[Regard d’expert] Fabien Foulon (Retail&Detail) livre pour Bio Linéaires son analyse sur les résultats du 20e Baromètre de perception et de consommation des produits biologiques de l’Agence Bio. Pour l’experts retail, si la baisse de consommation générale de produits bio doit à juste titre inquiéter, cette étude souligne l’engagement sans faille des aficionados du Bio (consommateurs quotidiens quasi-exclusifs). L’occasion pour Fabien Foulon de livrer quelques conseils aux magasins bio.
écrit par Fabien Foulon (Retail&Detail)
Certains résultats du dernier baromètre de l’Agence Bio sont particulièrement préoccupants. En premier lieu, la forte baisse du pourcentage de Français consommant des produits bio au moins une fois par mois :
Cet indicateur, qu’y s’apparente plus ou moins à un taux de pénétration, s’est effondré sur 2022 au point d’atteindre un niveau inférieur à celui de… 2015. Mais cet indicateur n’est toutefois pas le seul à « faire » ou « défaire » la consommation bio.
Le niveau de consommation par individu est en effet un levier beaucoup plus puissant que ce « taux de pénétration » : entre 2015 et 2020, le doublement de la consommation bio (de 6 Md € à plus de 12 Md €) a été porté par la progression des achats par individu, bien plus que par la hausse du taux de pénétration.
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Et entre fin 2021 et fin 2022, la baisse de la consommation (environ -12 % ou -13 % en volumes, soit un indice 88 ou 87 en base 100) a été très forte mais beaucoup moins que la part de consommateurs mensuels (indice 79).
Au regard de ces données, on pourrait penser qu’il y a surtout eu une baisse du nombre de consommateurs occasionnels (moins d’une fois par semaine) et un relatif maintien du nombre de consommateurs réguliers (une à plusieurs fois par semaine). Mais ce n’est pas le cas :
Le graphique ci-dessus laisse plutôt penser qu’il y a eu un glissement général de la fréquence de consommation.
La baisse du nombre de consommateurs quotidiens est le phénomène le plus préoccupant et le plus étonnant. Mais elle peut être liée à plusieurs phénomènes, par exemple :
- des individus dont la consommation bio se concentraient sur un produit du quotidien (ex. le lait, le café, le thé) et qui sont repassés sur du conventionnel sur ces produits ;
- des individus qui sont passés d’une consommation « tous les jours » à une consommation 4 ou 5 fois par semaine.
Il est donc important de relativiser cette baisse du nombre de consommateurs quotidiens car elle ne se traduit pas forcément par une baisse équivalente en nombre de produits achetés ou consommés.
Et pour pousser l’analyse, il est important de s’intéresser à la part de bio chez les consommateurs quotidiens :
Sur 2021 et 2022, il suffit de multiplier ces chiffres par le pourcentage de consommateurs quotidiens (15 % en 2021 et 8 % en 2022) pour estimer leur poids au sein de la population française :
Malheureusement, le Baromètre de l’Agence Bio ne permet pas d’avoir une photo complète car il ne couvre pas la part de bio chez les consommateurs autres que quotidiens.
Mais malgré cet angle mort, il ressort tout de même une certitude visible sur le graphique ci-dessus : le nombre de consommateurs quasi-exclusifs (consommation quotidienne et part de bio > 75 %) est resté stable. Il s’agit des « Aficionados de la Bio », du premier cercle de la consommation bio.
Certes, ils ne représentent que 2 % de la population, mais mon expérience en segmentations-clients (d’après l’analyse des cartes de fidélité) me laisse penser qu’ils assurent entre 20 % à 25 % de la consommation bio et qu’ils occupent une part encore plus importante dans les ventes des magasins spécialisés (probablement entre 30 % et 40 %).
Alors que 2023 sera encore une année difficile pour la consommation bio, ces « Aficionados de la Bio » joueront un rôle d’amortisseur permettant d’atténuer la baisse des volumes de vente.
Les enseignes bio auront également intérêt à en faire des ambassadeurs et des prescripteurs. Pour cela, elles pourront activer des opérations classiques de parrainage. Mais elles devront aussi inventer ou développer de nouvelles formes de relations avec ces « Super Clients ». Des relations plus impliquantes et participatives.
Elles devront également s’intéresser au « deuxième cercle de consommateurs » qui représente un gros potentiel de développement. L’activation et la stimulation de ce deuxième cercle passera entre autres par la qualité de l’expérience d’achat, par le conseil et par des recommandations de produits personnalisées, adaptées aux motivations, au budget et au style de consommation de chacun.
Enfin, la bio ne devra pas ignorer la nécessité de recruter, de convaincre et de séduire de nouveaux consommateurs pour éviter de tomber dans le piège de l’entre-soi et d’une bio trop repliée sur elle-même.