Les soins du corps, au sens strict du terme, ne sont pas une des catégories phares du marché des produits d’hygiène et de beauté. Mais ils répondent néanmoins à certaines préoccupations croissantes des consommateurs de cosmétique. Et comme souvent, quand ces produits sont en qualité certifiée naturelle et bio, ils ont des arguments très décisifs à faire valoir et qu’il faut savoir mettre en avant.
Des produits aux usages et finalités très variés
Les soins du corps ? Traditionnellement, ceux-ci n’intègrent pas les produits d’hygiène et de toilette. N’en font donc pas partie les savons, gels douche, produits pour le bain, déodorants… ni, bien sûr, ceux d’hygiène intime, les capillaires ou les protections solaires. On n’y inclut pas non plus les produits dont les promesses sortent de la définition stricte des cosmétiques, avec des allégations portant sur les jambes lourdes, la relaxation ou la préparation musculaire, contre les vergetures, les brûlures, les coups et blessures, etc. Par
« soin » du corps doit se comprendre ce qui correspond effective- ment à cette définition stricte des cosmétiques : protéger la peau, la maintenir en bon état ou corriger les odeurs corporelles. Que reste- t-il alors dans cette catégorie de produits ? Tout ce qui est hydratation du corps (laits, lotions, baumes…), les gommages, les soins des mains et des pieds, les produits d’épilation, ceux pour la silhouette (produits raffermissants, contre la peau d’orange), etc.
Il est difficile de donner des chiffres très précis pour ces soins du corps au sens strict, car les classifications en catégories, puis segments au sein de ces catégories, varient régulièrement selon les cabinets d’étude. Pour le circuit des magasins spécialisés, nous serons capables, chez Bio Linéaires, de donner prochainement des statistiques précises. De façon globale, pour l’ensemble des cosmétiques (conventionnels), dans le circuit de la GMS (qui représente environ 45 % du marché de l’hygiène-beauté, dont il est le leader), selon les données de l’institut IRI, les soins du corps ont représenté en 2014 environ 15 % des ventes (2/3 étant dus aux produits d’épilation). À titre de comparaison, les produits capillaires ont représenté également 14,9 % des ventes, l’hygiène buccale 12,9 %, les différents nettoyants pour le corps 11,9 %, les soins du visage 10,2 %, le maquillage 8,1 %, les déodorants 7,9 %, etc.
Les tendances actuelles en matière de soins du corps
Si le CA des soins du corps a plus ou moins stagné en GMS ces dernières années, les volumes ont néanmoins augmenté de quelques % (les prix ayant baissé en raison de la concurrence et des promotions). C’est le segment des produits pour la silhouette qui a connu la plus belle progression, avec une croissance annuelle pouvant atteindre plus de 10 % en CA.
Pour relancer les ventes, les marques conventionnelles ont cherché à développer l’utilisation des soins du corps au quotidien et à lutter contre la saisonnalité certaine de nombre de références. Les solutions proposées ont revêtu plusieurs aspects : produits multifonctions, plus pratiques et/ou plus simples d’emploi, formules « plaisir » et/ou « rassurantes », etc.
Du côté des multifonctions, on a ainsi vu apparaître les laits sous la douche et se multiplier les gels douche gommants, à mi-chemin entre le produit d’hygiène et le produit de soin. L’avantage du lait sous la douche est qu’il évite d’hésiter à se mettre un produit hydratant après être sorti de la douche, parce que cela prend du temps ou que cela risque d’être gênant quand on s’habille juste après. Avec un tel produit, l’emploi se fait plus simple, car il suffi de l’appliquer sur la peau quand on est encore sous la douche et de le rincer sans qu’il perde son action hydratante. Libérée d’une certaine contrainte,
l’hydratation de la peau peut devenir un geste quotidien, non limi- tée aux saisons les plus critiques. Car nombre de femmes ont en fait la peau sèche toute l’année et l’entretiennent insuffi 唀潞 samment : 1 femme sur 3, voire 2 sur 3 selon les sources, n’hydrateraient jamais la peau du corps, par « manque de temps ».
Outre la praticité, le plaisir d’emploi est également devenu une exi- gence centrale des utilisatrices (et utilisateurs !). Les marques l’ont bien compris, puisqu’elles ont multiplié les textures « velours » et
« délicates », et surtout, comme pour les gels douche, les parfums sensoriels, parfois très gourmands, sucrés et fruités, rappelant les
« saveurs d’autrefois », « authentiques » ou exotiques : vanille, cho- colat, caramel, amande, rose, framboise, cerise, agrumes, monoï, miel, ou même cola, cake, madeleine, etc.
Du « parfum d’enfance » aux produits « authentiques » il n’y a qu’un pas que beaucoup de marques ont largement franchi, quitte à s’en- gager, comme souvent, sur la voie du greenwashing pour répondre à l’envie de naturel et de « vrai » des consommateurs. Ces marques argumentent en effet souvent sur des formules avec des ingré- dients naturels, plantes et huiles végétales en particulier, alors que leurs formulations sont très loin d’être certifiables, en raison de la présence d’ingrédients issus de la pétrochimie. Et si les composants les plus controversés ont été écartés des formulations, en fait de
« controversés » c’est « médiatisés » qu’il faudrait dire, car remplacer par exemple les conservateurs du type parabènes ou phénoxyétha- nol par la méthylisothiazolinone n’est pas, de loin, ce qui se fait de mieux en matière de naturalité. Une démarche qui n’est pas celle, bien sûr, des marques certifiées, quel que soit le référentiel (BDIH ou Cosmébio et maintenant Cosmos, NaTrue, etc.).
Et du plus « authentique » au « plus sain », et donc aux produits mieux adaptés aux peaux sensibles et réactives, il n’y a encore une fois qu’un nouveau pas. Les marques de GMS ont ainsi lancé de nouvelles gammes de soins du corps ciblant ces peaux délicates, les personnes concernées étant conscientes qu’une « bonne » composition participe à la résolution de leurs problèmes cutanés. Là aussi les marques ont surfé sur la tendance du « sans… », avec des produits présentés entre autres comme hypoallergéniques et moins agressifs. Et parce que « sain » rime aussi avec « simple », quand on le conjugue avec des ingrédients tout ou partie d’origine naturelle, cela donne notamment des huiles pour le corps, segment qui a connu une progression remarquable, surtout qu’elles ont aussi joué sur l’aspect sensorialité et parfum, un élément important pour générer des achats d’impulsion.
Des valeurs sûres : l’épilation et la « silhouette »
Comme on l’a vu plus haut, les produits d’épilation (cires, crèmes, produits anti-repousse…) représentent la part la plus importante des soins du corps. On pourrait penser que ce sont des produits très saisonniers, mais cela n’est pas le cas : il va de soi que la plupart des femmes ne s’épilent pas seulement en été, lorsqu’elles portent des jupes, mais toute l’année car elles veulent se sentir bien dans leur peau dans leur vie de tous les jours. 83 % des femmes s’épilent les jambes, 73 % les aisselles et 54 % le maillot, et 68 % le font à domicile et non chez une esthéticienne. Quant au CA généré par les épilations en institut, il ne varie que d’un facteur 1,6 entre le mois le plus faible (janvier) et le mois le plus fort, qui est… décembre ! (source : LSA Conso et CNEP/ Confédération nationale de l’esthétique et de la parfumerie).
Au total, 92 % des Françaises s’épilent (ou se rasent). Quant au marché de la silhouette (pour ne pas dire « minceur », car ce ne sont pas les produits cosmétiques qui font maigrir, bien sûr), si seulement 5 % des femmes utilisent des produits à cet effet, il est néanmoins en croissance, avec des clientes fidèles. Et lui aussi a été dopé par l’arrivée de nouvelles formules aux parfums plus sensoriels et aux ingrédients plus naturels, pour raffermir, lisser la peau et faire disparaître la « peau d’orange ». Un marché néanmoins concurrencé par les cosméto-textiles (collants), qui représentent une solution évitant la contrainte de l’application d’un cosmétique.
Des arguments forts à faire valoir pour les produits certifiés
C’est une fois tout ceci posé que l’on se rend compte que les soins du corps certifiés sont une fois de plus bien placés, « par essence », pour répondre aux attentes actuelles des consommatrices dans ce domaine. Une plus grande transparence sur les composants, avec uniquement des ingrédients qui ne sont pas polémiques, qui font appel au potentiel réel et avéré des plantes ?
Des produits qui respectent non seulement totalement le principe de précaution mais aussi l’environnement, par leur composition ainsi que par leur mode de fabrication, leurs emballages (recyclables et recyclés), l’engagement pionnier des marques ? C’est la philosophie même de la cosmétique naturelle et bio avérée, ce qu’il ne faut pas manquer en permanence de rappeler et de mettre en avant.
Sans oublier le fait que les marques bio et certifiées se battent aussi depuis longtemps pour une beauté plus « durable », avec des formules si nécessaires minimalistes (less is more, soit « moins c’est mieux ») et parfois même sans eau, pour ménager les ressources de la planète. Un exemple simple : alors qu’il a fallu une loi, le 8 août 2016, pour interdire (à partir du 1er janvier 2018) dans une partie des cosmétiques (gommages et dentifrices notamment) ces microbilles de plastiques qui polluent l’environnement, la cosmétique certifiée les a interdites depuis ses débuts. Un argument important lorsqu’il s’agit de promouvoir par exemple les gommages.
À propos de cette tendance aux produits minimalistes, notamment celle des huiles corporelles dans laquelle les marques conventionnelles se sont en- gouffrées – quand elles ne mettent pas simplement en avant l’une ou l’autre huile, par exemple l’huile d’argan – là aussi les marques certifiées sont plus que légitimes pour faire état de leur savoir-faire, lui réellement « authentique ». Cela fait en effet des années que le marché bio a su décliner de nombreuses huiles aux bienfaits multiples, sans parler des beurres pour le corps ou pour les cheveux (voir le précédent numéro de Bio Linéaires, pp. 143 et 145).
Un point à ne pas oublier et qui doit inciter à les mettre en avant, et ce d’autant plus qu’un grand nombre de marques bio proposent elles aussi aujourd’hui des huiles sèches (qui ne laissent pas de film gras), des huiles agréablement parfumées, dans de jolis flaconnages, avec parfois un petit « plus », comme ces huiles pailletées qui donnent de beaux reflets sur la peau. Ces dernières années, les marques bio ont également multiplié les senteurs gourmandes, sensuelles (sans recours bien sûr à des parfums synthétiques), ainsi que les produits multi-fonctions ou plus pratiques, comme les gels douche gommants ou les laits sous la douche. Quant à l’argument de formulations moins agressives pour les peaux sensibles et réactives, c’est également quelque chose qui fait partie des fondamentaux de la cosmétique certifiée.
Alors, pour paraphraser une publicité connue, what else ? (que demander d’autre…). Allier plaisir et innocuité, la cosmétique certifiée sait le faire sans doute mieux que n’importe qui, et elle est surtout la plus légitime pour le faire. Certes le marché des soins du corps, dominé par la GMS, souffre de la concurrence sur les prix que se livrent les grandes enseignes et de celle du web. Mais le prix n’est pas tout : une étude réalisée à l’été 2016 par l’IFOP pour la Fédération Française de la Parfumerie Sélective a montré que certes 72 % des Françaises se renseignent sur Internet, mais que seulement 28 % achètent en ligne, 68 % achetant en magasin. Si pour l’achat en ligne, la première motivation (50 %) est la possibilité d’avoir de bons prix, la majorité préfère le magasin car on peut voir les produits (pour 58 %), les tester (pour 41 %), pour bénéficier de conseils (pour 34 %) et de promotions (32 %).
Mise en scène et investissements ciblés
Pas plus que la parfumerie, le circuit bio ne peut pas s’engager dans une guerre des prix contre la GMS, car il ne peut pas la gagner. La réponse, comme pour les autres types de produits de soin et d’hygiène, se situe sur le plan de la qualité. Qualité intrinsèque des produits, qu’il faut savoir mettre en scène et argumenter, et qua- lité de l’assortiment et de la présentation : donner effectivement la possibilité de voir les produits, de les tester et savoir les conseiller. La question de la qualité intrinsèque des produits a été évoquée plus haut. Nous rappellerons une fois de plus en passant toute la nécessité qu’il y a à disposer d’un personnel convenablement formé, et disponible, pour expliquer les produits. Mais qu’entendons- nous par qualité de l’assortiment et de la présentation ? Il s’agit en fait, comme souvent, de s’inspirer des armes qu’utilisent les circuits concurrents, GMS mais aussi parfumerie.
Ces circuits ont généralement leurs marques propres (MDD en GMS) et/ou exclusives qui leur permettent de se différencier de leurs confrères. Le paysage de la cosmétique bio est aujourd’hui assez vaste et assez qualitatif pour pouvoir se permettre de référencer, outre les marques bio « majeures », des produits provenant de PME, françaises ou étrangères, qui donneront de l’originalité au rayon de votre magasin. Avec des produits que l’on ne trouve pas en pharmacie/parapharmacies ou dans toutes les enseignes de la bio.
Pour répondre au phénomène, quasi inévitable avec de nombreux soins du corps, de la saisonnalité (encore que les mêmes produits, par exemple les hydratants, peuvent revenir à différentes saisons), la construction de vitrines, de rayons ou simplement de têtes de gondoles avec une mise en scène ludique et sensorielle (parfums, couleurs, objets…) autour des produits spécifiques de la saison sera la première étape de ce voyage dans le temps (parfums et sa- veurs d’autrefois) ou dans l’espace (parfums et saveurs exotiques) qu’offrent les soins pour le corps. Il faut jouer avec les sens des clients, offrir une promesse claire de plaisir et de cocooning.
Et parce qu’on ne vend pas les soins du corps – qui restent de la cosmétique, au sens noble du terme – comme on vend du papier toilette, en fonction des spécificités et contraintes locales, on peut imaginer de bien séparer le soin du corps stricto sensu de l’hygiène. Mieux vaut d’ailleurs un voisinage avec les soins visage, valorisant, plutôt que celui de produits alimentaires…. ou de papier toilette et de coton, comme cela se voit parfois. Un tel rayon soin visage et corps se doit d’ailleurs d’être à un emplacement phare du magasin, et non relégué au fond ou dans un coin, comme cela se voit parfois aussi, ce qui ne facilite pas l’achat d’impulsion.
Testeurs pour faire apprécier les parfums, « couplage » logique de produits (hydratants mains + hydratants lèvres, produits d’épilation
+ huiles apaisantes, hydratantes, voire autobronzants, etc.) sont bien entendu d’autres solutions parmi toutes celles que chacun peut imaginer pour une offre en soins corporels parfaitement adap- tée à la situation de son magasin.
Michel Knittel
Tél. + 33 (0)3 88 51 10 61
Mobile + 33 (0)6 07 40 75 03