Avec un peu de retard, la bière se met au bio. Quelque 350 brasseries françaises produisent désormais des bières certifiées “agriculture biologique”, un chiffre en augmentation constante depuis quelques années. Les volumes restent faibles, la faute à une pénurie de matières premières, mais le mouvement est lancé.
Adapter ses moyens de production
“Il y a encore un grand pourcentage, même de la bière artisanale, qui est non-bio. Et ça engendre une vraie demande de la part des consommateurs”, assure-t-il. “L’idée, c’est aussi d’aller au bout de notre démarche puisqu’on choisit déjà les matières premières de la meilleure qualité. On fait le plus local possible, on plante du houblon dans Paris notamment, qui est en cours de certification bio. Maintenant, on veut inciter les amateurs de bière à aller vers une consommation plus responsable.”

Côté dégustation, le bio n’altère pas le goût de la bière. En revanche, les bouteilles sont vendues un peu plus cher. Quelques centimes pour amortir les changements dans la production. “Ça demande un peu d’adaptation de passer au bio. Niveau brassage, ça ne change rien. Mais il y a certaines habitudes qu’il va falloir qu’on change, notamment pour le nettoyage parce qu’il y a des produits interdits dans le cahier des charges du bio”, précise Hugo Ave, le maître brasseur de La Parisienne. “Par exemple, avant on utilisait de l’acide phosphorique pour corriger le pH. On ne peut pas l’utiliser en bio, du coup on est passé sur de l’acide lactique.”
Pénurie de houblon et de malt bio
Au-delà de ces contraintes techniques, le développement des bières bio est encore freiné par des soucis d’approvisionnement : il n’y a pas assez de houblon et de malt bio en France pour répondre à la demande des brasseries. “Très clairement, cela empêche de faire une grande bascule vers le bio, comme dans d’autres secteurs agroalimentaires”, estime Maxime Costilhes, délégué général de Brasseurs de France, le syndicat de la brasserie française. “On est dans un cercle vicieux : il n’y a pas assez de houblon bio, ce qui empêche des brasseurs de développer plus de bières bio, donc il n’y a pas de marché suffisamment important pour séduire les agriculteurs, etc. C’est l’histoire de la poule et de l’œuf.”
Illustration de cette pénurie avec La Parisienne, obligée d’acheter une partie de ses matières premières en Belgique. “L’idée en passant en bio, c’est aussi d’inciter les agriculteurs à s’y mettre, de les convaincre qu’il y un marché”, estime Lucas Lebrun. De son côté, le syndicat Brasseurs de France travaille sur un plan de filière avec l’inter-profession de la bière pour augmenter la production de houblon en général, et notamment de bio.
Un plan qui pourrait permettre d’accélérer le développement des bières certifiées agriculture biologique. Aujourd’hui, 350 des 2.000 brasseries françaises produisent au moins une bière bio. “Il s’agit principalement de microbrasseries. Il y a quelques brasseries de taille plus importante comme Castelain ou la Brasserie de Bretagne. Mais les industriels n’ont quasiment pas investi ce marché du bio”, détaille Maxime Costilhes. De fait, seul Kronenbourg a lancé une bière bio mais elle n’est produite qu’en petite quantité, via une microbrasserie partenaire.
Résultat, il existe une grande variété de bières bio en France, mais toujours en faible volume. La grande majorité des microbrasseries distribuent leurs bières dans une zone géographique restreinte, proche du site de production. Mais un débouché se fait jour depuis quelques temps : les chaînes de magasins bio. Les Biocoop, Naturalia et autres La Vie Claire ont tous agrandi leur rayon dédié aux bières bio. Par exemple, Naturalia en propose désormais 25 références dans ses magasins. Un marché prometteur qui pourrait pousser d’autres brasseries à basculer vers le bio.