Benoît Soury, président de So.Bio et Bio c’Bon et directeur Marché Bio et Proxy de Carrefour, dévoile à Bio Linéaires son regard sur le marché bio actuel. Alors que les enseignes So.Bio et Bio c’Bon ont ouvert plus de 30 magasins cette année, Benoît Soury détaille également la stratégie qui y est déployée avec notamment l’accent sur le local et la formation des équipes. Avec un objectif : préparer le rebond du marché, convaincu que les volontés exprimées par les consommateurs de mieux consommer resteront des aspirations profondes auxquelles la bio répondra.
Écouter l’interview de Benoît Soury, directeur Marché Bio de Carrefour et président de So.Bio et Bio c’Bon
Bio Linéaires : Bonjour Benoît Soury, vous êtes directeur Marché Bio du Groupe Carrefour ainsi que président de So.Bio et de Bio c’ Bon et directeur de la branche Proxy de Carrefour. Nous avons le plaisir de vous accueillir à Natexpo. J’aurais deux questions à vous poser, la première c’est : quel est votre ressenti sur la situation actuelle du marché bio à la fois en GMS et en magasin bio ?
Benoît Soury : Bonjour Antoine, bonjour à tous. Le ressenti bien naturellement que l’on a, est un ressenti à la fois objectif et à la fois aussi la volonté de partager un peu une ambition. Alors premier élément sur l’objectif, on sort globalement d’une année – si on va jusqu’à août 2022 – on sort d’une année qui est, comme tout le monde le sait, plus compliquée pour l’ensemble des marchés bio, que ce soit en grande distribution ou dans les réseaux spécialisés.
«On a un cahier des charges sur la bio qui est plus exigeant, c’est aussi pour ça que nos produits sont en prix public plus élevés mais avec un contenu de valeurs bien plus élevé»
C’est à la fois parce que les consommateurs ont découvert qu’ils avaient des alternatives à la consommation bio et, en particulier dans la consommation de produits plus locaux, de produits plus responsables, de produits plus en lien avec HVE ou Sans Résidu de Pesticides, ça constitue à la fois des concurrents sur les marchés de la bio et à la fois des opportunités pour un peu que l’on sache faire, de donner en exemple nos différences et en particulier les différentes exigences de cahier des charges. On a un cahier des charges sur la bio qui est plus exigeant, c’est aussi pour ça que nos produits sont en prix public plus élevés mais avec un embarquement de valeurs, un contenu de valeurs qui est bien plus élevé.
«Il y a moins d’inflation dans les produits bio qu’il y en a dans les produits conventionnels»
Ce constat là d’un marché relativement difficile est devenu encore un peu plus difficile par la contrainte du pouvoir d’achat des Français. On sait aujourd’hui, avec le rythme de l’inflation, que les ménages français sont touchés dans leur portefeuille mais il y a moins d’inflation dans les produits bio qu’il y en a dans les produits conventionnels ; en tout cas à l’échelle de Carrefour de l’ordre de deux points de différence donc c’est pas négligeable.
«On a perdu des consommateurs peu engagés par contre on ne perd pas de consommateurs bio engagés»
Et deuxième chose, on a un peu le sentiment qu’on a perdu des consommateurs qui étaient des consommateurs peu engagés, qui étaient en découverte mais qui étaient peu engagés et qui, contrainte économique, ont fait qu’ils se sont un peu éloignés de ce marché par contre on ne perd pas de consommateurs bio engagés d’ailleurs tout autant en magasin spécialiste comme So.Bio et Bio c’Bon que dans nos linéaires Carrefour traditionnels ; donc à la fois un constat qu’il faut qu’on continue à être très investi sur la bio pour qu’elle se développe mais aussi pour nous une conviction absolue c’est que Carrefour a mis dans ses statuts il y a maintenant trois ans «la transition alimentaire pour tous», ça veut dire qu’on réaffirme les engagements bio, on vient d’investir plus de 350 000€ dans l’accompagnement de filières, on vient de créer plus de 30 magasins aux enseignes So.Bio et Bio c’ Bon dans l’année qui vient de se passer, on continue à assumer notre rôle de leader en développant. J’étais encore il y a quelques semaines, quelques jours, dans le Sud-Ouest pour développer des filières de houblon, développer une filière de vin bio avec la cave de Tutiac, bref nous on prend des initiatives parce qu’on est absolument convaincus que même si les temps sont un peu plus durs, c’est notre rôle de leader que de continuer à appuyer sur nos convictions et donc de continuer à défendre LA bio dans l’ensemble de nos linéaires, l’ensemble de nos surfaces en magasin physique mais aussi chez Greenweez en magasin digital.
BL : Dans ce contexte, quelle va être la stratégie de Carrefour – sur peut-être certains exemples – plus particulièrement avec So.Bio et Bio c’Bon ?
B. S. : Les exemples de notre volonté de continuer à investir, c’est clairement d’abord de continuer à faire que nos équipes soient le plus professionnelles et structurées possible. On a la chance d’avoir constitué une équipe de cinq personnes sur le développement des achats locaux où nous sommes absolument persuadés que c’est une des clés de la réussite des magasins spécialisés de demain.
La deuxième chose, c’est d’investir lourdement sur la qualité de la formation des équipes, on a pour ça aussi un programme de formation qui est très ambitieux. On doit faire quelque chose comme six ou sept fois plus de formations qu’on en faisait il y a un an. Donc des équipes mieux formées pour être capables de mieux conseiller.
filiale So.bio : «On va continuer à mettre des moyens financiers pour créer de nouveaux points de vente»
La troisième chose, c’est de continuer à mettre à disposition de notre filiale So.Bio des moyens financiers, on va au cours des mois qui viennent et des mois qui sont en train de se passer sur 2022, continuer à mettre des moyens financiers pour créer des nouveaux points de vente. Créer un nouveau point de vente, c’est 500 – 600 000€ d’investissement stock inclus, quand on en fait, comme dans l’année 2022, 27 ou 28 de plus, le calcul est facile à faire. Donc, c’est là aussi la preuve par l’exemple, surtout de ne pas se résigner mais au contraire de préparer ce qui sera forcément le rebond du marché parce que, là aussi et pour terminer, nous, nous sommes absolument convaincus que les volontés exprimées par les consommateurs de mieux consommer – consommer plus bio, plus local, meilleur pour sa santé – même si elles sont touchées en ce moment par les environnements guerriers à certains endroits, financiers dans d’autres, il n’en demeure pas moins que ce sont des aspirations très profondes et que la bio, demain dans nos magasins, elle sera à même de répondre à ces aspirations. En tout cas, c’est tout le souhait de notre poursuite d’investissement et d’engagement.
«Surtout ne pas se résigner mais au contraire préparer ce qui sera forcément le rebond du marché»
BL Un dernier mot : votre ressenti aussi sur le salon Natexpo ?
B. S. : D’abord, j’ai toujours énormément de plaisir – d’abord à revenir à Lyon parce qu’il y a de nombreuses années, j’ai au titre de la fédération (Ndlr : Natexbio) était un des artisans de la création de ce salon en alternance de Paris et annuel donc toujours un plaisir de venir à Lyon constater que ça marche. Bien sûr que l’atmosphère est un peu plus compliquée, on a vécu des années très-très heureuses néanmoins je trouve que l’organisation du salon est très professionnelle, que la présentation est très efficace, sans côté excessif donc un grand coup de chapeau à la fois à la fédération, à la fois aux organisateurs de ce salon parce que je pense qu’il faut continuer et il faudra trouver, bien sûr, la façon de continuer à ce que les personnes qui exposent – et moi je suis là ici comme un visiteur – et il faut aussi que la profession se mobilise par des visiteurs comme moi, qui viennent, et mes équipes seront là demain, aussi après-demain, pour clairement à la fois remercier les fournisseurs d’être là mais aussi continuer à nouer ce lien très spécifique qui est celui qu’on a dans le monde de la bio.
Propos recueillis par Antoine Lemaire