Que penser de l’accord approuvé par les 195 pays ayant participé à la COP 21 ? Pour les optimistes, c’est une avancée décisive. Pour d’autres, les engagements restent très insuffisants.
Les engagements sont en effet, eu égard à l’importance des enjeux, peu satisfaisants. Par exemple, il n’y a pas d’objectif chiffré sur le niveau des réductions d’émissions de gaz à effet de serre à atteindre en 2050 et pas de sanctions prévues pour ceux qui ne respecteraient pas leurs engagements. D’un autre côté, le texte confirme la prise de conscience, au niveau mondial, de la gravité de la situation, et l’engagement des pays riches de consacrer chaque année au moins 100 milliards de dollars à l’aide aux pays peu développés pour les aider dans la transition vers une économie sans émissions de carbone. Un autre effet positif de la COP 21 est d’avoir fait prendre conscience au grand public comme aux responsables politiques, de l’urgence d’agir.
En fait, c’est aux changements de comportements et aux mesures qui seront prises dans les toutes prochaines années que l’on mesurera le véritable impact de l’accord du 12 décembre. Il faudra, en effet, changer nos habitudes, notamment en matière de déplacements et de consommation. L’industrie devra réduire fortement ses émissions et les pouvoirs publics prendre des mesures énergiques en matière de transports collectifs, de véhicules moins polluants, d’isolation des logements, etc.
L’agriculture (presque) oubliée
Reste un domaine largement oublié, celui de l’agriculture et de l’alimentation. C’est pourtant celui dans lequel la réduction des émissions pourrait être la plus importante et la moins coûteuse à court terme. Le contenu de notre assiette est, en effet, responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Les leviers permettant une réduction de ces émissions sont nombreux et pourraient être actionnés très rapidement. Ils concernent principalement les émissions de méthane et de protoxyde d’azote, principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture, ainsi que le stockage de carbone dans les sols.
Méthane (CH4) : la meilleure manière d’en réduire les émissions est évidemment de diminuer le nombre de ruminants, donc de manger moins de viande. Mais la production par animal peut aussi être diminuée de 25 à 30% en ajoutant à la ration environ 5% de graines de lin ou d’un autre oléagineux.
Protoxyde d’azote (N2O) : il suffit de diminuer les apports d‘azote chimique, voire de les supprimer comme le fait l’agriculture biologique. Même en agriculture conventionnelle, on peut souvent diminuer ces apports sans baisse de rendement, notamment en introduisant des légumineuses dans la rotation.
Le sol, un puit de carbone à utiliser d’urgence
Stockage de carbone dans les sols : c’est la solution la plus facile à mettre en œuvre rapidement. De nombreuses pratiques sont en effet à la portée la majorité des agriculteurs.
Bon nombre de ces techniques pourraient être adoptées par les agriculteurs conventionnels, à défaut d’une conversion au bio, sans bouleversement important de leur système de production. La plus efficace est l’agroforesterie, surtout si l’on ajoute au carbone stocké dans le sol celui stocké dans les arbres. On arrive alors à des taux de séquestration de 7000 à 11000 kg de CO2 par ha et par an, selon le type d’arbres choisi et leur nombre à l’hectare. Si cette technique était mise en pratique sur 6 millions d’ha, soit 1/3 des surfaces en cultures annuelles, on pourrait séquestrer chaque année 44 à 66 millions de tonnes de CO2, soit 42 à 63% de toutes les émissions de l’agriculture. En y ajoutant la mise en œuvre, au moins partielle, des autres techniques évoquées plus haut, on pourrait compenser la plus grande partie des émissions de l’agriculture. Certes, les taux de séquestration indiqués ne dureraient pas éternellement, mais ils faciliteraient la transition entre le bilan CO2 actuel et celui qui doit être atteint en 2050.
Au niveau mondial, le potentiel est encore supérieur, car en milieu tropical le taux de séquestration peut être beaucoup plus élevé qu’en milieu tempéré. On arrive par exemple, lors de la régénération de prairies dégradées, à séquestrer chaque année par hectare 2 à 3 tonnes de carbone, soit 7300 à 11000 kg de CO2.
On peut donc conclure que la COP 21 a permis de franchir un pas important en terme à la fois d’engagements et de prise de conscience, mais que c’est l’avenir qui nous dira dans quelle mesure les promesses faites seront tenues.
Claude Aubert