les défenseurs du conventionnel étaient un peu à court d’arguments. Ils en ont trouvé un nouveau.
Manifestement énervés par l’accumulation de publications et d’émissions de télé dénonçant les effets des pesticides sur la santé et sur l’environnement, et par la médiatisation de la semaine sur les alternatives aux pesticides, les anti-bio ont trouvé un nouvel angle d’attaque : « l’agriculture bio utilise aussi des pesticides », insinuant que dans ce domaine elle ne fait pas mieux que la conventionnelle, avec des arguments qui laissent rêveurs. Rappelons que l’agriculture biologique autorise huit pesticides : deux extraits de plantes (pyrèthre et neem), deux toxines produits par des bactéries (bacillus thuringiensis et spinosad) un virus inoculé aux larves du ver de la pomme (virus de la granulose) deux produits minéraux (soufre et sels de cuivre) et un pyréthrinoïde de synthèse (deltaméthrine) autorisé seulement dans des pièges, donc sans contact avec les plantes et autorisé uniquement contre la mouche de l’olivier et la mouche des fruits. Mais aucun herbicide et, bien entendu, aucun produit classé CMR (cancérigène, mutagène, réprotoxique). Pas davantage de produits systémiques, c’est-à-dire absorbés par les racines et donc diffusant dans toute la plante comme par exemple les néonicotinoïdes. Contre environ 300 pesticides, dont un certain nombre CMR et/ou perturbateurs endocriniens, autorisés en agriculture conventionnelle.
Examinons deux exemples de l’argumentation des anti-bio, que l’on découvre, entre autres, sur le site de Médiapart, certes pas dans les pages sous la responsabilité de la rédaction, mais dans le « Club de Médiapart », où chacun peut s’exprimer librement et donc écrire les pires inepties, notamment sur le bio.
L’exemple du pyrèthre
Bien qu’extrait d’une plante, cet insecticide, autorisé en agriculture biologique, n’est pas un produit anodin, sinon il ne tuerait pas les insectes. Dans un blog que l’on peut lire sur Internet (site du Club de Mediapart), l’auteur d’un article sur les pesticides bio cite toutes les précautions d’emploi figurant sur l’étiquette d’un produit à base de pyrèthre, (précautions semblables à celles que l’on trouve pour la plupart des pesticides chimiques) : « irritant pour les yeux, ne pas manger, ne pas boire, ne pas fumer pendant l’utilisation, porter un vêtement de protection et des gants, très toxique pour les animaux aquatiques, etc. ». Une énumération que l’auteur du blog termine par « En comparaison, une arme chimique n’est qu’un pétard du quatorze juillet » ! Le pyrèthre doit certes – comme tous les pesticides – être utilisé en prenant certaines précautions ; les agriculteurs bio le savent et ne l’utilisent qu’en dernier recours, notamment parce qu’il n’épargne pas les auxiliaires. Mais les pro-pesticides (chimiques) se gardent bien de préciser que, contrairement à la plupart des insecticides chimiques, le pyrèthre est très rapidement dégradé (en quelques heures à la lumière), ne donne pas naissance à des métabolites toxiques et n’est classé ni CMR ni perturbateur endocrinien. Enfin on n’en retrouve pratiquement jamais de résidus dans les aliments bio.
L’exemple du cuivre
Les agriculteurs biologiques utilisent des sels de cuivre (sulfate, oxychlorure) pour lutter notamment contre le mildiou de la vigne. Les anti-bio ont donc eu l’idée de rechercher la présence de cuivre dans 29 vins bio. Ils en ont trouvé dans tous, avec une teneur moyenne de 0,15 mg par litre (oubliant de comparer avec la teneur des vins conventionnels, ce qui retire toute validité scientifique à leur étude) et ont comparé cette teneur avec les quantités de résidus de pesticides présents dans les aliments conventionnels. Une comparaison dont les auteurs semblent ignorer qu’elle n’a aucun sens puisque le cuivre est un constituant normal de tous êtres vivants et de tous les aliments. Par ailleurs, la teneur en cuivre qu’ils ont trouvée dans les vins bio est proche de ce qu’on trouve habituellement dans le vin et très inférieure à ce que contiennent normalement, pour ne prendre que quelques exemples, le raisin, bio ou conventionnel (0,9mg/ kg, soit 6 fois plus), les noisettes (1,6 mg/kg, soit 10 fois plus) ou la levure alimentaire (5,3 mg/kg, soit 33 fois plus).
Rappelons que le cuivre est un oligo-élément indispensable, dont l’apport conseillé par l’Anses pour un adulte est de 2 mg par jour. Deux verres d’un vin en contenant 0,15mg/litre apportent 2% de cette quantité.
Pour conclure nous dirons que dans leur tentative d’utiliser l’argument pesticides pour décrédibiliser l’agriculture biologique, ceux qui se sont risqués à cet exercice se sont plutôt décrédibilisés eux-mêmes…
Claude Aubert