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Le chauffage des serres en bio, un débat emblématique

Le chauffage des serres en bio a fait l’objet de vifs débats qui se sont terminés par un compromis, jugé bon par certains, et mauvais par d’autres. De quoi s’agit-il ?

Quelques producteurs de tomates bio bretons, soutenus par la FNSEA, ont souhaité que le gouvernement autorise le chauffage des serres en bio pour produire plus tôt et limiter les importations. Une demande rendue possible par le manque de précision du cahier des charges bio sur cette question qui dit simplement qu’il faut respecter le cycle des saisons et faire un usage raisonné de l’énergie. Une question qui a donné lieu à une belle empoignade entre partisans et adversaires.
Les partisans : la FNSEA, l’interprofession des fruits et légumes, les coopératives, les chambres d’agriculture. Leurs arguments : assécher les sols, ce qui limiterait les traitements fongicides (ce qui reste à démontrer), et diminuer les importations.
Les adversaires : l’immense majorité des agriculteurs bio et des organisations qui les représentent (FNAB, Synabio), la Confédération paysanne, des associations de consommateurs. Leurs arguments : gaspillage d’énergie, forte augmentation des émissions de gaz à effet de serre, non-respect des saisons.

Dans ce débat, l’administration n’a au début pas clairement pris position. Le 18 juin 2019 le ministre de l’Agriculture déclarait qu’il n’était pas favorable au chauffage des serres, mais le 9 juillet 2019 il déclarait qu’il n’y était pas opposé ! Conscients du danger, les GAB bretons, la FRAB et la FNAB se sont mis en ordre de bataille, avec organisation d’une tribune, distribution de tracts et réalisation par la FNAB d’un dossier de presse expliquant pourquoi autoriser les serres chauffées en bio était un non-sens, totalement contraire à l’esprit du bio, qui inclut la réduction des dépenses d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre, et le respect des saisons en matière de production et de consommation de fruits et de légumes. Une pétition a également été lancée et a recueilli 80 000 signatures.

Un compromis trouvé

Le 11 juillet 2019, Le Comité national de l’agriculture biologique (CNAB) a tranché, en acceptant une proposition ménageant la chèvre et le chou : le chauffage des serres est autorisé, mais la commercialisation des légumes d’été (tomates, courgettes, poivrons, concombres, aubergines) produits en France est interdite entre le 21 décembre et le 30 avril. Ce qui limitera effectivement le chauffage des serres en hiver pour autant sans l’interdire. De plus, ce chauffage devra être réalisé avec des énergies renouvelables dès leur construction pour les nouvelles serres et à partir de 2025 pour les serres existantes. Les opposants à cette interdiction partielle font valoir que cela augmentera les importations, ces mesures ne concernant que la France. Il reste que, à poids égal, les tomates sous serres chauffées émettent 7,5 fois plus de CO2 que celles produites en France dans des serres non chauffées. Pour des légumes importés par camion, par exemple d’Espagne, le bilan est intermédiaire. La FNAB a accepté ce compromis qui est en effet un premier pas. Lors de la réunion décisionnelle du CNAB il est intéressant de noter que, d’après nos informations, parmi les votants, le nombre de pour et de contre était sensiblement égal, et que ce sont finalement les représentants de l’administration qui ont fait la décision, en votant en faveur du compromis. Un mauvais compromis, disent les puristes, mais qui vaut mieux qu’une autorisation sans limitation du chauffage des serres.

Deux conceptions du bio

La vraie solution est évidemment ailleurs, à savoir que les consommateurs n’achètent que des légumes de saison. Mais comme dit un proverbe chinois « il est plus difficile de changer les habitudes que de déplacer les montagnes ». Ce qui n’est pas tout-à-fait vrai, puisqu’un nombre croissant de consommateurs le font en matière d’alimentation, mais ce changement prend du temps et exige qu’on y mettre les moyens. Ce débat illustre bien la coexistence de deux conceptions du bio : une agriculture biologique conforme à celle de ses fondateurs, qui, entre autres, inclut le respect des saisons, et une autre qui cherche davantage, de manière intéressée, à satisfaire la demande des distributeurs et des consommateurs qu’à respecter les équilibres naturels et à limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Claude Aubert

Cet article est paru dans Bio Linéaires N° 88 – Mars / Avril 2020 (version pour les abonnés / pour les non-abonnés).

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