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DOSSIER 108 : Les 10 mythes sur l’agriculture bio

Mythe n°1 : Les aliments bio ne sont pas meilleurs pour la santé que les autres

Les aliments bio sont plus riches en plusieurs nutriments importants : vitamine C, certains minéraux, polyphénols (+19 à +69 %) dans les fruits et légumes, oméga 3 dans la viande et les produits laitiers bio (+50 à +60 %).

Cette supériorité est établie par des publications scientifiques de synthèse des données (Baranski, 2014, Srednicka-Tober, 2016, Hurtado-Barroso, 2019). Prétendre, comme certains, que cela n’a pas d’impact sur des aspects de la santé est une affirmation gratuite, contredite par plusieurs études. L’une d’elles (McAfee, 2011) réalisée sur 20 volontaires, a montré qu’en remplaçant leur viande de bœuf habituelle, provenant d’animaux nourris aux concentrés, par de la viande de bovins à l’herbe, le rapport oméga 6/oméga 3 de leur plasma sanguin est divisé par deux, un changement considéré comme bénéfique par tous les scientifiques. Une autre (Di Renzo, 2007) conclut que le pouvoir antioxydant du plasma sanguin augmente de 21 % après 14 jours d’alimentation bio. Une troisième (Rist, 2007) montre que le lait maternel est plus riche en acide linoléique conjugué (CLA), un acide gras bénéfique, lorsque les mères mangent des produits laitiers et de la viande bio. Une quatrième, réalisée sur deux générations de rats (Baranski, 2021), a montré que le même régime de base a un impact différent sur plusieurs critères biologiques – gain de poids, hormones plasmatiques, concentration en immunoglobulines, prolifération des lymphocytes – selon que l’alimentation est bio ou conventionnelle. Et une étude (Makris 2019) montre que le remplacement d’une alimentation contrôlée avec des produits bio par des produits non bio augmente le statut anti-oxydant de l’enfant.

Les fruits sont plus riches en vitamines et antioxydants avec leur peau

Pour les pommes et les poires, deux des fruits les plus consommés, la peau contient 6 à 20 fois plus d’antioxydants (Cf. Glossaire) que la chair. On peut estimer qu’en moyenne un fruit épluché apporte 25 à 50 % d’antioxydants en moins que le même non épluché (Michailidis, 2021). À titre d’exemple, comparons le pouvoir antioxydant d’une poire bio (non épluchée) et d’une pomme conventionnelle (épluchée).
Dans l’hypothèse moyenne où les poires bio ont un pouvoir antioxydant 40 % supérieur à celui des poires conventionnelles (voir plus haut), sachant que la peau de la poire représente environ 10 % du poids de la chair du fruit avec un pouvoir antioxydant 10 fois supérieur à celui de cette dernière, un calcul simple montre qu’en matière de pouvoir antioxydant, une poire bio non épluchée est équivalente à 2,5 à 3 poires conventionnelles épluchées. Il est en effet fortement conseillé d’éplucher les fruits traités, une partie importante des résidus de pesticides se trouvant dans la peau.

L’agriculture bio pollue moins l’eau par les nitrates que la conventionnelle, en raison d’apports d’azote beaucoup plus faibles et uniquement sous forme organique

L’impact des nitrates sur la santé fait l’objet de controverses. Un apport important par les aliments (principalement des légumes) pourrait avoir des effets bénéfiques à court terme, mais on ignore beaucoup des effets à long terme. Les légumes feuilles cultivés en bio (ex : salades) contiennent environ moitié moins de nitrates sur une année de culture. Une conservation après récolte mal maîtrisée augmente leur transformation partielle en nitrites. Par contre, il est bien établi qu’une eau riche en nitrates favorise notamment le cancer colorectal (Anses, 2022). Cet effet est observé pour des teneurs largement inférieures à la limite légale1 (Ward, 2018). D’autres études et méta-analyses ont conclu à un risque de cancer de la thyroïde pour une consommation d’eau à plus de 5 mg/l de nitrates pendant 5 ans ou plus (Ward, 2010), de défauts du tube neural ou d’anencéphalie à partir de plus de 5 mg de nitrates par litre dans l’eau de boisson (Croen, 2001, Brender, 2004, Brender, 2013).

Plusieurs études récentes ont montré que les consommateurs réguliers de produits bio sont en meilleure santé que la population générale comme :

  • moins de surpoids et d’obésité (Kesse-Guyot, 2017),
  • moins de diabète (Kesse-Guyot, 2020, Rebouillat, 2022),
  • moins de certains cancers (Baudry, 2018, Mark Park, 2019),
  • moins de risques cardio-vasculaires (Baudry, 2019),
  • moins de prééclampsie chez les femmes enceintes et d’hypospadia (malformation de la verge) chez les garçons nouveau-nés (Torjusen, 2021).

À noter : L’alimentation à base végétale des consommateurs réguliers bio constitue un élément très fort en matière de qualité nutritionnelle, permet une exposition réduite aux pesticides et a un effet protecteur sur les ressources et sur les GES. Elle est recommandée officiellement depuis 2019 en France (cf : recommandations du PNNS4).

Ces résultats sont parfois contestés, les sceptiques affirmant que si les consommateurs bio sont en meilleure santé que les autres, ce n’est pas parce qu’ils mangent bio, mais parce qu’ils ont une alimentation et un mode de vie plus sain. La réponse à cette critique est double.

D’une part, ces études tiennent compte évidemment de nombreux facteurs de confusion incluant les catégories d’aliments consommés. D’autre part le choix du bio fait souvent partie d’une vision globale sur le mode de vie (non-fumeurs, activité physique, nature…) et sur les habitudes alimentaires, avec une moindre place donnée à la viande et produits animaux, aux produits hors saison et aux produits ultra-transformés.

Mythe n°2 :  Les résidus de pesticides  dans les aliments sont sans risques pour notre santé

Les aliments bio contiennent beaucoup moins de résidus de pesticides que les conventionnels, et ceux qu’on peut y trouver proviennent très majoritairement des traitements effectués sur les parcelles voisines cultivées en conventionnel.

Les données pour la France (DGCCRF) et l’Europe (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments – EFSA European Food Safe Authority) concluent : qu’il y a en moyenne quatre fois moins de résidus de pesticides dans les produits bio que dans les conventionnels. Ce qui est en accord avec une synthèse des données scientifiques (Baranski, 2014). Cependant, ce chiffre concerne le pourcentage d’échantillons analysés contenant des quantités de résidus quantifiables, mais ne précise pas les quantités réellement présentes. La comparaison de ces dernières a été effectuée par une organisation allemande (Ökologisch&Landbau, 2006) qui a conclu qu’en moyenne il y a 150 fois moins, en quantité, de résidus de pesticides dans les fruits bio que dans les conventionnels, ce qui s’explique parce que, dans la très grande majorité des cas, les traces existantes dans les aliments bio ne proviennent pas d’un traitement par l’agriculteur sur ses cultures, mais des traitements voisins en agriculture conventionnelle et de la pollution généralisée de l’air et de l’eau. Ainsi 7 études scientifiques ont montré qu’une alimentation comparable mais avec des aliments bio réduit jusqu’à 90 % l’exposition aux divers pesticides apportés par l’alimentation (les plus récentes : Baudry 2018c, Makris 2019, Rempelos 2022).

Contrairement à ce qu’affirment les organismes compétents (DGCCRF, EFSA), les résidus présents dans les aliments, même lorsqu’ils respectent la règlementation, peuvent avoir des impacts négatifs sur la santé, comme l’ont mis en évidence plusieurs études récentes.

L’EFSA (Agence européenne de sécurité des aliments) a conclu que, « selon les connaissances scientifiques actuelles, l’exposition alimentaire aiguë et chronique aux résidus de pesticides dans les aliments ne devrait pas occasionner de problèmes de santé chez les consommateurs », ce qui est contredit par de nombreuses données scientifiques.

Une équipe de chercheurs de Harvard (USA) a réalisé une étude originale et de grande ampleur, portant sur 170 000 personnes suivies pendant 14 ans (Sandoval-Insausti, 2022). Deux groupes de participants ont été suivis. Le premier était constitué de personnes consommant majoritairement des fruits et légumes contenant peu ou pas de résidus de pesticides et le second de personnes consommant majoritairement des fruits et légumes plus fortement pollués par des pesticides, sans pour autant dépasser les limites règlementaires. Les résultats furent sans appel : dans le premier groupe, une forte augmentation (d’une à plus de quatre portions par jour) de la consommation de cette famille d’aliments s’est traduite par une baisse de 36 % de la mortalité totale. Par contre, dans le second groupe, la même évolution des quantités consommées n’a pas augmenté la mortalité, mais ne l’a pas non plus diminuée, l’effet bénéfique de l’augmentation de la consommation des fruits et légumes étant annulé. En mesurant l’impact sur les maladies cardiovasculaires, des chercheurs membres de la même équipe (Chiu, 2019) ont observé une baisse de 20 % de l’incidence de ces maladies avec une forte augmentation de la consommation de fruits et légumes peu ou pas pollués, cet effet bénéfique disparaissant avec la même augmentation de la consommation des fruits et légumes lorsqu’ils sont plus fortement pollués.

  • Une autre étude, réalisée avec la même méthodologie (Chiu, 2016) a conclu que, à quantité égale de fruits et légumes, le groupe masculin ayant consommé ceux qui étaient les plus pollués par des pesticides avaient deux fois moins de spermatozoïdes que l’autre groupe. Cette étude a été réalisés sur 155 hommes volontaires et a confirmé que les pesticides contenus dans les aliments peuvent avoir un effet défavorable sur la fertilité masculine. Deux études récentes sur l’exposition aux pesticides de synthèse (vs Spinosad/pyréthrines) montre une forte augmentation du risque de diabète type 2 et cancer du sein chez les femmes ménopausées (Rebouillat 2020, Rebouillat 2022).
  • Même si peu d’autres études ont mis en évidence l’impact direct sur la santé des résidus de pesticides contenus dans les aliments (environ 75 % du total ingéré), cela n’autorise pas à oublier ou à sous-estimer les autres voies de contamination, notamment par l’eau (environ 5 %) et l’air, complément à 100 % du total, mais peu documenté (OMS 2019, Anses 2023). Son importance a été récemment confirmée en France par la contamination à grande échelle de l’eau potable au robinet en 2023 (34 % des échantillons avec des traces des métabolites d’un herbicide le S-métolachlore et d’un métabolite d’un fongicide, le chlorothalonil, interdit depuis 2019 dans l’UE (présence dans plus d’un échantillon d’eau sur deux et dépassement de la limite de qualité « dans plus d’un échantillon sur trois »). Ce dernier a retenu toute la vigilance de l’Anses en 2023. De plus, sur 136.000 analyses, sept molécules dépassent la limite de qualité de l’eau de 0,1 µg/litre sur 20 % des réseaux (Anses, 6 avril 2023). La Commission européenne n’a pas renouvelé en 2019 l’autorisation du chlorothalonil. La France avait alors accordé un délai de grâce jusqu’en mai 2020 pour permettre d’écouler des stocks de ce produit. La CE relevait, à l’époque, qu’il était « impossible à ce jour d’établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n’aura pas d’effets nocifs sur la santé humaine ». La Commission reprenait les conclusions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui écrivait, en 2019, que le chlorothalonil « devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B », c’est-à-dire cancérogène « supposé ».
  • Une récente expertise collective de l’Inserm (Inserm, 2021) a conclu à la présomption forte d’un lien entre l’exposition aux pesticides et sept pathologies : lymphomes non hodgkiniens, myélome multiple, cancer de la prostate, maladie de Parkinson, troubles cognitifs, bronchopneumonie chronique obstructive et bronchite chronique. En matière de cancer, l’examen de 63 études épidémiologiques publiées entre 2017 et 2021 a mis en évidence le lien entre l’exposition aux pesticides et le cancer colorectal ainsi que la leucémie myéloïde aiguë (Cavalier, 2022). Les agriculteurs exposés en sont les premières victimes.
  • Une revue de la littérature internationale, portant sur 74 articles, a conclu que 53 pesticides sont associés de manière significative à au moins un type de cancer. Les types de pesticides associés à des cancers sont des herbicides (24), des insecticides (19) et des fongicides (9). Les principaux cancers concernés sont ceux du colon, de la prostate, de la vessie, le lymphome non hodgkinien, la leucémie et le myélome multiple (Pluth, 2019).

L’estimation du risque lié à l’exposition aux pesticides est réalisée pour chaque molécule mais très rarement pour le « cocktail » de molécules que nous absorbons chaque jour.

Des études s’étant intéressées à l’effet « cocktail » de pesticides ont montré le renforcement de leur impact négatif, alors que seul, aucun des pesticides à très faible dose considérés n’était associé à un effet négatif (Gamet-Payrastre, 2020, Baranski, 2021).

L’exposition de la femme enceinte et des jeunes enfants à de nombreux pesticides augmente le risque de plusieurs pathologies : cancers, perturbation du neurodéveloppement, autisme, diabète…

Cette association a été confirmée par de nombreuses recherches. Nous ne citerons que les plus récentes (Van Ehrenstein 2019 ; Feuleback, 2021 ; Miani 2021 ; Bennett 2022 ; Etiemble 2022 ; Petric 2022 ; Ikbal 2022 ; Rebouillat, 2022 ; Rebouillat, 2022).

Dans la fiche de l’Académie d’Agriculture de France citée plus haut, un paragraphe est intitulé « Le mythe des vertus anticancer du bio ». Très improbable que ce soit un mythe !

Mythe n°3 :  L’agriculture bio  n’est pas meilleure pour l’environnement que la conventionnelle

Cette affirmation, que l’on retrouve entre autres sur le site de l’Académie d’Agriculture de France ou dans des articles de presse, défie le bon sens.

Elle résulte notamment de la méthodologie ACV (Analyse de Cycle de Vie) lorsqu’on l’applique aux produits agricoles et alimentaires et que l’on calcule non pas par hectare, mais par kilogramme d’aliment produit.
Comme l’a confirmé une publication récente (Van der Werf, 2020), la méthode ACV n’est pas adaptée à la mesure de l’impact sur l’environnement de modes de production agricole et défavorise injustement les systèmes extensifs.

  • En matière d’impact sur la biodiversité, le raisonnement classique est que les rendements élevés de l’agriculture conventionnelle permettent de libérer davantage d’espace pour les réserver à des aménagements naturels et riches en biodiversité. Dans la réalité, cela ne se passe presque jamais comme cela, les milieux naturels et la biodiversité régressent partout.
    Par exemple, la multiplication par quatre des rendements en céréales en 50 ans n’a pas eu pour effet la réduction de la surface cultivée en céréales, mais de multiplier par trois les surfaces utilisées, non pas pour créer des espaces naturels, mais pour produire plus pour l’exportation (« pétrole vert ») et pour l’alimentation animale (Solagro, 2022), avec pour conséquences une augmentation de la consommation de viande et de la pollution par les déjections animales depuis les années 1950. En 2021, on reste encore largement au-dessus de la recommandation nutritionnelle de 500 g/semaine de viande rouge du Programme National Nutrition Santé (PPNS) avec une consommation totale de 1076 g/semaine (Agreste, 2022).

De nombreuses études comparatives montrent que la pratique de l’agriculture biologique séquestre davantage de carbone dans le sol que l’agriculture conventionnelle.

Les sols des fermes bio ont une teneur en matière organique en moyenne 20 à 28 % supérieure à celle des fermes conventionnelles et de nombreuses études ont montré que, lors de la conversion à l’agriculture biologique, le stock de matière organique augmente de 450 à 550 kg par ha et par an pendant au moins 20 ans (Gattinger, 2012 ; Soil Association, 2009). Les « biosceptiques » objectent qu’il ne s’agit pas de séquestration mais d’un simple transfert de carbone à partir des amendements et engrais organiques bio et des fermes conventionnelles vers les fermes bio, ces dernières achetant de la paille ou du fumier aux premières, ce qui est faux dans la majeure partie des cas, l’importation de matières carbonées par les fermes bio étant minoritaire et limitée par les cahiers des charges (provenance d’élevages industriels interdits : Règlement Bio UE n°2021/1165).  Par ailleurs, la fraction du carbone apporté qui est séquestrée dans le sol dépend, entre autres, du rapport C/N des résidus de récolte et des racines et augmente lorsque ce rapport est plus élevé, ce qui est le cas en agriculture biologique, les apports d’azote étant plus faibles (Garcia-Palacios, 2018).

Enfin, les haies, qui stockent du carbone, sont en général beaucoup plus présentes dans les fermes bio que dans les conventionnelles. En moyenne, une haie vive stocke entre 3 et 5 tonnes de carbone C par km linéaire. Suivant le prix de la teqCO2, dans le Label Bas Carbone, le gain va de 80 à 150 € la tonne équivalent carbone, en fonction notamment des niveaux de gestion durable, des additionnalités (stockage additionnel de carbone par une gestion adaptée) et des co-bénéfices (biodiversité, filières bois) (Cerema Carbocage, 2022).

  • Ceux qui affirment que l’agriculture bio n’est pas meilleure pour l’environnement oublient les pollutions par les excès d’azote, notamment l’envahissement des zones côtières par des algues vertes ou brunes (Bretagne, Antilles), oublient les émissions inférieures de protoxyde d’azote N2O d’environ 40 % (lequel est un puissant GES) avec un pouvoir réchauffant global PRG de 265 fois le gaz carbonique, grâce à l’absence d’utilisation des engrais minéraux azotés (5e rapport du GIEC) et aussi les multiples effets des pesticides sur l’environnement.
    Les pesticides sont, dans une large mesure, responsables de la disparition en 30 ans en Europe de 75 % des insectes, parmi lesquels on trouve de nombreux pollinisateurs et d’environ 30 % des oiseaux des champs en France (source : LPO, étude Museum HN, autre étude internationale de ce mois impliquant la consommation d’engrais et pesticides comme première responsable de la perte de biodiversité). Par ailleurs, les excès d’azote de synthèse en culture et d’azote organique par les élevages industriels contribuent à la pollution de l’air (par l’émission de 700 000 tonnes d’ammoniac par an), à la pollution de l’eau par les nitrates, à la multiplication des ravageurs par une augmentation de la teneur en nitrates et en acides aminés des feuilles des plantes cultivées, à l’affaiblissement des défenses naturelles des plantes, ce qui oblige à les protéger par des pesticides.

Mythe n°4 :  L’agriculture bio réchauffe  autant la planète que  la conventionnelle

Cette conclusion erronée vient notamment de ce que la contribution au réchauffement est estimée par kilogramme produit et pas par hectare. Les estimations par hectare concluent toutes que l’agriculture biologique contribue moins aux émissions de GES que la conventionnelle (Meier et al., 2015).

  • La méthodologie de l’ACV ne prend pas en compte la séquestration de carbone dans les arbres (en agroforesterie), les haies et les sols et en particulier dans les sols des prairies permanentes
  • Les émissions de gaz à effet de serre, et particulièrement de protoxyde d’azote (N2O) qui a un pouvoir réchauffant 265 fois supérieur à celui du gaz carbonique (CO2), sont plus faibles en bio qu’en conventionnel (Goh, 2011).
  • En élevage à l’herbe bien mené, on améliore fortement le bilan carbone des ruminants, pour aller jusqu’à la neutralité carbone de l’élevage grâce à la séquestration de carbone dans le sol.
    Dans les cas les plus favorables (climat, nature et profondeur du sol, gestion des prairies), un hectare de prairie peut séquestrer plus d’une tonne de carbone par ha et par an (Aubert, 2022). Or, la part de l’herbe dans l’alimentation des ruminants est beaucoup plus importante en bio qu’en conventionnel.
  • L’adoption d’une alimentation biologique s’accompagne habituellement d’une modification des habitudes alimentaires et en particulier d’une diminution de la consommation de viande, d’où une moindre contribution de l‘alimentation au réchauffement climatique.

Les consommateurs bio contribuent moins aux émissions de gaz à effet de serre que les conventionnels, en partie à cause du mode de production et en partie en raison d’une part plus importante des aliments d’origine végétale dans l’alimentation quotidienne.

Une étude récente (Baudry 2019) conclut que la contribution des consommateurs bio réguliers aux émissions de GES par leur alimentation est inférieure de 35 % à celle des consommateurs conventionnels.

 

Mythe n°5 :  L’agriculture bio ne peut  pas nourrir la planète

Deux études récentes concluent que l’agriculture biologique pourrait sans difficulté nourrir tous les habitants de l‘Union Européenne tout en conservant son potentiel d’exportation, à la condition de réduire fortement la consommation de viande, ce qui de toute manière est favorable à la santé et à l’environnement.

La première de ces études (TYFA, 2018) constitue un scénario de ce que l’agriculture européenne pourrait être en 2050. Elle pourrait satisfaire aux besoins de la population et maintenir les exportations au niveau actuel en privilégiant l’élevage à l’herbe des ruminants et en divisant par deux la consommation de viande. La seconde (Billen, 2021) arrive à une conclusion similaire. Le scénario Afterres (Solagro, 2016) vise un résultat semblable pour la France avec 75 % d’agriculture biologique.

Pour les régions du monde qui souffrent de malnutrition, la solution n’est pas de dépendre des exportations des pays excédentaires, mais d’augmenter les surfaces qu’elles consacrent aux cultures vivrières et d’augmenter, par les pratiques agroécologiques, leurs rendements.

Cela ne veut pas dire produire 75 qx/ha de céréales comme en moyenne en France, mais de faire passer les rendements de 10 ou 20  qx/ ha à 25 qx/ha, tout en minimisant, voire en supprimant, les intrants issus de l’industrie chimique (engrais, pesticides…). Une vaste étude, faisant le bilan de 287 projets dans 57 pays (Hine et Pretty, 2006), conclut, qu’en Afrique, la mise en œuvre de techniques de l’agriculture biologique ou proches d’agroécologie, augmente les rendements en moyenne de 116 % par rapport aux systèmes traditionnels.

  • La méta-analyse la plus complète des données scientifiques (Ponisio, 2015) a conclu que, au niveau de la planète, les rendements en bio sont inférieurs à ceux en conventionnel d’environ 19 % et de seulement 8 à 9 % en améliorant les techniques culturales (rotations, cultures associées de légumineuses, recyclage des matières organiques, amendements minéraux naturels…).
    On considère habituellement que les rendements en bio sont en moyenne de 30 à 35 % inférieurs à ceux en conventionnel. En France, on cite souvent l’exemple des céréales d’hiver, notamment le blé, avec une diminution de rendement de 40 à 50 % et certains ont vite fait de généraliser ce chiffre, ce qui est trompeur pour deux raisons.

D’abord en France le rendement en conventionnel est exceptionnellement élevé : 73 qx/ha en 2022 avec cinq départements du Nord à plus de 90 qx/ha (source : Agreste) alors que la moyenne mondiale avoisine 25 qx/ha, un rendement largement dépassé en France en bio (avec un rendement record de blé bio à 99 qx/ha en Angleterre en année et sol favorable en 2015). Par ailleurs, on compare rarement des blés cultivés sur des sols et climats comparables, or l’agriculture conventionnelle réserve souvent au blé les sols les plus fertiles, ce que ne peut pas faire l’agriculture biologique. Aux Etats-Unis, où la culture du blé conventionnel est moins intensive qu’en Europe, le différentiel de rendement entre bio et conventionnel est beaucoup plus faible, et parfois nul.

La généralisation de l’agriculture conventionnelle intensive à l’ensemble de la planète est de toute manière impossible en raison de son coût énergétique (synthèse des engrais azotés et pesticides) et d’une aggravation considérable de la pollution par les pesticides rémanents.

Nourrir durablement la planète avec une agriculture indépendante des intrants industriels (pesticides, engrais azotés de synthèse) est donc possible.

Une étude récente affirme que la généralisation de l’AB serait impossible en raison d’une disponibilité en azote trop faible. C’est faux si l’on associe l’agriculture et l’élevage, si l’on introduit des légumineuses à haut potentiel de fixation d’azote, comme la luzerne ou le niébé en zone tropicale, dans la rotation ou en cultures associées, si l’on intercale des cultures intermédiaires (couverts végétaux) à base de légumineuses et si l’on maintient la fertilité durable du sol (amendements minéraux, augmentation du taux d’humus, stimulation de l’activité biologique). Par exemple, en Afrique, les proportions de l’azote de la plante provenant de la fixation atmosphérique (Ndfa%) pour le niébé en station agronomique ont varié de 24 à 49 % (soit 17,6 à 34,7 kg N ha/culture). Le Ndfa% du niébé dans les champs paysans a varié de 22 à 92 % et était en moyenne plus élevé dans les variétés locales (75,5 %) que dans les variétés améliorées (63 %), soit des quantités d’azote fixé de 3 à 188 kg N ha/culture (Traore, 2012). En dehors de la fixation de l’azote de l’air. Selon une nouvelle étude, les chercheurs ont analysé 462 expérimentations de terrain, avec 12 000 observations de rendement à travers 53 pays. Les légumineuses améliorent les rendements des cultures de plus de 20 %. Selon l’étude, sur les 844 observations de terrain analysées en Afrique, les légumineuses augmenteraient les rendements de 43 % en moyenne. Les plus forts avantages des légumineuses sont donc enregistrés en Afrique, ainsi qu’en agriculture biologique (Zhao, 2022).

Mythe n°6 :  Manger bio coûte cher

Le coût d’achat moyen de l’alimentation en France est d’environ 3 600 € par personne et par an avec une alimentation conventionnelle. On estime que le budget alimentation du consommateur bio régulier est supérieur de 26 % (compte tenu de la moindre consommation de viande et de produits hors-saison) à celui du consommateur conventionnel (Baudry 2019 Kesse-Guyot, 2022). Le surcoût du passage au bio serait donc de 936 € par personne et par an.
 
L’UFC-Que Choisir (2017) estime que les coûts plus élevés de production en bio n’expliquent que la moitié du surcoût payé par les consommateurs. D’après l’association, 46 % du surcoût proviendrait des « surmarges » réalisées sur le bio par les grandes surfaces. L’UFC évoque des marges brutes sur les fruits et légumes deux fois plus élevées en bio qu’en conventionnel, ce qui a été contesté par la FDC (Fédération du Commerce et de la Distribution).

Manger bio coûte plus cher aussi parce que les externalités négatives de l’agriculture conventionnelle (coûts de dépollutions, coûts de dépenses de santé, voir encadré page suivante…) ne sont pas prises en compte dans le prix que le consommateur paye. Si ces dernières l’étaient, les produits bio seraient moins chers que les produits conventionnels !

Certes plus chère à la production2, l’alimentation bio n’est pas forcément plus chère pour le consommateur. En effet, non seulement les fruits et légumes bio se consomment en entier (peau, feuillage ou racines suivant les légumes), mais encore il suffit de modifier quelque peu ses habitudes alimentaires en consommant :

  • plus de fruits et légumes, dont des légumineuses ;
  • moins de produits carnés en privilégiant la qualité ;
  • plus de produits de saison ; tout en évitant les produits ultra-transformés et suremballés au profit des achats en vrac (voir Aubert C., Mayer Mustin C., 2020, Manger bio sans dépenser plus. Ed. Terre Vivante).
    Enfin, quand on a la chance d’avoir un peu de terrain, la meilleure solution pour concilier bio et vrac sans se ruiner est de faire son compost et cultiver son propre potager.
     

Mythe n°7 :  On ne peut pas se passer  des engrais chimiques

Les engrais chimiques sont une ressource ni durable ni renouvelable.
Les ressources en phosphates naturels miniers, dont 80 % sont destinés à la production des engrais minéraux phosphatés, seront épuisées dans un peu plus d’un siècle.

La synthèse des engrais azotés est très coûteuse en énergie (environ 1 tonne d’équivalent pétrole (TEP) pour produire 1 tonne d’azote N sous forme d’engrais) et donc fortement émettrice de gaz à effet de serre, d’où une contribution importante au réchauffement de la planète.

  • La prédominance de la fertilisation classique NPK (azote, phosphore, potassium) est une source de déséquilibres et de carences en éléments secondaires et oligo-éléments et un frein au recyclage des matières organiques dans les sols cultivés.
  • Le recyclage des matières organiques, l’utilisation systématique des légumineuses et une meilleure gestion de la fertilisation permettraient de fournir suffisamment d’azote aux plantes.
  • Un examen précis de la contribution des engrais azotés de synthèse aux effets négatifs de l’agriculture conventionnelle d’aujourd’hui est accablant. Cet examen a été effectué par 200 chercheurs et a conduit à la publication d’un remarquable ouvrage de synthèse : The European Nitrogen Assessment (Sutton, 2011). Nous en avons résumé les principales conclusions dans un livre (Aubert C. 2021. Les apprentis sorciers de l’azote. Ed. Terre Vivante) :
  • séparation de l’agriculture et de l’élevage : l’apport de fumier, les prairies et les légumineuses étant devenues inutiles pour les grandes productions végétales (céréales, oléagineux, pommes de terre), d’où la spécialisation de régions entières dans la culture de céréales et d’oléagineux et la multiplication des élevages industriels,
  • multiplication de nombreux ravageurs, favorisée par l’augmentation de la teneur en azote des feuilles des plantes cultivées, ce qui les rend plus appétentes pour de nombreux insectes, et donc augmentation des traitement pesticides,
  • affaiblissement des moyens de défense des plantes d’où, à nouveau, multiplication des traitements chimiques,
  • diminution considérable de la biodiversité,
  • pollution de l’eau par les nitrates, source notamment d’une augmentation du risque de cancer colorectal et autres (voir supra),
  • pollution de l’air par l’ammoniac, qui contribue à la formation des particules fines (PM 2,5) les plus dangereuses pour la santé.

Rappelons que l’agriculture biologique reste le seul mode de production interdisant les engrais azotés de synthèse.

Mythe n°8 :  On ne peut pas se passer  des pesticides de synthèse

L’agriculture biologique montre que l’on peut s’en passer.

L’AB interdit totalement les pesticides de synthèse. Ses adversaires disent qu’elle les remplace par d’autres pesticides, d’origine naturelle, végétaux, minéraux ou d’origine microbienne. Son objectif premier est de se passer totalement de pesticides, ce à quoi elle parvient dans de nombreux cas. Le blé tendre, plante la plus cultivée en France, reçoit en conventionnel en moyenne entre 6 et 7 traitements par an dans les grandes zones céréalières (principalement des herbicides et des fongicides) contre, sauf exception, zéro en bio. Pour les fruits et certains légumes, c’est plus difficile, d’où le recours à des biopesticides. Il reste que les fruits et légumes cultivés en bio sont fréquemment moins attaqués ou subissent moins de dégâts, avec une fertilisation organique ou en culture associée. En production intégrée, on peut réduire très fortement l’utilisation des pesticides de synthèse.

  • Une forte réduction, voire une suppression, des pesticides passe par une remise en cause totale des modes de production dominants.
    Il faut davantage de biodiversité, des cultures associées, des variétés résistantes, moins d’azote, une amélioration de la fertilité des sols, le choix de cultures adaptées au climat, la généralisation de la lutte biologique, le développement de produits de biocontrôle ou de bio-intrants, une sélection variétale adaptée, des agroéquipements et outils numériques et des outils de suivi de la dynamique des bioagresseurs et de l’environnement.

Par ailleurs, les plantes disposent de nombreuses techniques pour lutter contre leurs ennemis mais elles sont affaiblies, voire rendues inefficaces, par les techniques de l’agriculture industrielle (Aubert, 2022). Par exemple, une fertilisation minérale élevée diminue la présence dans les plantes de polyphénols, synthétisés par ces dernières pour se défendre contre leurs ennemis.

Une étude prospective récente « Une agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050 ? » réalisée par un collectif de plus de 100 experts européens (Colloque du 21 mars 2023 à Paris) montre la possibilité d’une transition écologique viable sans pesticides de synthèse avant 2050 avec trois scénarios de transition.

Mythe n°9 :  l’agriculture biologique  remplace les pesticides  de synthèse par d’autres pesticides

Non, parce que dans la grande majorité des cas, elle les remplace par… rien, grâce aux techniques multiples de prévention et à la lutte biologique !

Alors que près de 100 % des surfaces cultivées en conventionnel sont traitées, notamment par des pesticides (herbicides, insecticides, fongicides, acaricides) et divers produits chimiques (régulateurs de croissance, anti-limaces, raccourcisseurs de paille, inhibiteurs de nitrification…, l’AB n’utilise aucun herbicide et très rarement des fongicides en grandes cultures et en prairies, et le plus souvent aucun insecticide.

  • Moins de 10 % des surfaces en bio (principalement viticulture, arboriculture, maraîchage et pépinières) sont susceptibles de recevoir un traitement par un biopesticide, fongicide ou insecticide d’origine naturelle et biodégradable rapidement dans le sol.
  • Le nombre et la toxicité des pesticides autorisés en bio sont sans commune mesure avec ceux autorisés en conventionnel : 26 matières actives autorisées en bio contre 385 en conventionnel, dont 10 en bio contre 340 en conventionnel ayant une toxicité identifiée et 0 en bio contre 27 en conventionnel suspectées cancérigènes (Mie, 2017 in Baudry et al. 2021).
  • Les sels de cuivre, principaux fongicides utilisés en bio, surtout en viticulture, arboriculture et maraîchage, n’ont pas d’impact négatif sur les sols et sur l’environnement aux doses utilisées en bio. Des études montrent que, aux doses utilisées en bio (4 kg/ha), les sels de cuivre n’ont pas, contrairement à ce que certains affirment sans preuves, d’effets négatifs (Karimi, 2021). Quant aux teneurs en cuivre des aliments et boissons bio (vin), elles sont peu différentes de celles mesurées dans les produits de l’agriculture conventionnelle et parfois inférieures (Fagnano, 2020, Garcia-Esparza, 2006, Koziac, 2021, Cus, 2021). Cependant, l’agriculture biologique travaille aussi à la recherche d’alternatives biologiques au cuivre en combinant plusieurs méthodes de défense et de stimulation des plantes (éliciteurs), associées ou non au cuivre.
  • Enfin, le Spinosad®, un insecticide utilisable en AB, fait polémique. Il faut rappeler qu’il est issu de la fermentation d’une bactérie naturellement présente dans le sol (Saccharopolyspora spinosa), d’où le nom du produit. C’est un biopesticide d’origine microbienne et biodégradable (persistance de quelques jours à une semaine dans le sol). Après fermentation, le Spinosad est extrait et concentré en suspension aqueuse pour une utilisation en pulvérisations diluées.  Il est autorisé en AB depuis 2008 (par dérogation des organismes de contrôle) avec un effet insecticide (neurotoxique) par ingestion et contact. Il est inefficace contre les acariens, les pucerons et les insectes suceurs (pucerons, aleurodes, cicadelles…).

Le Spinosad est peu toxique pour les mammifères (DL50 supérieure à 5 g/kg chez le rat), les oiseaux3, les crustacés et les vers de terre. Il est cependant toxique pour les hyménoptères pollinisateurs comme les abeilles et bourdons et les invertébrés aquatiques (Jacquet, 2002, ITAB 2003). Plusieurs études sur les mammifères pointent une faible toxicité directe. Il est cependant soupçonné d’être reprotoxique. Il est très peu détecté dans les produits bio traités et il est considéré comme inoffensif pour l’homme aux doses trace relevées. En 2019, l’Anses a accordé la mention EAJ (Emploi Autorisé dans les Jardins) aux produits phytosanitaires contenant du Spinosad.

Le Spinosad est un biopesticide, certes d’origine naturelle, mais est à employer avec précaution en raison de son large spectre, comme le pyrèthre et les autres biopesticides.

  • Le pesticide de loin le plus utilisé en France est un herbicide, le glyphosate. Il est interdit en bio comme tous les herbicides de synthèse, or ses effets négatifs sur la santé et l’environnement sont bien documentés. Le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer de l’Organisation Mondiale de la Santé : OMS de Lyon) le considère comme un cancérigène probable. Il est présent et quantifiable dans la quasi totalité des échantillons d’urine prélevés chez plus de 5 000 volontaires français (Grau et a 2022), avec une concentration moyenne de 1 micro g/L, soit 10 fois la concentration autorisée pour un pesticide pour l’eau potable.
  • Par ailleurs, plusieurs études ont montré que l’utilisation de glyphosate diminue la capacité des plantes à combattre les champignons pathogènes, notamment les Fusarium, responsables de la synthèse de mycotoxines (Martinez, 2018 ; Fernandez, 2009).

Les coûts externes de santé et d’environnement liés aux engrais et pesticides de synthèse

Les coûts liés à la fabrication et à l’utilisation des engrais azotés de synthèse et pesticides non intégrés dans les prix des aliments conventionnels (externalités comme les pollutions et dépollutions de l’eau nécessitant des traitements poussés et l’achat d’eau en bouteilles, coût des pathologies induites par les pesticides, une alimentation de faible qualité, perte de fertilité des sols, pertes multiples de biodiversité, …) sont considérables. Ces coûts ont été estimés pour l’Europe, entre 70 et 320 milliards d’euros par an soit 150 et 740 € par personne et par an, soit une moyenne de 450 € (Sutton, 2011). Le coût d’achat de l’alimentation en France est de 210 milliards/an, les coûts cachés payés par les citoyens sont donc de 210 à 420 milliards/an, probablement plus à cause des sous-estimations actuelles.  La réduction d’une partie de ces impacts négatifs donne beaucoup de possibilité de soutien à la transition de l’agriculture et de l’alimentation.

La seule suppression de l’azote de synthèse compenserait déjà près de la moitié de ces coûts externes non comptabilisés.

Pour les pesticides, une étude très détaillée (Bourguet et Guillemaud, 2021) estime qu’aux Etats-Unis, le coût des externalités liées aux pesticides est d’environ 39,5 milliards de dollars par an, soit 1 200 dollars (1 100 €) par personne et par an. Même en admettant que ce chiffre soit surévalué pour la France, si on l’ajoute à l’estimation relative à l’azote, on voit que les externalités de l’agriculture conventionnelle, qui sont supportées par la collectivité, c‘est-à-dire par nos impôts et cotisations sociales, sont largement supérieures au surcoût pour le consommateur de l’achat de produits bio.

Pour la France, un document du ministère de l’Écologie de 2011 estime que « le coût annuel du traitement de ces flux annuels d’azote et de pesticides serait compris entre 54 et 91 milliards d’euros ». « Au total, le coût de dépollution des eaux souterraines serait compris entre 522 et 847 milliards d’euros, hors coûts d’énergie du pompage avant traitement » (Commissariat général au développement durable, 2011). Avec les derniers résultats des analyses d’eau du robinet (Anses, 2023), le coût des traitements des eaux des nappes aquifères contaminées par des pesticides de synthèse sera probablement multiplié par deux ou trois.

Mythe n° 10 :  Le local,  c’est mieux que le bio

  • Manger local est la dernière tendance à la mode et, entre bio et local, certains consommateurs préfèrent le local. Son intérêt est incontestable : moins de transport, moins ou pas d’intermédiaires, possibilité de connaître et de rencontrer les producteurs, développement local… Néanmoins dans les consommations globales d’énergie, les études montrent que 95 % des GES proviennent des modes de production et 5 % seulement des étapes de conditionnement et transports (Grémillet A. & Fosse J., 2020). Ces pourcentages sont en faveur de l’agriculture biologique moins consommatrice d’énergie et moins émettrice de GES. De plus, le fait que le producteur soit près de chez soi n’apporte aucune garantie quant à sa manière de cultiver ou d’élever ses animaux.
  • Les fruits, les légumes, le pain, les produits laitiers, les œufs et la viande sont les principaux aliments concernés. Si vous avez des producteurs de ces aliments non loin de chez vous, une visite de l’exploitation et quelques questions pertinentes permettent de vous rendre compte de leur état d’esprit et de leur mode de production, même s’ils ne disent pas tout. Pour les fruits et légumes, principales sources de pesticides dans les aliments non bio, la taille de l’exploitation, la conduite des vergers et parcelles et les variétés des fruits ou légumes en disent beaucoup. De grandes surfaces, une mécanisation poussée et trop peu de variétés doivent inspirer la méfiance, sauf bien entendu si l’exploitation est bio. Certains ne sont pas certifiés, mais disent faire du bio… à vérifier !
  • Pour le pain, il vaut mieux s’approvisionner chez l’artisan boulanger du coin. Mais si ses produits ne sont pas bio, il est probable que sa farine vienne de loin et il n’est pas exclu que ses croissants soient industriels. C’est une question à lui poser. L’idéal est d’avoir près de chez soi un artisan boulanger qui utilise des farines bio certifiées souvent régionales ou un paysan boulanger, qui cultive lui-même ses céréales. Ils sont peu nombreux et la plupart sont en bio.
  • Pour la viande et les produits laitiers, il est facile de vérifier si l’on voit des prairies autour de la ferme et si les vaches, chèvres ou moutons sont souvent dehors et en bon état de santé.
  • Si la distance entre votre habitation et la ferme est grande, vous perdrez une bonne partie du bénéfice du local, à moins que vous ne fassiez le trajet à pied ou à vélo. De plus, le local non bio est produit avec des intrants importés (engrais, tourteaux et soja OGM, pesticides) qui viennent souvent de très loin.
  • Une autre manière de manger local est de faire partie d’une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) ou d’une coopérative de consommateurs. La plupart sont désormais bio.

En conclusion, il ne faut pas opposer le local et le bio, mais favoriser le bio ET local (« biolocal »).

[1] Une concentration maximale de 50 mg/l de nitrates NO3- dans l’eau potable dans l’Union Européenne.

[2]. Les économies sur les engrais chimiques et les pesticides de synthèse en bio ne sont pas compensées par les autres postes de production, spécifiques à la bio, avec des exploitations plus petites, plus de main-d’œuvre, des rendements moins élevés (variétés et races rustiques), des coûts de contrôle et de certification bio supportés par l’exploitant et de plus faibles aides publiques.
[3] DL50 ou CL50 : Dose ou Concentration Létale pour 50 % d’une population donnée pour un temps d’exposition déterminé en heures (en général de 24 à 96 h).

DOSSIER 108 :
L’agriculture bio malmenée : 10 mythes sur la bio à déconstruire
SOMMAIRE

L'agriculture bio malmenée

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Les 10 mythes sur l’agriculture bio

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Quel avenir pour l’agriculture bio ?

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