Créée en 2020 en pleine période de confinement, « L’Épicerie des Julie » est représentée par deux magasins situés à 4 km l’un de l’autre, avec des profils commerciaux très différents. Julie Poinsignon, actuelle présidente du conseil d’administration de l’association Réseau Vrac et Réemploi, nous explique ce qui l’a menée à la création de ces deux épiceries vrac très complémentaires, avec une offre d’environ 75 % en bio.
Binéaires : Julie, comment en êtes-vous venue à créer deux épiceries vrac, bio et locales après un parcours professionnel aussi varié ?
Julie Poinsignon : C’est vrai qu’à 40 ans aujourd’hui, après avoir fait une école de commerce, je peux dire que j’ai accumulé de multiples expériences dans la vente, la communication et le marketing, que ce soit dans des PME ou des grands Groupes, et même dans le domaine du luxe. Pour mon dernier poste, j’occupais une fonction de cheffe de projet dans un grand groupe d’assurance.
Mais la crise de la Covid au printemps 2020 a tout remis en question. Je me suis confinée avec ma voisine Julie Vantours, nos conjoints et enfants, et nous avons commencé à réfléchir à ce qui nous manquait le plus : un lieu où on pourrait faire toutes ses courses essentielles, avec du choix, des bons produits, du bio, du vrac et du local, le tout dans une ambiance très conviviale. C’est comme ça que le projet de l’Épicerie des Julie à pris racine !
BL : Ce fut très rapide puisque vous avez ouvert votre premier magasin quelques mois après !
J. P. : J’avais travaillé dans deux Amap de la région et assuré la présidence pour l’une d’elles… Je connaissais un peu la distribution de produits sains et locaux. Mon associée, Julie Vantours, travaillait dans l’assistance médicale et venait de faire une formation en naturopathie ; ces expériences complémentaires nous ont bien aidé pour notre projet.
Dès octobre 2020, le premier magasin ouvre à Éragny-sur-Oise et le deuxième, en mars 2021, à Pontoise. Nous avions du temps pendant le confinement et nous l’avons mis à profit pour chercher un local disponible, monter le dossier, obtenir les financements, rencontrer les fournisseurs, quitter nos emplois respectifs. Et beaucoup communiquer sur les réseaux sociaux : nous avons ainsi créé un véritable feuilleton autour de cette aventure, les gens se sont passionnés pour notre projet et, dès le premier jour d’ouverture, il y avait la queue devant le magasin à Éragny !
Aujourd’hui encore, plus de 3 000 personnes nous suivent au quotidien.
BL : Pouvez-vous nous en dire plus sur l’activité de vos deux épiceries ?
J. P. : Comme tout le monde, nous avons vécu une année 2022 plus difficile que 2021 mais pas catastrophique, marquée par une baisse de fréquentation et de chiffre d’affaires. Les premiers mois de 2023 se sont montrés plus dynamiques, nous espérons que ça va perdurer ! Selon les magasins, les approches du commerce sont différentes, avec des offres en bio, axées sur des productions locales ou régionales si possible. Nous essayons de proposer pour certains produits plusieurs références à prix variés selon le budget de chacun, pour la lessive par exemple. Hormis les gammes classiques d’épicerie salée et sucrée, les liquides, en vrac ou non, nous misons sur une offre en frais assez large au niveau des fruits et légumes et de la crèmerie. Nous proposons une large gamme de vins, et des bières souvent locales. Mais toujours pas de viande ni de poisson ! Nous pratiquons la consigne, ajustons les quantités achetées, réduisons les emballages au minimum.
« Nos clients ne viennent pas uniquement chez nous pour trouver de bons produits mais pour y vivre une expérience émotionnelle unique »
Notre magasin à Pontoise est plus petit (55 m² pour la surface de vente), mais il est très bien situé en centre-ville, avec une clientèle de proximité variée : des jeunes impliqués dans le bio et le zéro déchet, des actifs qui font les courses du quotidien, des seniors et des personnes âgées qui viennent juste pour acheter un gâteau ou un citron…
Le panier moyen est peu élevé, autour de 15 euros, mais ces « petites courses » sont compensées par une bonne fréquentation, parfois jusqu’à 100 clients par jour. Nous proposons quelques produits de boulangerie à grignoter, mais pas encore de réelle offre pour le déjeuner.
Le magasin d’Éragny est situé dans une zone active, d’un accès facile, avec un parking d’une vingtaine de places, des chariots à disposition. Les clients viennent parfois de loin pour leurs emplettes. La surface de vente est bien plus grande, avec 130 m², les références plus nombreuses (elles ont triplé en un an), le vrac occupe une place importante et le panier moyen est plus élevé (35 €). Il est clair que les gens viennent pour faire leurs courses de la semaine ; le profil est plus familial, plus cosmopolite ( jusqu’à 60 clients/jour). Julie Vantours et moi-même sommes basées dans ce magasin, avec trois employées supplémentaires. Nous connaissons tous nos clients, nous les tutoyons, les appelons par leur prénom. Quand une personne ne vient pas pendant un petit moment, nous nous inquiétons pour elle… Nous sommes vraiment très proches de notre clientèle et elle nous le rend bien par sa grande fidélité !
« Nous n’avons pas de carte de fidélité mais nous faisons des cadeaux en caisse : un fromage frais, un fruit ; nous préférons donner directement tous nos produits en fin de DDM plutôt que les jeter ! »
L : Comment peut-on définir la valeur ajoutée de l’Épicerie des Julie ?
J. P. : Je dirais que c’est vraiment ce lien très convivial, cette émotion positive que nous entretenons avec nos client(e)s. Nous avons différents profils de consommateurs : les puristes écologistes convaincus, ceux qui veulent mieux maîtriser leur consommation en faisant le choix du vrac, ceux qui font le choix de la qualité. En venant chez nous, ils savent très bien qu’ils vont trouver de bons produits, du bio, du vrac et du local.
Mais ce qu’ils cherchent est ailleurs : avec nous, en plus du service-client et des conseils ils vont trouver un sourire, de la bonne humeur, une écoute, un lien partagé… C’est plus rare ! Autre point positif : nous communiquons très clairement sur les avantages du vrac en expliquant à notre clientèle qu’elle ne paye jamais le poids du contenant, juste celui du produit acheté !
Nous donnons nos légumes moches à des associations et nous allons aussi sur les salons professionnels pour rencontrer de nouveaux fournisseurs pour trouver en permanence de nouveaux produits originaux à proposer à nos clients et répondre à leurs attentes.
Les magasins en chiffres
Pontoise
Date de création : 2021
70 m² dont 15 m² de réserve
3 employées 2 000 références
Panier moyen : 15 €
CA 2022 : 300 000 €
Éragny
Date de création : 2020
130 m² dont 30 m² de réserve
3 employées 3 000 références
Panier moyen : 35 €
CA 2022 : 400 000 €
BL : Vous êtes depuis quelques mois la présidente de l’association Réseau Vrac et Réemploi. Qu’est ce que ça change pour vous ?
J. P. : Peu de choses au final puisque nous étions, Julie et moi, déjà engagées au sein de l’association Réseau Vrac, elle sur le terrain et moi au niveau du bureau. Le fait d’être présidente de Réseau Vrac et Réemploi me permet de participer aux prises de décision importantes, de rencontrer les acteurs institutionnels et politiques pour aider à faire la promotion du vrac et du réemploi des emballages.
Propos recueillis par Christophe Beaubaton
SOMMAIRE