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Média sociaux et produits bio : la grande mutation

M. Sauveur Fernandez

1 – Deux siècles de communication… à sens unique

Initiés dès le XIXe siècle en tant que techniques et métiers spécifiques, le marketing et la communication ont déjà une longue histoire derrière eux, ponctuée d’évolutions permanentes mues par la nécessité d’écouler une production industrielle toujours plus grande : apparition de la notion de consommateur, invention des études de marché, essor de la presse, la radio, la télévision en tant que supports médias de masse… Les années 2000 ont vu ainsi l’apothéose d’un système évolué de création et communication produit : le consommateur y est « disséqué » à l’infini pour comprendre et anticiper ses besoins. La communication informe, et, surtout, crée le désir permanent d’acquérir de nouveaux biens de consommations.
Cet ensemble, remarquable par son efficacité, peut être qualifié de « linéaire » et « mono-communicant » dans la mesure où, bien que le consommateur soit l’objet de toutes les attentions, il n’en est pas moins considéré comme un objet passif d’analyse marketing que l’on observe mais sans jamais lui demander de participer directement à la conception du futur produit. Les publicités, quand à elles, sous couvert de communication, émettent des messages séducteurs à sens uniques qui laissent très peu la place à un véritable dialogue interactif, si ce n’est de façon ponctuelle et très contrôlée (sondage d’opinion, interviews de fidèles lecteurs à la radio, test consommateurs, SAV client…).
Malgré une illusion de toute puissance (le fameux «Parce que je le vaux bien» d’une grande marque conventionnelle de cosmétiques), l’acheteur, considéré implicitement comme un non expert, est isolé au bout de la chaine de production-communication, et réduit au simple rôle de consommateur. Le dialogue et le partage continus avec les marques et distributeurs y sont somme toute très faibles. Il a aussi très peu de contacts directs avec les autres consommateurs.
Sous des atouts conviviaux et ludiques nous voyons en fait l’apothéose d’une communication paternaliste séductrice, où le consommateur, selon les dires mêmes des spécialistes du marketing, est considéré comme zappeur et gâté.

2 – Web 1.0 : le pavé dans la mare

La première génération d’Internet (1995-2004) qualifiée aujourd’hui de Web 1.0, n’a pas seulement fêtée l’introduction d’un nouveau média virtuel. Elle fut aussi une étape fondamentale de transition vers un nouvel homo-consomatorus appelé à tout chambouler: l’internaute actif. Les sites Web de cette époque sont encore bâtis suivant les modèles statiques des plaquettes papiers : l’information y est descendante, peu interactive. malgré l’introduction des hyperliens, et l’Internaute ne peut la modifier ou la commenter.
Cependant, de grandes différences sont déjà perceptibles: l’internaute peut désormais comparer bien plus facilement autant de produits ou de marques qu’il le désire. Bien que recherchant encore principalement de l’information, le partage entre Internaute existe déjà (réseaux Peerto- peer), et on trouve une forte participation interactive dans les groupes de discussion et les forums. Les premiers sites Internet personnels apparaissent mais leur mise en oeuvre, gourmande en connaissances techniques (HTML…), est peu démocratique.

3 – Web 2.0 : l’ère des réseaux sociaux

Utilisé pour la première fois à grande échelle en 2004, le terme Web 2.0 – On parle aujourd’hui plus volontiers de médias sociaux – est une étape cruciale de l’internet, marquée par une interaction marquée et décisive entre utilisateurs, et toujours en cours. Désormais, l’internaute ne se contente plus de sites de marques statiques avec une information à sens unique, mais veut aussi donner son avis (Blogs, micro-blogging avec Twitter, flux RSS, commentaires d’articles ou de produits dans les boutiques en ligne), être inséré dans une communauté (Facebook…), montrer ou lire des photos (Youtube…), recevoir des infos sur son smartphone, acheter directement au fabricant, et, même participer aux créations produits des marques ! L’embryon d’une véritable intelligence collective à base de pratiques sociales interactives est ainsi définitivement lancé, facilité par le réseau haut-débit et une création aisée et conviviale de sites sans bagage technique.

Les communicants et marketers ne sont plus seulement des émetteurs de messages, mais deviennent des Community managers (administrateurs de communauté) en apprenant à dialoguer et partager avec les consommateurs. Cependant, au niveau du rapport marques-clients, cette interaction vise principalement pour l’instant un dialogue convivial avec la marque ou des recommandations d’achats ou opinions de marques entre usagers (comme TripAdvisor pour le tourisme). Certaines sociétés vont plus loin en demandant depuis peu l’avis des consommateurs sur certains points précis de la conception même des futurs produits, ou des publicités (Nouveau parfums, nouvelles recettes, choisir la future pub, etc.). Cette participation plus étroite à la vie de l’entreprise bien qu’encore limitée et en phase de recherche est une des prochaines grande étape du Web…

4 – Web 3.0 : le consommateur travailleur

Le web 3.0 du futur proche est pour l’instant nébuleux et très expérimental. Certains parlent de Web sémantique (une sorte de gigantesque base de donnée intelligente ou les machines « comprennent » réellement

les textes et peuvent discuter avec les humains), de Web mobile (Smartphone), destructuré (ma cafetière branchée sur Internet), ultraidentitaire (les machines connaissent vos goûts, votre personnalité et s’adaptent), et de réalité augmentée (ajout d’informations virtuelles sur un environnement réel).
Si le Web 3.0 sera l’occasion, au delà d’un simple dialogue, de proposer de véritables services nomades à haute valeur ajoutée (guide de vins ou de peintures bio sur son smartphone…), nous pensons surtout qu’il verra naître la pratique mature et standardisée d’une véritable collaboration intensive entre la marque et ses clients, avec une démarche innovante et poussée de co-création touchant les produits, les services ou les secteurs importants de l’entreprise. Le client ou visiteur verra ainsi son expertise aller bien au-delà des seuls conseils actuels d’achats ou d’utilisation de produit : il participera à la vie même de l’entreprise. Demain, l’ingénieur aura son propre blog ouvert aux réseaux sociaux d’autres ingénieurs ou clients consommateurs de son entreprise et pourra en direct demander l’avis ou la participation active d’Internautes « visiteurs». Notions que le frein à ces innovations sociales est d’abord culturel puisqu’il oblige à modifier les grandes chaînes de décisions de l’entreprise, ou seuls certains services spécialisés ont actuellement un lien direct avec le public. Cette phase collaborative poussée (appelée aussi Crowdsourcing), est encore très exploratoire mais se développe rapidement.

5 – Les conséquences pour le secteur bio

Il est intéressant de constater que les réseaux sociaux ont été initiés en dehors du secteur bio. Les acteurs des filières écologiques s’engagent à peine sur cette tendance de fond, alors qu’elle est la promesse d’un lien plus étroit avec son client, et de services personnalisés à réelle valeur ajoutée, en phase avec leur philosophie initiale et innovante du rapprochement des liens producteurs-consommateur qui est en quelque sorte du véritable participatif « de terrain » avant l’heure (Commerce équitable, AMAP…). Notons aussi que les avancées les plus grandes se font par les grands groupes conventionnels, mais aussi les PME (majoritaires en bio) qui peuvent profiter de la souplesse de leur taille pour construire une communication sociale source d’une plus grande visibilité.

6 – L’apport du bio aux médias sociaux

Porteurs de saines valeurs, les médias sociaux peuvent être cependant manipulés : nous passons en effet d’une chaîne linéaire de communication aux messages publicitaires unilatéraux mais facilement identifiables, à un réseau multipolaire et diffus d’influence (terme utilisés par les professionnels) où l’émetteur est plus difficilement repérable (par exemple, une agence de relation presse se faisant passer pour un internaute anonyme et diffusant un avis positif de produit, ou des bloggeurs pratiquant de la publicité déguisée sous forme d’articles de complaisance…). Notons aussi qu’il est aussi tentant de mettre en place un marketing participatif de surface en incitant les internautes à voter sur des sujets futiles, ou en n’abordant pas les vrais sujets qui fâchent (pollution, produits jetables, etc.). Là encore, le bio, par son éthique renforcée, a des atouts non négligeables pour un média social et participatif de qualité.

M. Sauveur Fernandez est consultant expert en marketing vert et innovation responsable. Fondateur de l’Éconovateur en 2001, pionnier français des principes de la communication responsable, il décrypte les tendances à venir, et aide les entreprises à la création de produits et services éthiques.
4 rue de Chaffoy – 30 000 Nîmes
Tél. : 06 11 40 19 91
Mail : fsauveur@econovateur.com / www.econovateur.com

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