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Agriculture bio et effet de serre : le retour de la polémique ?

D’après deux nouveaux articles scientifiques, l’agriculture biologique contribuerait davantage à l’effet de serre que la conventionnelle. Une conclusion pour le moins surprenante et hâtive.

Deux études récentes (2018 et 2019) concluent que l’agriculture biologique contribue davantage, et même bien davantage, au réchauffement climatique que la conventionnelle (article paru initialement dans Bio Linéaires N° 87 – Janvier / Février 2020). Ce ne sont pas les premières à le dire, mais elles ont la particularité d’avoir été publiées, à quelques mois d’intervalle, dans la revue Nature, une des revues scientifiques les plus prestigieuses et les plus respectées. D’où notre étonnement.

Une argumentation très contestable, mais classique

Le premier article (1) n’est pas une comparaison entre bio et conventionnel, mais il aborde ce sujet dans un exemple, celui des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans deux cultures – le blé et les petits pois – en Suède. Il en ressort que, en raison des rendements beaucoup plus faibles en bio, il faudrait beaucoup plus de surface pour produire la même quantité qu’en conventionnel. Or, les différences constatées dans ce cas sont beaucoup plus élevées que celles observées en moyenne dans le monde, et il n’est pas tenu compte des facteurs autres que le rendement qui interviennent (séquestration de carbone dans le sol, rotations, engrais verts, plantation de haies, etc.). Ce qui n’empêche pas un des auteurs d’affirmer, sans préciser qu’il s’agit d’un cas particulier que « Les aliments biologiques présentent plusieurs avantages par rapport aux aliments produits par des méthodes conventionnelles… mais en ce qui concerne l’impact sur le climat, notre étude montre que les aliments biologiques sont une bien pire alternative en général ».

La seconde étude (2) a pour objet la comparaison des émissions de GES en Angleterre et au Pays de Galles. La conclusion est identique, pour les mêmes raisons. Or, cette étude minimise systématiquement ou ignore les facteurs favorables au bio dans le bilan des émissions de GES. Elle balaye également l’argument selon lequel en diminuant la consommation de viande on réduit très fortement les émissions de GES de l’alimentation, arguant que la consommation de viande dans le monde va continuer à augmenter. Une hypothèse évidemment contestable.

Agriculture et alimentation, rien à voir ?

Comparer l’impact sur le réchauffement climatique de deux systèmes de production – bio et conventionnel – sans se poser la question de l’alimentation est un non-sens. C’est pourtant ce qu’on fait les auteurs des deux articles en question. Certes, les auteurs du second l’ont abordée, mais pour dire qu’ils n’en tiendraient pas compte dans leur comparaison. Comme si on pouvait estimer la contribution à l’effet de serre d’un mode de production – l’agriculture conventionnelle intensive – sans s’interroger sur sa durabilité et sans admettre qu’elle n’est tout simplement pas durable pour de multiples raisons : coût énergétique, appauvrissement des sols, pollution généralisée de tous les compartiments de l’environnement, menaces sur la santé humaine, etc.
Ce qui veut dire que de toute façon il faut trouver autre chose. Or, l’agriculture biologique est aujourd’hui la seule alternative crédible. Deux scénarios récents (Afterres et Tyfa) ont d’ailleurs montré qu’une généralisation de l’agriculture biologique en Europe est possible, mais à une condition : réduire très fortement la consommation de viande. Une hypothèse rejetée par les populations, objectent certains. Et bien non. En Europe, la consommation de viande a commencé à baisser, de manière encore modeste, mais significative, et les mouvements allant dans ce sens (végétarisme, véganisme) ont le vent en poupe. Sans aller jusqu’aux choix extrêmes, comme le véganisme, dont l’intérêt sanitaire et environnemental reste à démontrer, un changement profond des habitudes alimentaires est possible, à condition qu’il soit expliqué, encouragé et accompagné. Il changera complètement les résultats de la comparaison bio – conventionnel, notamment en augmentant fortement la production et la consommation de légumineuses, beaucoup moins émettrices de GES que les productions animales. Nous conclurons en nous demandant si ces deux publications, quasi simultanées, et les échos disproportionnés, et sans commentaires critiques, dont elles ont fait l’objet dans certains médias sont le fait du hasard….

(1) Searchinger TD and al. Assessing the efficiency of changes in land use for mitigating climate change,Nature, Dec 2018, 564(7753) :249-253. (2) Smith LG and al. The greenhouse gas impacts of converting food production in England and Wales to organic methods, Nature communications, Oct 2019, 10(1)4641.

Article paru initialement dans Bio Linéaires N° 87 – Janvier / Février 2020). A consulter ici pour les abonnés Bio Linéaires. Ici pour les non-abonnés

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