Entretien avec Christophe Creuzeaud, fondateur passionné de l’enseigne indépendante Belvibio à Saint-Martin-de-Crau (13). Une entreprise familiale qui a démarré par le e-commerce, et depuis 2019 par un magasin qui ne connaît pas la crise !
Bio Linéaires : Christophe, après une vie professionnelle en région parisienne, dans le commerce du jardinage et du bricolage, pourquoi racheter un magasin Bio dans le Sud ?
Christophe Creuzeaud : J’ai un cursus qui n’a (presque) rien à voir avec la bio, mais j’ai toujours été proche de la nature ! Après des études en horticulture et production florale, j’ai cherché en vain du travail dans ce secteur, pour aller finalement vers la fonction commerciale dans l’univers du jardin et du bricolage, occupant différents niveaux de responsabilité. Ma famille et moi allions progressivement vers une alimentation bio, je cultivais mes propres légumes sans aucun traitement, j’ai eu envie de faire autre chose.
Étant depuis toujours dans le commerce, j’ai voulu naturellement créer mon entreprise dans le bio : c’est pourquoi en 2015, j’ai racheté un site qui vendait quelques produits bio, et créé le site Belvibio. C’était assez paradoxal de commencer une activité de vente de produits bio sur le web, tout en continuant mon travail salarié. J’ai petit à petit trouvé les bons partenaires pour faire évoluer le site, sans avoir à stocker ni expédier les produits.
Au début nous vendions surtout des thés et tisanes, des compléments alimentaires et des cosmétiques, puis l’activité s’est développée à tel point que j’ai dû faire de la place chez moi pour stocker les produits. En parallèle, je fournissais une petite épicerie de village près de chez moi en produits bio. Puis est venu le moment en 2017 où, avec mon épouse, on a décidé de changer de vie.
BL : D’où le choix d’ouvrir un magasin bio en région Paca?
C. C. : Je ne voulais pas être simplement un « pure player », mais avoir mon propre magasin, avoir un contact réel avec les clients, les conseiller, c’est ce que j’ai toujours aimé faire. C’est ainsi que nous avons racheté, en 2019, le magasin « La Source » à Saint-Martin-de-Crau, qui était en perte de vitesse à l’époque ; nous avons tout repensé niveau agencement, pour relancer l’activité, avec une belle progression pour un magasin qui ne compte que trois personnes. Nous avons plus de 4 000 références de produits sur 150 m² de surface de vente et une réserve de 20 m², pour près de 600 000 euros de chiffre d’affaires, dont 20 % est encore aujourd’hui réalisé via les ventes e-commerce. Nous travaillons énormément avec ma fille aînée sur le référencement naturel du site et son optimisation mensuelle pour arriver à de tels résultats. En quatre ans, nous avons multiplié par cinq le nombre de nos références.
« Notre dynamisme commercial sur le web et la proximité avec notre clientèle au magasin nous ont permis de bien résister à la crise depuis deux ans avec, par exemple, des progressions à deux chiffres sur le mois de mars 2023 »
BL : Proposez-vous du frais, du local, parmi vos 4 000 références ?
C. C. : On propose un peu de tout : du surgelé, des fruits et légumes et un peu de crèmerie, du fromage et des yaourts, au magasin, mais pas sur le site car c’est trop compliqué à expédier. On ne propose quasiment pas de viande car nous sommes flexitariens, juste un peu de jambon, du poulet, des lardons. On fait un peu de local sur les fruits et légumes, un peu de chips et pas mal de vin car nous sommes dans une région très productrice, et aussi une bière locale des Alpilles. Nous avons des amandes locales en vrac avec deux producteurs sur notre commune. Le vrac représente une faible part de notre offre, nous avons considérablement réduit le nombre de références car en fait les gens achètent toujours les mêmes produits en vrac : le riz, les pâtes, les fruits secs. Notre offre est presque 100 % en bio, sauf pour certains compléments alimentaires, cosmétiques ou produits d’hygiène de la maison qui restent à base de produits naturels.
« Tout le monde veut faire du local mais en réalité, c’est compliqué car beaucoup de producteurs préfèrent travailler avec des grands groupes plutôt que des indépendants qui vont juste leur prendre une cagette de tel ou tel produit »
BL : Quel est le profil de votre clientèle ?
C. C. : On connaît presque tous nos clients par leur nom via notre programme de fidélité : nous sommes dans une ville d’environ 15 000 habitants, avec un côté rural affirmé. La clientèle majeure est d’un certain âge et plutôt aisée, mais on au aussi tous les profils : des plus jeunes, notamment via la marque Elibio que nous distribuons depuis le début via notre affiliation à l’ANEB, et nous permet de proposer d’excellents produits à petits prix. Quand on compare leurs produits à ceux similaires en bio que l’on peut trouver en grande distribution près de chez nous, on est souvent moins cher au prix du kilo, pour une excellente qualité, à l’exemple des pâtes, des farines, du café ou des jus. Cette entrée de gamme à prix accessibles nous permet de proposer un large panel de produits, environ 80 % de la gamme Elibio.
« La marque Elibio nous a permis de conquérir de nouveaux consommateurs »
BL : Que dire du trafic en magasin et des actions promotionnelles ?
C. C. : Nous avons environ 70 clients/jour en semaine, un peu plus le samedi, avec un panier moyen à plus de 30 euros. Notre particularité est que le e-commerce est une locomotive pour la progression de notre chiffre d’affaires, dont il représente environ 20 %. Depuis 2022, nous avons perdu certains clients qui achetaient du bio durant le Covid, mais en avons aussi fidélisé beaucoup d’autres notamment par une politique promotionnelle soutenue : nous réalisons nos propres PLV (affiches, étiquettes et stop-rayons) pour annoncer nos opérations Belviprix, sur des produits à prix d’appel négociés avec nos différents partenaires. Ces actions dynamisent notre activité globale et ne portent pas seulement sur les produits emballés, mais aussi dans certains cas sur leurs équivalents en vrac, comme c’est le cas pour les flocons d’avoine ; nous laissons le choix au client.
« Actuellement, nous avons une opération Belviprix en cours jusqu’en fin d’année pour une centaine de produits dont nous avons baissé le prix »
BL : Quels sont vos projets pour l’avenir ?
C. C. : Aujourd’hui, il faudrait pousser les murs du magasin, embaucher une personne supplémentaire, agrandir la réserve de stockage pour moins travailler en flux tendu. Nous sommes obligés de freiner notre développement si nous ne trouvons pas de locaux plus grands : avoir un espace restauration pour les clients, organiser des dégustations fournisseurs. Cet été, j’installe un barbecue devant le magasin pour proposer des grillades de produits végétaux en tout genre, nous avons toujours plein d’idées pour attirer et fidéliser nos clients !
Propos recueillis par Christophe Beaubaton