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Débat d’experts : Financer une politique bio ambitieuse

Dernièrement, un débat improvisé s’est organisé entre nos experts Burkhard Schaer (Ecozept), Sauveur Fernandez (econovateur), Bernard Ollié (Good), Fabien Foulon (Retail&Detail) et François Labbaye (Bio Panelautour d’une politique bio ambitieuse à mener en France. Vaste sujet qui mérite qu’on s’y attarde ! Voici leurs analyses et remarques : n’hésitez pas à alimenter le débat, tout ce qui va dans le sens de la Bio est bienvenu !

 

« En une année, le bio rembourse tous les plans bio jamais financés par l’État ! »

Burkhard Schaer (Ecozept) : Le bio, en 2022, c’est grosso-modo 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires TTC. Ce chiffre contient de la TVA à hauteur d’environ 700 millions d’euros – j’applique pour simplifier le taux de 5,5 %, donc je sous-estime. Si le bio n’existait pas, à la place des 13 milliards de chiffre d’affaires, on n’aurait un chiffre d’affaires en « conventionnel équivalent » – je simplifie – 1/3 moins cher, donc environ 8,5 milliards d’euros TTC. Ce CA « conventionnel équivalent bio » ne contient que 470 millions d’euros en TVA. L’État gagne donc, pour la seule année 2022 dans les (700 – 470 =) 230 millions d’euros en TVA de plus que dans l’hypothèse « le bio n’existe pas » : merci le bio ! En une année, le bio rembourse tous les plans bio jamais financés par l’État ! C’est simpliste comme argument ? 

Bernard Ollié (Good) : Et encore tu ne comptes pas le gain sur le CO2 et la santé, que l’on sait calculer par ailleurs ! 

À lire également -> La Bio plus chère ? Non !

Fabien Foulon (Retail & Detail) : Le raisonnement est intéressant Burkhard ! Et le montant est même supérieur à cela dans la mesure où la TVA est en moyenne de 8 % environ en comptant le non-alimentaire, le vin, etc. En revanche, pour me faire l’avocat du diable : si les Français ne consommaient pas de bio, ils utiliseraient probablement les 5,5 Mds d’euros économisés pour faire d’autres dépenses, notamment dans le secteur de la restauration et des loisirs… avec une TVA à 20 %.

« C’est pourquoi il faut valoriser les bénéfices écologiques et de santé publique – externalités – qu’apportent la Bio. Ils ne peuvent être substituables ! » Bernard Ollié

Burkhard Schaer : Merci Fabien, pour la précision : 8 %. J’ai sous-estimé par principe de prudence le taux TVA mais aussi le supplément-prix : je n’ai pris que 33 % alors qu’en réalité on est plutôt dans les 50 à 70 % ? Du coup, est-ce qu’on pourrait avancer que le pouvoir d’achat consacré au bio pourrait être réorienté aux voyages ou dans la consommation électronique, également hors-France ?

Bernard Ollié : Pour l’instant le cash « excédentaire » des Français n’est pas dépensé ailleurs mais épargné avec un record de taux d’épargne à fin 2022 : 18% de leurs revenus.

« La bio a une carte à jouer en communication »

Sauveur Fernandez (Econovateur) : Belle remarque Burkard qui méritait d’être creusée. J’ai, par ricochet, un autre regard sur la situation du Français qui dépense plus en bio. La  stratégie de la FNSEA – qui se cache derrière le label HVE – est redoutable : elle consiste par divers moyens à dénigrer et anémier financièrement la bio … pour accaparer – « voler » – ce surplus d’achat. La FNSEA a, en effet, compris que les clients sont prêts à payer plus cher car ils voient dans la bio une « valeur ». Il serait d’ailleurs intéressant de voir comment se comportent les labels de 3e voie durant cette crise. Est-ce qu’ils la subissent aussi ?

Je subodore qu’ils la traversent plutôt pas mal car le Français, s’il n’est pas trop touché va essayer de couper la poire en deux en les voyant comme un bon compromis. En effet, le Français, et c’est un des enseignements cette crise, veut en fait continuer à bien manger et maintenir plus généralement une valeur de vie générale en cherchant des compromis quitte à faire des efforts.

La bio a une carte à jouer en communication : 

  • axer le discours sur le prix intelligent – et non le prix juste qui suggère en temps de crise un prix plus élevé
  • donner des conseils pour s’adapter : cuisiner à pas cher…
  • et, pour l’image, insister sur une bio qui maintient la valeur et la qualité de vie malgré la crise.
À lire également -> Les magasins bio face au défi de la désirabilité

 

Burkhard Schaer : Sauveur, pour ta question des autres « labels » – tous ne sont pas des labels mais plutôt des logos – : tous captent moins « l’attention », cf. le Baromètre de l’Agence Bio. Ce qui dit, pour moi, qu’il y a une perte générale des repères : même les AOP IGP sont concernés.

 

 

De même, les noms de produits, noms de marques ou représentation graphique présents sur un produit doivent également respecter le règlement allégations. Par exemple, un produit portant un nom en lien avec le bien-être articulaire ou présentant une représentation graphique en lien avec les articulations, devra alors présenter une allégation de santé sur son étiquetage. Seules des allégations autorisées, ou en attente pour les plantes peuvent être utilisées.

Sauveur Fernandez : Infographie très intéressante sur les « labels ». Sinon, mon analyse : on assiste a un effet « tétanisation » : en clair, en repli temporaire car l’inquiétude est d’abord de remplir le frigo. La bonne nouvelle est que tout ce petit monde baisse à peu près dans les mêmes proportions : si les « labels » de 3e voie ne font pas mieux que l’AB c’est la preuve que l’AB, plus cher, a encore une force de conviction, et que la qualité est toujours un facteur clé. Le label AB baisse un peu moins que l’UE, signe là aussi d’une perception plus grande de la qualité…

 

Fabien Foulon : Voici un graphique de Nielsen qui fournit quelques infos sur les performances de la 3e voie : la croissance du « sans pesticide » est très forte : +33 %. Et plus précisément sur le Zéro résidu de pesticides avec un chiffre d’affaires de 57 millions d’euros en 2022, +9 % sur un an

 

François Labbaye (Bio développement) : Je trouve l’analyse de Burkhard excellente et simple pour la faire comprendre à un politique – réduction et bon investissement – ou à un consommateur qui sait ou va son argent ! Fabien, comme ton graphique le prouve, le “bien consommer” poursuit dans le bon sens et la bio a une carte à jouer. Mais faut-il encore savoir valoriser nos atouts !

 

 

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