Depuis bientôt deux ans, le règlement bio est en cours de révision au niveau européen. À travers une série d’articles, le SYNABIO apporte son éclairage sur les enjeux de cette réforme pour le secteur. Après une présentation générale dans le précédent numéro, place à un sujet sensible : les seuils de contamination…
À la recherche d’un compromis
La révision du règlement bio implique trois institutions européennes : la Commission, le Parlement et le Conseil qui réunit les 28 états membres. C’est la Commission qui a pris l’initiative de cette révision en proposant un texte en mars 2014.
En 2015, plusieurs étapes cruciales ont déjà été franchies avec les votes du Conseil et du Parlement. Les négociations entre les trois instances, baptisées « trilogues », ont démarré en novembre 2015 et sont parties pour durer de longs mois.
La question des seuils de déclassement, qui a mobilisé l’essentiel de l’attention et de l’énergie des acteurs institutionnels et professionnels de ce dossier, va sans aucun doute continuer à occuper le devant de la scène.
Les seuils : une rupture sur les principes
Il y a deux ans, la Commission européenne avait jeté un pavé dans la mare en proposant d’appliquer aux produits bio les teneurs maximales en contaminants prévues par la règlementation sur l’alimentation infantile. Tout produit bio dépassant ces seuils aurait perdu sa certification. Cette idée constitue une vraie rupture sur le plan des principes puisqu’elle ferait passer le monde de la bio d’une obligation de moyens à une obligation de résultats.
À l’origine de ce changement radical, il y a la volonté de la Commission d’apporter aux consommateurs qui font le choix de la bio des garanties claires sur la maîtrise des contaminants et des traces de pesticides en particulier.
Mais la mise en œuvre des seuils soulève une série de problèmes d’ordre technique et politique que la Commission n’a pas pris en compte à leur juste mesure.
Un casse-tête technique et politique
Première objection : les seuils en vigueur en alimentation infantile ont été définis sur la base de considérations sanitaires spécifiques à ce secteur et l’on voit mal pourquoi ils devraient s’appliquer tel quels à la bio.
De plus, la mise en place de seuils se heurte à des difficultés techniques de taille liées aux incertitudes analytiques : l’aléa dû à l’échantillonnage et les différences entre laboratoires peuvent conduire pour un même lot à des résultats différents et donc à des imbroglios techniques et juridiques coûteux pour les professionnels.
Les procédés de transformation viennent ajouter un autre élément de complexité. Ainsi, le fait de sécher un produit ou d’en extraire certains composants peut entraîner une concentration des contaminants. Que faire lorsqu’une matière première aura été jugée conforme alors que le produit qui en est issu se trouvera au-dessus des seuils ?
À l’heure actuelle, aucune réponse claire n’a été apportée à ces problématiques techniques. S’ajoute une question fondamentale, celle de la responsabilité. En effet, faut-il le rappeler, les acteurs de la bio s’efforcent de prévenir et de limiter au mieux les risques de contaminations, risques qu’ils subissent mais dont ils ne sont évidemment pas responsables. Dès lors, aucune règle de déclassement ne saurait être instituée sans un dispositif permettant d’indemniser les professionnels victimes de contaminations.
Sur tous ces sujets, la proposition de la Commission, trop vague et peu convaincante, n’est pas parvenue à rassurer le monde de la bio qui a rapidement exprimé ses craintes et son refus des seuils tels que proposés par Bruxelles.
Un débat au long cours
Courant 2015, dans leurs versions respectives du texte, le Parlement et le Conseil ont pris le contrepied de la Commission : les deux institutions proposent de maintenir l’obligation de moyens actuelle tout en harmonisant et en cadrant davantage sa mise en œuvre.
Pour autant, le sujet des seuils est loin d’être enterré et la Commission entame les trilogues avec l’intention affichée d’obtenir gain de cause sur ce terrain. Quant au Conseil et au Parlement, ils ont prévu que la question soit réexaminée en 2020 et demandent d’ici là aux états membres d’instaurer un suivi des contaminations dans les produits bio. Le débat sur les seuils ne fait donc que commencer.
Synabio
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